Djénéba Maïga est une femme âgée d’une quarantaine d’années et mère de 6 enfants. Pour pouvoir subvenir aux besoins de sa famille, n’ayant pas d’autre choix, elle s’était consacrée à faire le « coxeur » dans l’exploitation et le transport du sable au bord du fleuve Niger, à Koulikoro. Mais vu que son corps n’arrivait pas à supporter, elle a finalement laissé tomber cette activité pour se débrouiller maintenant dans la vente des galettes. Suivez plutôt cette interview qu’elle nous a bien voulu nous accorder.
LE COMBAT : Qui est Djénéba Maïga ?
Djénéba Maïga: Effectivement, je réponds au nom de Djénéba Maïga. Femme au foyer et mère de six enfants dont une fille.
Pourquoi avez-vous choisi de faire le « kocseur » au bord du fleuve Niger, à Koulikoro ?
C’est à cause des difficultés et pour subvenir tant légitimement que légalement aux besoins de ma famille. Ce travail, je l’ai exercé pendant trois ans.
Comment elle se pratique-t-il, surtout pour une femme?
Au bord du fleuve, on achète le sable soit avec les piroguiers ou avec ceux qui l’enlèvent directement de l’eau. On le rassemble jusqu’à ce que ça devienne beaucoup. Aussi, il y a, des fois où les vendeurs de sable des pirogues n’ont pas d’acheteurs, de clients. Et, dans ce cas, ils nous le vendent à 12500 ou 15000 francs CFA. Quand le sable se fait rare, on nous vend quatre seaux à 500 francs CFA. Après, quand on le revend, comme bénéfice, on peut avoir près de 5000 francs CFA ou plus dans la journée. Il faut aussi dire que des fois on rentre nous même dans l’eau pour exploiter, ramasser le sable. on déchargeait aussi les pirogues. Mais, c’est un travail qui est dure voire trop dur surtout pour les femmes. Ça, il faut le reconnaitre.
Alors, avez-vous des difficultés ?
Les difficultés sont avec les syndicats du secteur qui organisent et disent règlementer la filière. Ils nous prennent le sable et parfois ils refusent de nous donner l’argent. Ou bien ils nous en donnent un peu, par tranches. Ils font cela tout le temps. Et, ça dure tellement que parfois on finit de dépenser tout l’argent qu’on disposait comme capital ou fonds de roulement. Alors que ce travail ne peut se faire sans argent. C’est un domaine où on achète pour revendre.
Entre nous les femmes qui y étions, on a décidé de mettre à côté 2500 francs CFA à chaque fin de mois. C’est comme une cotisation et chaque fois que le tour arrive à une d’entre nous, elle touche à son dû. Ainsi de suite.
N’avez-vous pas des contraintes parce que vous êtes femme dans ce domaine ?
Si, des fois, les syndicats qui sont sur les lieux, qui sont presque tous des hommes, refusent que nous, les femmes, nous puissions descende dans l’eau pour extraire du sable comme les hommes. On a fait près d’une année dans cette situation. Nous, les femmes, nous partions seulement pour nous assoir au bord du fleuve, le soir on rentre à la maison. Même les parcelles qu’on nous donnait au bord du fleuve pour exploiter le sable, on nous les refusait des fois. Certains hommes nous font des fois aussi des chantages. C’est ce qui m’a surtout découragé et j’ai abandonné la filière de sable au profit d’un secteur de petit commerce toujours pour nourrir légalement et légitiment ma famille. Mon corps aussi n’arrivait plus à résister sous la force du travail. A vrai dire, ce n’est pas facile pour une femme de pratiquer la filière d’exploitation de sable.
Ainsi dit ; alors, qu’est-ce que Djénéba fait maintenant ?
Pendant les périodes scolaires, je vends des galettes devant les écoles. Et c’est avec cet argent que j’arrive à subvenir à mes besoins et à ceux de mes enfants.
Qu’est-ce que vous avez à dire pour conclure ?
On aimerait que les autorités nous aident. Les femmes de Koulikoro sont fatiguées. Parmi les femmes qui font ce travail, il y en a qui sont des veuves ou celles dont les maris sont partis à l’étranger. Et d’autres sont issues des familles ou des foyers conjugaux démunis. Alors, l’Etat doit faire en sorte que le fonds de l’autonomisation de la femme malienne ne se limite pas qu’aux femmes de Bamako ou, comme on dit dans le jargon consacré, aux « Gros bonnets» uniquement. Bref, qu’on pense à aider les femmes des ménages aussi, celles qui se battent honnêtement dans, par exemple, le petit commerce aussi pour préserver la dignité de la femme,…
Propos recueillis par Adama A. Haïdara : LE COMBAT