La Cour d’Appel de Bamako a procédé, le lundi 30 avril, dans sa salle d’audience, à l’ouverture de la première session de la Cour d’assises de l’année 2018. La cérémonie était présidée par son président, en présence du Procureur général près de la Cour d’Appel de Bamako, Moussa Arizo Maïga, du Bâtonnier de l’Ordre des avocats du Mali, Alassane Sangaré et plusieurs personnalités de la famille judiciaire.
Dans son réquisitoire de la séance d’ouverture, le Procureur général près de la Cour d’Appel dira que la tenue de la première session de la Cour d’Assises au titre de l’année judiciaire 2017-2018, procède de la volonté de sa juridiction de sacrifier à la tradition d’un minimum de trois sessions au cours de l’année.
Selon lui, la présente comme les précédentes priorise les dossiers de détenus en état d’être jugés. Ainsi, dit-il, 82 affaires sont inscrites au rôle de cette session. Celles-ci concernent 145 accusés, dont 85 détenus provisoires effectifs en dehors des pris de corps éventuels qui s’y ajoutent.
A le croire, cette session se caractérise par une forte prédominance des crimes de sang : 11 cas d’assassinat, trois cas de meurtre, six cas de coups mortels et trois cas d’infanticide, soit au total 23 accusés. A l’entendre cette prédominance est un signe inquiétant car elle découle du choix par nombre de nos concitoyens de s’exprimer par la violence. “Les infractions contre les biens notamment le vol qualifié suivent, pour confronter cette expression de la violence car les vols qualifiés sont bien souvent accompagnés d’atteinte à l’intégrité physique des personnes, souvent à la vie”, a-t-il ajouté.
Les infractions contre les mœurs, des formes les plus graves d’agression
Pour le Procureur général, au 3ème rang, les infractions contre les mœurs, notamment la pédophilie avec huit cas, le viol (5) et d’un cas d’attentat à la pudeur. A ses dires, ces infractions dont la fréquence et la banalisation qui l’accompagne doit interpeller tous les Maliens. “Les infractions contre les mœurs font partie des formes les plus graves d’agression, du fait qu’elles portent atteinte à l’honneur et à la dignité de la personne, ainsi qu’à sa souveraineté sur son corps”, a-t-il précisé.
En ce qui concerne les infractions relevant du terrorisme, il indiquera que huit cas de terrorisme seront traités lors de cette session. A ce titre, il a laissé entendre que ce nombre de dossiers de personnes inculpées pour terrorisme signifie que les choses bougent au niveau du Pôle spécial de lutte contre le terrorisme. “Si les conditions sont réunies et si tout se passe comme prévu, la prochaine session ordinaire ou spéciale sera principalement consacrée à des affaires de terrorisme car les attentes sont pressantes sur ce sujet”, a-t-il annoncé.
Il ajoutera que cette première session se penchera sur quatre cas de faux et usage de faux. Selon lui, ceux-ci sont suivis dans une moindre mesure d’autres infractions à savoir le trafic international de stupéfiants, l’incendie volontaire et la traite de personne.
La lenteur dans le traitement des dossiers dénoncée
En revanche, dit-il, les affaires économiques et financières pourtant attendues se signalent par leur rareté à la précédente session comme à la présente. “Je crois que c’est moins par manque de dossiers à traiter que par manque de diligence dans la conduite des affaires à ce niveau. A tous les niveaux du processus pénal, la justice s’illustre par sa lenteur que l’on qualifie de proverbiale, c’est un constat, le traitement des dossiers dans un délai raisonnable est un leurre. La gestion du temps doit être notre crédo “, a renchéri le Procureur général près de la Cour d’Assises de Bamako.
Et d’inviter les acteurs de la justice à ne pas gloser sur le temps ou sur les réflexions philosophiques, mais plutôt à être un allié indispensable de tout ce qui ont souci d’avancer, de progresser ou de faire un usage intelligent et efficient afin d’éviter de se perdre dans des fioritures et en occultant l’essentiel. “Le temps, j’en parle, parce que de façon récurrente, les justiciables et les professionnels du droit déplorent le retard incompréhensible et irresponsable, pris dans le règlement ou le jugement des affaires, au mépris souverain les règles éthiques et déontologiques. Devant de telles dérives l’idéal de justice et le sens des responsabilités qui doit nous habiter à tout instant, devient illusion”, a-t-il martelé.
Pour finir, il précisera que ce constat est général et concerne malheureusement tous les compartiments de la procédure pénale et tous les acteurs. “Au rythme où vont les choses, la situation n’est pas prête de changer, c’est pourquoi, un sursaut d’ensemble est nécessaire”, a-t-il conclu.
Boubacar PAÏTAO
Source: Aujourd’hui-Mali