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Passagers, avions, salariés : que va-t-il rester d’Aigle Azur ?

Faute de trésorerie, Aigle Azur cesse ses vols à partir de ce vendredi soir, contraignant les passagers à trouver des solutions souvent onéreuses.

 

Le couperet est tombé. Faute de trésorerie, la compagnie Aigle Azur, deuxième transporteur aérien français en termes de trafic, arrête ses vols ce vendredi soir à 23 h 59. L’activité n’est plus possible, car les fournisseurs exigent d’être payés comptant en cash ou par virement bancaire immédiat. C’est le cas notamment du carburant avec des pleins de l’ordre de 10 000 euros payables « au cul du camion ».

Un avion a déjà été bloqué à Alger, avec près de 200 passagers. Les autres prestataires, chargés notamment du nettoyage des avions, du catering, de l’accompagnement sur la piste, ne font plus crédit. Et il reste quatre jours à un repreneur pour se déclarer au tribunal de commerce.

Le cas de l’Algérie

Sur son site internet, la compagnie Aigle Azur indique quels vols sont maintenus aujourd’hui et quelles démarches effectuer « pour déclarer sa créance ». Les passagers les plus vulnérables sont ceux qui ont acheté « un vol sec », un billet d’avion directement sur le site internet d’Aigle Azur. Des assurances remboursement sont toutefois associées au paiement avec certaines cartes bancaires. Un achat en agence de voyages peut être protégé, car celles-ci disposent de quinze jours pour se faire rembourser. Les fonds transitent en effet par le BSP, une caisse de compensation de l’IATA, l’association internationale des transporteurs aériens, qui ne paye la compagnie qu’au bout de ce délai. Souvent les agences de voyages font un geste commercial si le remboursement automatique n’est pas possible.

Quand les billets ont été vendus dans le cadre d’un voyage à forfait, les billets sont remboursés par le prestataire de service, l’agence de voyages ou le tour-opérateur. C’est le cas le plus favorable, mais qui concerne peu l’Algérie où les voyages touristiques sont rares. De plus, pour les billets émis en Algérie, le BSP n’existe pas et le contrôle des changes local freine le retour des recettes vers la France. Certaines estimations font état de 15 millions d’euros bloqués ainsi en Algérie. Air France propose des tarifs spéciaux aux passagers bloqués de même qu’ASL Airlines qui dessert Alger et Oran.

Mensonges

Une forte responsabilité de l’administration française est engagée, car celle-ci, au travers de la Direction générale de l’aviation civile, suivait au jour le jour la situation financière d’Aigle Azur. Elle n’est pas intervenue quand le président Frantz Yvelin a trompé la communauté aéronautique en annonçant 25 millions d’euros de trésorerie. Des audits réalisés le mois dernier ont montré qu’il manquait 38 millions d’euros.

Surtout une dette de 40 millions d’euros supplémentaires s’y ajoute quand, dans deux ans, les avions devaient sortir de leasing et être rendus à leurs propriétaires. En effet, l’exploitation d’un avion impose de provisionner après chaque heure de vol le montant des révisions de l’appareil et des moteurs à venir. Faute de trésorerie, ces provisions n’ont jamais été réalisées. Aussi le communiqué publié par le ministère de la Transition écologique et solidaire représente un monument d’hypocrisie.

Crise de l’emploi peu probable

Pour les 1 150 salariés d’Aigle Azur, la situation est difficile, mais pas réellement dramatique. Par chance, le transport aérien vit une période de croissance et recrute à tout-va. Un nombre de pilotes, d’hôtesses, de personnel au sol, de commerciaux au prorata des avions sera nécessaire pour transporter le million de passagers qui volait avec Aigle Azur. Certes, des changements sont à prévoir comme travailler à Roissy-CDG, en province ou à l’étranger au lieu d’Orly. Les navigants devront se plier aux règles peut-être plus contraignantes des compagnies comme les low cost, qui recrutent.

Les 10 000 slots d’Orly, faute de repreneur, seront reversés dans le pot commun géré par un organisme paritaire, la Cohor (association pour la coordination des horaires). Mais ces créneaux sont à double tranchant, car, une fois réattribués, ils doivent être exploités par la compagnie. Cela ne pose pas de problème pour des transporteurs comme Air Caraïbes en pleine croissance, mais cela peut être un fardeau pour d’autres qui n’ont pas les moyens ou le réseau.

À l’exception d’un A320 en propriété (mais loué à TAP Air Portugal), les Airbus d’Aigle Azur sont loués. Cette flotte va être clouée au sol à Orly. Mais les loueurs vont s’efforcer de retrouver preneur, ce qui doit être assez facile avec le déficit mondial de moyen-courriers créé par l’arrêt du Boeing 737 MAX. En attendant, les appareils pourraient partir en province à Châteauroux ou Tarbes-Lourdes, des aérodromes pouvant stocker et aux taxes moins élevées qu’Orly.

Le Point.fr
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