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Ousmane Babalaye Daou, président du CMC sur l’embargo de la CEDEAO : « Le pire n’est pas évité!»

Dans une interview exclusive accordée au journal ‘’Actu Eco’’, le Président du Conseil malien des chargeurs, Ousmane Babalaye Daou, invite les nouveaux dirigeants du Mali à négocier avec la Cedeao pour éviter le pire. En outre, le Patron du CMC, tout en saluant l’effort des opérateurs économiques du Mali, s’est montré véritablement optimiste quant à la continuité de l’approvisionnement des populations en denrées de première nécessité. Interview !

 Actu-Eco : Présentez-vous s’il vous plaît

 Ousmane Babalaye Daou : Je suis Ousmane Babalaye Daou, Président du Conseil malien des chargeurs.

 Comment le Conseil malien des chargeurs se porte aujourd’hui ?

Difficile question. J’aurai souhaité que l’appréciation vienne des autres. En tant que Président, tout ce que je dis pourrait paraître partisan. Mais, je vous rassure que nous nous battons  au quotidien pour que le pays soit ravitaillé correctement.

De la création du Conseil malien des chargeurs à ce jour,  il n’y a pas eu de pénurie en République du Mali. Cela veut dire que le Conseil malien des chargeurs fait de son mieux. Pour que cela se passe, les opérateurs économiques maliens ont travaillé. Nous ne faisons que les accompagner. Ce sont eux qui initient et commandent. C’est l’occasion de les remercier pour tout ce qu’ils font pour le Mali pour qu’il n’y ait pas de pénurie et de surenchère des produits de première nécessité.

 Cette année a été particulièrement marquée par la Covid-19 et le coup d’Etat au Mali, comment le Conseil malien des chargeurs résistent-il à ces crises ?

Difficilement ! Il y a des blocages. Le monde entier est en crise et le Mali en subit aussi les conséquences. Nous sommes aussi un pays enclavé, ce qui aggrave notre situation par rapport aux autres pays. La Covid-19 a été vécue difficilement par le Mali comme par le monde. Comme je l’ai dit, on s’est évertué à faire ce que nous pouvons faire. Ce que nous savons faire, c’est de faire en sorte que les marchandises arrivent moins chères au Mali. Nous avons fait cela avec nos partenaires qui sont au niveau  des différents ports. C’est l’occasion de leur dire merci pour avoir accompagné le Conseil malien des chargeurs. En ce qui concerne le coup de force, il a engendré des blocages avec les décisions de la Cedeao de bloquer l’entrée de certains produits. Tous ces blocages ne sont pas de nature à faciliter le commerce.

Encore je remercie les opérateurs économiques maliens. Bien que  nous soyons un pays continental, ils se sont montrés compétents, visionnaires et proactifs.

Aujourd’hui si nous sommes ravitaillés, c’est parce que ces opérateurs économiques, il y a peut-être quatre ou six mois, ont commandé des produits qui sont en train d’arriver. S’ils ne l’avaient pas fait, nous serions dans une situation très difficile où on risquerait d’être dans une pénurie. Ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. C’est l’aspect des transferts financiers qui pose problème. Les marchandises qui ont été commandées sont en train d’arriver, mais il faut en commander encore. Comment commander ? Voici la vraie question. C’est pourquoi nous demandons à nos nouvelles autorités de négocier le plus rapidement possible avec les autorités de la Cedeao pour  nous soulager en ce qui concerne le flux financier.

 Est-ce qu’on peut dire que l’application de l’embargo qui a été limité aux produits de première nécessité a été respectée à la lettre ?

Disons que tous les pays, de façon générale, laissent passer ces marchandises épargnées par l’embargo de la Cedeao. Mais c’est toujours difficile. Prenons le cas des hydrocarbures. On les laisse venir parce que nous avons payé. Aujourd’hui, dès que ce stock est fini, il faudra commander encore. Or, il y a un délai pour la commande, l’acheminement et le débarquement des produits. Comment nous allons faire ? C’est cela la vraie question. Je l’ai dit et je le répète. Les opérateurs économiques maliens ont fait leur travail, mais ce qui est à venir peut être difficile si on ne négocie pas.

A la question à savoir si le stock disponible est suffisant, je dirai non. Ce n’est pas suffisant, mais au moins l’essentiel est là. On a ce qu’il faut pour tourner.

Mais concernant le cas des usines. Si leurs matières premières n’arrivent pas, comment elles vont fonctionner pour produire? Si elles ne produisent pas, on sera obligé de remercier tous les salariés ou les mettre en congé. Vous voyez que ce n’est pas simplement ce que le commun des mortels voit. Ces usines  emploient des milliers de chefs de famille qui seront au chômage, faute de matières premières.

 Donc le pire n’est pas éviter ?

Ah non, le pire n’est pas évité! Il faut absolument se mettre d’accord pour qu’on ne puisse pas arriver au pire.

Le pire, c’est ce que je viens de dire. Une pénurie. C’est que sous peu, les prix peuvent prendre l’ascenseur. Quand on sait que le stock, qui est là, est en train de finir et qu’on ne peut plus commander, c’est ce qui est plus grave. Si on sent que les produits comme le riz et le sucre vont manquer dans deux mois, on va courir pour acheter dix ou vingt sacs pour les stocker. Dès que ce processus est enclenché, c’est la pénurie qui s’installe. C’est la panique qui encore plus grave. Vous allez prendre plus que ce dont vous avez besoin en privant votre voisin d’en avoir chez lui. Ce n’est pas notre souhait.

Avez-vous une idée du nombre de chargeurs maliens bloqués  dans les pays de la sous-région ?

Nous sommes en train de les recenser. Ce sont des stocks qui évoluent tous les jours. Il y a ce qui sort et ce qui rentre. Je viens d’une réunion qui avait pour but de connaître la situation de ces chargeurs. Elle évolue tous les jours sinon chaque deux heures.  Un bateau vient, un camion sort. Aujourd’hui, nous avons la possibilité d’avoir la consommation pour un ou deux mois en produits de première nécessité sans crainte. Pour le moment, il y a de quoi rassurer la population. Mais une économie souffre dès qu’on ne peut plus faire de transfert et les gens commencent à se poser des questions. Qu’on le veuille ou pas, cela va se répercuter sur les consommateurs. Je pense que d’ici deux mois, tout cela sera derrière nous inch Allah !

 Nous venons de sortir des concertations nationales devant poser les jalons d’un Mali nouveau, quelle sera la place du Conseil malien des chargeurs ?

Merci pour cette question. Dans tous les pays du monde, l’économie est au centre de tout. Nous devons comprendre que nous avons au Mali une race d’hommes d’affaires dignes et compétents. Il faut avoir confiance en eux et les appuyer parce que nous n’avons pas une autre.

Nous savons tous intimement que tous les pays voisins envient cette race d’hommes d’affaire que le Mali possède. Ne la tuons pas, ne la critiquons pas sauf si c’est une critique positive, mais ne la dénigrons pas. Nous allons continuer à jouer notre rôle pour qu’il n’y ait pas de pénurie en République du Mali. Nous avons fait cela et depuis 1968 jusqu’aujourd’hui, il n’y a pas eu de pénurie chez nous. Bravo les chargeurs !

 Est-ce que vous avez un message particulier au nom des  chargeurs à l’adresse des nouveaux dirigeants du Mali ?

Il est très difficile de parler publiquement et à haute voix au nom de tout le monde et en prenant compte des préoccupations de chacun. Chacun a sa stratégie en matière d’affaires. Chacun cache la sienne et personne ne veut la dévoiler à un autre. Les recettes commerciales restent toujours un secret. Je demande à notre pays d’avoir confiance en nos opérateurs économiques qui travaillent pour le bien-être du pays.

 Réalisée par Bazoumana KANE et Youssouf Z KEITA

Source : Actu-Eco

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