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Ousmane Christian Diarra : «Nous voulons exprimer notre mécontentement»

Le secrétaire général du Syndicat autonome des administrateurs civils dénonce la récente libération des Occidentaux contre celle de 206 terroristes, sans l’élargissement de leurs collègues toujours aux mains des ravisseurs. Aussi, le porte-parole des syndicats des travailleurs du ministère de l’Administration territoriale revient sur les raisons de la marche d’aujourd’hui et de la grève de 360 heures qui commence, en principe, lundi prochain

 

L’Essor : Vous projetez d’organiser une marche ce jeudi. Qu’est-ce qui justifie cette sortie ?

Ousmane Christian Diarra : Effectivement le jeudi 15 octobre, nous projetons une marche du monument de l’Indépendance à la Primature. Ceci, pour aller dénoncer le mépris jeté à la figure des représentants de l’État, tout le désintérêt que le gouvernement manifeste à l’endroit de ses concitoyens. À quoi cela est dû ? Vous n’êtes pas sans savoir que la semaine dernière monsieur Soumaïla Cissé a été libéré, avec trois autres Occidentaux contre 206 terroristes aux mains tachées du sang malien. Nous n’avons vraiment pas compris, nous n’avons pas accepté et nous n’accepterons jamais, ni ne pardonnerons jamais cette situation.

Quand les bruits avaient couru, nous avons pris contact avec les autorités qui nous avaient presque rassurés en disant que les dossiers de nos camarades, à savoir le préfet de Gourma Rharous, enlevé le 2 mai 2020 et le sous-préfet de Farako, kidnappé le 8 décembre 2019, avaient été transmis à la cellule de crise qui traitait la question. Malheureusement, à la libération des otages, nous avons été déçus de voir un seul Malien avec trois Occidentaux : une Française et deux Italiens contre 206 assassins du peuple malien.

Ç’aurait été Soumaïla seul, nous aurions compris, mais nous n’accepterons jamais que ceux qui ont tué les Maliens, éventré des femmes enceintes, brûlé, rasé tout un village soient monnayés pour la liberté et la sécurité des Occidentaux. Nous ne pardonnerons jamais cela de la part de nos autorités. Donc, pour les dénoncer, nous allons entreprendre cette marche qui nous mènera jusqu’à la Primature où siège le premier chef de l’administration malienne, c’est-à-dire le Premier ministre.

L’Essor : Aussi, à partir de lundi prochain, vous envisagez d’observer une grève de 360 heures reconductible. Quelles sont les raisons de ce débrayage ?

Ousmane Christian Diarra : Cette grève était prévue de longue date. Avec l’ancien régime, nous avions déposé le même préavis le 11 août dernier suivi immédiatement de toute abstention de travailler. Cela nous a conduit jusqu’à la chute du régime. Ainsi, à l’avènement du Comité national pour le salut du peuple (CNSP), ils nous ont conviés et nous ont demandés de surseoir à la grève en attendant juste la mise en place d’un gouvernement qui pourrait faire face aux questions. À l’issue d’une assemblée générale, nous avons reçu mandat de nos militants de suspendre la grève, mais de la reconduire dès le lendemain de la mise en place du gouvernement, ce que nous avons eu à faire.

Il s’agit, pour la présente grève, de demander simplement le respect d’un engagement pris par le gouvernement depuis le 24 juillet 2018. Je rappelle qu’à cette date, il y a eu un procès-verbal de conciliation entre nous et le gouvernement dans lequel celui-ci reconnaissait nous devoir des primes et indemnités à telle hauteur et qu’il s’engage à nous donner après l’élection présidentielle.

La dernière élection présidentielle date d’août et septembre 2018. Nous avons démarché le Premier ministre d’alors jusqu’à son remplacement, les ministres successifs de l’Administration territoriale et du Travail, on n’a jamais eu de suite. C’est en février 2020, finalement sous la pression, que le ministre délégué au Budget nous a écrit pour nous dire que compte tenu de la situation financière du pays, l’État ne saurait tenir son engagement. En patriotes, en fils dignes de ce pays, nous nous sommes réunis et avons dit que l’argument était valable. Connaissant la situation du pays, nous avons dit que nous devons mettre en berne notre revendication.

À notre grande surprise, quelques mois plus tard, nous découvrons que d’autres corporations, – que nous félicitons d’ailleurs pour avoir obtenu gain de cause -, ont eu des avantages qui se chiffrent à plus de dix fois plus que les nôtres. Donc, nous nous sommes dits que la situation financière qu’on nous opposait a changé.

Ceux qui sont au niveau de la gestion du pays savent de quoi il s’agit, et nous avons déposé le 11 août notre préavis de grève. Il y a eu la chute du régime, et nous avons suspendu, ce n’est qu’une reprise. On ne vise personne, mais on demande simplement le respect d’un engagement. Un gouvernement normal dans tous les pays du monde, c’est la parole donnée.

L’Essor : Quelle a été la réaction des autorités de tutelle quand vous avez déposé votre préavis de grève ?

Ousmane Christian Diarra : De réaction, il ne peut en être autrement. La loi est très claire : quand il y a dépôt d’un préavis, il faut attendre 15 jours pour préparer le terrain pour les deux parties. À la réception du préavis, le ministère de tutelle de tous les syndicats qui est la Fonction publique, nous a saisi pour nous demander de lui transmettre les noms de nos représentants dans la commission de conciliation qui doit obligatoirement être mise en place dans les 15 jours, ce qui a été fait.

Ils nous ont demandé d’envoyer le mémoire en défense qui explique les motivations de nos doléances, nous l’avons aussi fait. C’est aujourd’hui même (hier, Ndlr) que nous avons reçu l’avis de réunion qui convoque la commission de conciliation pour le vendredi. Ils voulaient commencer ce mercredi, mais nous sommes dans la mouvance des préparatifs de notre marche. On leur a demandé qu’on ne saurait le faire, donc la commission de conciliation va siéger à partir de vendredi.

L’Essor : Compte tenu de la situation actuelle du Mali, une grève de longue durée n’est-elle pas synonyme de paralysie du pays ?

Ousmane Christian Diarra : Nous n’avons jamais eu l’intention de paralyser le pays. Ce sont les hautes autorités qui ont toujours voulu que le pays soit ainsi. Ce qu’on peut gérer dans les négociations, si on ne le fait pas, ça abouti toujours à une crise. Il est dit que administrer, c’est prévoir, gouverner, c’est prévoir.

Nous n’avons pas eu l’intention de bloquer quoi que ce soit. Il suffit qu’ils nous disent que votre demande est pertinente et qu’ils vont tenir leurs engagements, nous lèverons notre mot de grève. La durée de la grève ne dépend que de leur bonne volonté.

L’Essor : L’une des missions primordiales de la Transition, c’est l’organisation des élections transparentes et crédibles dans un délai de 18 mois. En allant en grève de plusieurs jours, votre mouvement n’est-il pas une menace pour ce processus qui vient de commencer ?

Ousmane Christian Diarra : C’est la loi qui nous confère l’organisation matérielle et technique des élections. Nous serons très heureux aujourd’hui d’être débarrassés de l’organisation intégrale de ces élections. Je vous rappelle que le préfet de Gourma Rharous a été aujourd’hui pris en otage à cause des élections. Je vous rappelle qu’à cause des élections, beaucoup de préfets ne peuvent pas retourner dans leur circonscription. Je vous rappelle que des préfets et sous-préfets sont aujourd’hui sujets de plaintes au niveau des tribunaux à cause des élections pour rien.

L’Essor : Dans ce contexte d’insécurité, est-ce que votre syndicat est favorable au retour de l’administration au Nord et au Centre du pays ?

Ousmane Christian Diarra : Je jure qu’aucun administrateur ne sera sur le terrain sans les conditions de sécurité requises. C’est fini. La complicité naïve est finie. La récente libération des quatre otages, sans nos camarades, est un mauvais signal pour nous. Personne n’ira tant que les conditions requises ne seront pas là.

L’Essor : Votre mot de la fin

Ousmane Christian Diarra : La presse a un rôle déterminant. L’éveil de conscience, c’est votre domaine. Autant que les enseignants, vous êtes très utiles pour tout le monde.

Propos recueillis par
Bembablin DOUMBIA

Source : L’ESSOR

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