Bamako, 17 juin (AMAP) Un drame survenu, la semaine dernière, dans la carrière principale de la Société d’exploitation des mines d’or de Sadiola (Semos), la récente ruée vers l’or à Gao et Kidal, dans le Nord du Mali, doivent convaincre les acteurs de l’exploitation traditionnelle du métal jaune de la nécessité de restructurer le secteur.
Cette activité, qui occupe des milliers de personnes, s’exerce encore dans une certaine anarchie. Les acteurs sont unanimes pour dire qu’une structuration, à travers les couloirs et les coopératives d’exploitation pourrait être profitable aussi bien aux exploitants qu’à l’Etat. Cela, afin de faire de l’orpaillage un levier essentiel du développement socioéconomique de notre pays, notamment les localités et communautés riveraines.
L’objectif étant de préserver des vies humaines, les intérêts des compagnies minières et accroître la production nationale estimée à 71 tonnes d’or, en 2019, dont 65,1 tonnes pour la production industrielle.
Adopté le 21 août 2019, en Conseil des ministres, le nouveau Code minier définit l’orpaillage comme étant « l’activité à petite échelle consistant à récupérer l’or contenu dans les gîtes primaires, alluvionnaires et éluvionnaires à l’intérieur d’un couloir d’exploitation artisanale par les procédés manuels associant des équipements rudimentaires, sans utilisation de produits chimiques ». Il peut être indifféremment appelée orpaillage traditionnel ou orpaillage artisanal ou manuel, le tout désignant la même activité exercée dans un couloir d’exploitation artisanale.
Cette activité profitable à des milliers de Maliens est aujourd’hui menacée, à en croire le président de la Chambre des mines du Mali. Pour prévenir ce scénario catastrophe, Abdoulaye Pona propose de dégager des couloirs d’orpaillage ou d’exploitation artisanale suivant un arrêté ministériel. « La Chambre les mettra alors à la disposition des collectivités concernées par l’orpaillage », assure Abdoulaye Pona.
En la matière, une coopérative sera créée. Chaque village fournira un nombre défini d’acteurs pour ce faire. La coopérative, ainsi mise en place, sera déployée au niveau du couloir. « Seuls les membres de la coopérative, exclusivement des Maliens, auront accès à ce couloir », indique notre interlocuteur. Pour qui, cette approche contribuera à la création d’emplois. En ce sens qu’elle prévoit la mise en place de 300 coopératives, à raison de 30 Unions coopératives par zone d’orpaillage, notamment dans les Régions de Koulikoro, Kayes et Sikasso.
« Pour la traçabilité de l’or produit, une centrale d’achat composée de kiosques sera instituée. Chaque coopérative sera dotée de 15 comptoirs d’achat qui réuniront l’or produit sur ces placers-là », explique M. Pona.
« La seule et bonne manière d’encadrer l’orpaillage, c’est d’organiser les orpailleurs en coopérative comme dans le domaine de l’agriculture », renchérît le président de la Confédération nationale des sociétés coopératives des orpailleurs du Mali (CNSCOM-COOP-CA), créée en 2019. Pour ce faire, explique Amadou Sanoussi Daffé, les coopératives sont en train de migrer vers le nouveau système de l’Organisation pour l’harmonisation du droit des affaires en Afrique (OHADA). C’est-à-dire passer du système de récépissé à l’immatriculation. Cela responsabilise non seulement les orpailleurs, mais les rend juridiquement opérationnels. En conséquence, ils amélioreront leur production et leur productivité, pense-t-il.
DES CENTAINES DE COOPERATIVES – L’Etat profitera, ainsi, de cette réorganisation car les coopératives payent des taxes aux collectivités. « Cette formule permet de financer également le secteur de l’orpaillage », ajoute le président de cette Confédération qui regroupe, aujourd’hui, 380 coopératives dans les trois zones d’orpaillage (Kayes, Koulikoro, Sikasso). Précisant que cette activité nourrit actuellement deux millions de personnes, Amadou Sanoussi Dafé soutient que la méthode permettra à l’Etat de disposer de statistiques fiables.
Disposer de statistiques fiables et faire de l’orpaillage un vecteur de progrès social et économique, tel est l’objectif du département en charge des Mines. « Le résultat attendu, c’est de savoir exactement quelle quantité d’or est produite par l’orpaillage. Il s’agit aussi de faire en sorte que les populations environnantes et l’Etat aient des retombées et que des activités génératrices de revenus soient créés partout. Que le système d’éducation soit installé, la santé assurée, l’eau potable disponible pour tous, etc. », espère-t-on du côté du département. Des services sociaux de base à la satisfaction desquels l’orpaillage pourrait contribuer s’il est bien géré.
Des orpailleurs, rencontrés, vendredi dernier, à Sadiola, en marge de la visite de la ministre des Mines et du Pétrole, demandent la mise à disposition sur les permis des sociétés minières des couloirs d’orpaillage. « Cette demande est une aberration », rétorque le premier responsable d’une société minière, qui a requis l’anonymat. Tout en reconnaissant la nécessité de répertorier les acteurs, de réglementer les méthodes d’exploitation, de contrôler la production et de mettre en place des infrastructures pour sécuriser les personnes et les biens, il précise que les sociétés minières ne demandent que le respect de leurs permis miniers légalement attribués par l’Etat du Mali. « Qui, selon lui, doit faire respecter l’ordre et la loi en protégeant ces permis de l’exploitation illégale et incontrôlée des orpailleurs ».
Personne ne peut obliger les sociétés minières à accorder des couloirs d’orpaillage, tranche la ministre des Mines et du Pétrole. « Celles-ci disposent de convention d’établissement en bonne et due forme », a argumenté Mme Lelenta Hawa Baba Ba, lors d’une rencontre à Sadiola.
Précisons qu’une convention d’établissement est, selon le Code minier de 2019, l’accord établi au moment de la demande de permis de recherche entre l’Etat du Mali et le demandeur qui fixe les droits et les obligations des parties dans le cadre de la recherche et de l’exploitation de substances minérales.
Toute chose qui n’a pas empêché des mines de donner des sites où existe le potentiel. « L’Etat aussi en a donné », tempère la ministre. « Aussi, ajoute-t-elle, des partenaires sont prêts à accompagner les orpailleurs en mettant à leur disposition des machines adaptées et appropriées ».
Pour le président de la Fédération nationale des orpailleurs du Mali (FNOM), les couloirs contiennent très peu de minerais. Seydou Keïta estime qu’il faut, pour une meilleure organisation du secteur, recenser les matériels utilisés dans l’orpaillage pour sortir du circuit ceux qui ne sont pas adaptés.
Révélant que nous avons 356 sites d’orpaillages dont six à Kidal et un Gao, soit 349 dans les trois régions traditionnelles d’orpaillage (Kayes, Koulikoro et Sikasso), il invite à mieux structurer le secteur pour réduire le taux de chômage des jeunes.
L’orpaillage a un potentiel de production qu’il convient d’exploiter. La Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) estime à quatre tonnes la quantité d’or issu de l’orpaillage. La douane a, en 2016, enregistré 20 tonnes au niveau des sorties, contre cinq tonnes en 2019. L’Union des comptoirs et raffinerie d’or du Mali (UCROM) évalue également à 20 tonnes le volume d’or extrait des terres de façon artisanale.
BBC/MD (AMAP)