L’enjeu des négociations était Kidal: y redéployer l’armée nationale et l’administration, afin d’organiser l’élection présidentielle du 28 juillet 2013 et lancer les bases des futures négociations sur le sort de la région. Pourtant, le fait majeur qui transparait de ces accords est que, contre le déploiement de l’armée malienne à Kidal, le Gouvernement de Dioncounda Traoré et son émissaire Tiébilé Dramé ont concédé aux groupes armés la requalification de la situation: il ne s’agit plus de Kidal, mais de toutes les régions du Nord. Une honte
Au début, deux indicateurs prévenaient que le négociateur malien perdait pied, sommé de conclure tout de suite par certains observateurs dont on connait la position pro-MNLA dans cette crise, ces pourparlers. Primo, il a offert aux groupes armés le confort de mieux se concerter, dès lors qu’il conditionne, comme préalable à toute discussion, leur «union sacrée». Pourquoi se soucie-t-il d’un tel aspect de la part d’adversaires? Deuxio, il a remis sur la table des négociations l’acquis majeur du peuple malien, la libération des régions de Tombouctou et de Gao. De quel droit? Cet accord ne consacre ni l’intégrité, ni l’indivisibilité du territoire, d’autant plus qu’il remet à l’ordre du jour le cauchemar de l’imaginaire Azawad. Une trahison
Ce sentiment d’abandon du peuple malien au profit des bandits armés allait se confirmer, le 10 juin 2013 et jours suivants. L’émissaire malien est arrivé à Bamako avec une mouture des accords. Ce même lundi, les groupes armés, partis vers Kidal, presqu’au même moment que le négociateur de Bamako, revinrent dormir à Ouagadougou. C’est qu’ils sont allés trinquer du thé avec leurs éléments, pour fêter un projet qui constitue pour eux un véritable succès diplomatique. Tiébilé Dramé est resté une semaine à Bamako, ce qui donnera lieu à toutes les supputations.
Pendant ce temps, Dioncounda Traoré, dont on imagine que l’aversion à certains points scélérats du projet bloquait le négociateur à Bamako, a fini par céder sous la pression internationale. Le pauvre. La légèreté de nos négociateurs a déjà eu raison de l’accord. Un Accord de Tamanrasset bis, qui accorde aux bandes armées l’inadmissible et honteuse inclusion, dans les pourparlers futurs, des cas de Tombouctou et Gao, l’organisation administrative et institutionnelle du Mali, l’organisation des forces de défense et de sécurité de la République du Mali. Le mal nous suit partout.
Comment peut-on offrir de discuter d’éléments aussi sensibles de la souveraineté d’un pays avec des bandits armés, sous le coup d’un mandat d’arrêt international, lancé par la justice malienne depuis le 07 février 2013, à l’instar des signataires de l’Accord, Algabass Ag Intallah et Bilal Ag Acheriff. Mais pourquoi diantre faire mention du Nord du Mali dans ces accords? A-t-on seulement consulté les communautés sédentaires de Tombouctou et de Gao?
Le Mali n’a pas besoin de quémander la sollicitude du MNLA pour garantir le déroulement des élections à Gao et Tombouctou. Le négociateur malien n’a même pas pu faire désigner Tombouctou et Gao par 6ème et 7ème régions administratives de la République du Mali. Il a accepté qu’on les dégénère en « régions du Nord que certains appellent Azawad». En somme, un retour aux pires moments de l’occupation jihadiste et terroriste. A quoi aura servi le sacrifice de nos soldats tombés sur le champ de l’honneur?
Dans le fond, le véritable enjeu de ces accords est attendu. Le défi stratégique qui va décider du sort de Kidal, et, par voie de conséquence, de celui des régions de Tombouctou et Gao, vendues comme de la marchandise Azawad à Ouagadougou, se trouve dans l’issue des élections. Est bien naïf qui pense que le MNLA, maître de Kidal, dont il prétend incarner les velléités indépendantistes des populations, va fatalement laisser s’exprimer un suffrage éloquent de ces populations dans le processus de désignation du Président de la République du Mali.
Il apparait évident que si les populations de Kidal, otages entre leurs propres murs, votaient à un taux record en faveur du choix de tel ou tel candidat, que restera-t-il des prétentions territoriales du MNLA? Si ces populations s’abstenaient, dans une proportion inversement record, d’exprimer leur vote, alors que l’armée malienne elle-même a sécurisé le scrutin, peut-on raisonnablement ignorer qu’un tel résultat serait un plébiscite des populations … à s’identifier à l’Azawad? Pour le moment, le Mali doit rejeter ces accords, frappés d’une aporie scélérate.
Aaron Ahmed