L’Office Malien de l’Habitat (OMH) n’a pas fait l’objet d’un appel d’offres, en vue de sa privatisation. Du moins, pas à notre connaissance. Mais tout porte à croire qu’elle a été victime, ces 3 dernières années, d’une OPA (Offre Publique d’Achat) qui ne dit pas son nom : elle a été au service exclusif de ses responsables et de leurs sbires : gestion clanique des ressources humaine et financière ; achat de conscience et de silence ; magouille et affairisme à ciel ouvert… Tout y a passé sans que cela n’offusque personne. Conséquences : il y a plus de 247 millions FCFA (247 950 984F) qui ont été volés entre le 1er janvier 2016 et le 4 mars 2019. Sans laisser la moindre trace. D’où une dénonciation de faits par le Vérificateur Général au Procureur de la république sur la gestion des 4 derniers DG de l’OMH, M. Ousmane Ibrahim Maïga (2016) ; Modibo Dianka (2017) ; Yéhiya Haïdara (2018) et Sékou Demba (2019).
La gestion de l’Office Malien de l’Habitat (OMH) pendant les exercices 2016, 2017, 2018 et 2019 (4 mars) a relevé des dysfonctionnements liés au non-respect des dispositions réglementaires. Ces dysfonctionnements concernent entre autres : la non-détermination du cadre de fonctionnement des comptes budgétaires ; l’utilisation des véhicules immatriculés au nom des particuliers ; l’achat avec des fournisseurs ne figurant pas sur la liste des fournisseurs ; l’organisation des formations en absence d’un plan de formation ; le non-respect des textes régissant les marchés publics ; le non-respect des textes régissant la comptabilité-matières ; le non-respect des textes régissant la régie d’avances ; le non-respect des textes fixant la nomenclature des pièces justificatives des dépenses publiques ; le non-respect du texte régissant le règlement général sur la comptabilité publique et le non-respect des textes régissant les indemnités de déplacement et missions. Du coup, le montant total des irrégularités financières s’élève à 247,95 millions FCFA.
Des irrégularités financières à la pelle
Le Directeur Général de l’OMH a pris des engagements qui dépassent les capacités financières du service. Ainsi, le cumul des montants à payer suivant les conventions conclues dans le cadre du financement des logements est nettement supérieur aux dotations budgétaires autorisées de l’année. En effet, au titre de 2017, la dotation budgétaire représente 16 milliards FCFA (16 319 283 336) FCFA alors que le total des échéances pour le même exercice s’élève à 48 milliards (48 303 824 083 FCFA), soit un écart de 31 milliards (31 984 540 748 FCFA). En 2018, pour une dotation budgétaire de 24 milliards de nos francs (24 000 310 996 FCFA), le total des échéances est de 87 milliards (87 688 379 807 FCFA), soit un écart de 63 milliards (63 688 068 811 FCFA). Ainsi, le cumul des dépassements de 2017 et 2018 s’élève à 95 milliards FCFA (95 672 609 559F).
Des mauvaises imputations budgétaires du DG
Pour s’assurer du respect de la correcte imputation budgétaire, les contrôleurs ont examiné le compte administratif et les pièces justificatives des dépenses effectuées par l’OMH. Il ressort qu’en 2018, en violation du principe de la spécialisation budgétaire, le Directeur Général de l’OMH, a engagé des dépenses sur des titres du compte administratif inappropriés. Malgré cette mauvaise imputation, le Contrôleur Financier a autorisé le paiement et l’Agent Comptable a réglé lesdites dépenses. En effet, l’OMH a engagé des dépenses sur le titre « Opérations financières » en lieu et place des titres « Fonctionnements » et «investissements ». Il s’agit de : l’acquisition de matériels informatiques (livré par la société ‘’Démagnouma- Services’’ appartenant à un certain Ali Traoré) pour un montant de 24 949 920 FCFA sur le titre «Opérations financières» au lieu du titre «Investissements»; l’acquisition de matériels de bureau (fourni par la même société ‘’Demagnouma-Services’’ du nommé Ali Traoré) pour un montant de 18 826 900 FCFA sur le titre «Opérations financières » au lieu du titre « investissements» ; la fourniture de consommables de bureau par une autre société ‘’Farafina-Services’’ du même Ali Traoré pour un montant de 24 898 000 FCFA sur le titre « Opérations financières » au lieu du titre « Fonctionnements ». Le montant total de ces mauvaises imputations est de 68 millions FCFA (68 674 820F).
Une justification irrégulière des dépenses de la régie par Le DG, le Contrôleur Financier et le Régisseur
Il ressort du contrôle que les pièces justificatives des dépenses effectuées en 2018 par le Régisseur sont établies sur la base de deux décisions en date du 29 décembre 2017. Les bordereaux détaillés à l’appui desdites pièces sont signés le 31 décembre 2017 par l’ordonnateur, le contrôleur financier et le régisseur.
Par ailleurs, le DG et l’Agent Comptable ont fait des avances de fonds non justifiées. Et les pièces justificatives des dépenses effectuées en 2018 par le Régisseur sont établies sur la base de deux décisions en date du 29 décembre 2017. Au même moment, les bordereaux détaillés à l’appui desdites pièces sont signés le 31 décembre 2017 par l’ordonnateur, le contrôleur financier et le régisseur. Et comme si cela ne suffisait pas, le Directeur Général de l’OMH et l’Agent Comptable ont fait des avances de fonds non justifiées.
Pour cette raison, il ressort des enquêtes qu’en 2016, 2017 et 2018, les avances autorisées par le Directeur Général de l’OMH et payées par l’Agent Comptable ne sont pas justifiées. En effet, des avances d’un montant de 40 millions FCFA ont été payées par chèque au département de tutelle. En outre, le DG et l’Agent Comptable ont consenti des avances de fonds d’un montant de 18 millions FCFA. Ladite avance a été payée en espèce par le Régisseur au titre de la prise en charge du complément de l’appui institutionnel au département dans le cadre de l’organisation de sa participation au Forum des Banques et des Sociétés Immobilières. Le montant des avances non justifiées pour la période sous revue est de 58 millions FCFA.
Plus grave, le DG de l’OMH et l’Agent Comptable ont payé des contrats de marché sans le paiement de la redevance de régulation. Cependant, sur 32 contrats examinés, le montant atteint le seuil des demandes de renseignement et de prix ainsi que les pièces justificatives y afférentes. Par la même occasion, l’OMH a payé des contrats pour lesquels la redevance n’a pas été payée. Le montant total des redevances non payées s’élève à 1 966 440 FCFA.
Non justification de l’utilisation de 163 millions FCFA de carburant acheté par le Comptable-matières.
De l’examen des pièces justificatives d’achat et les documents de mouvement sur la consommation du carburant, il ressort que le Comptable-matières de l’OMH n’a pas justifié l’utilisation de 230 439 litres de carburant acheté pendant les exercices 2016, 2017 et 2018 dont le montant s’élève à 163 millions de francs CFA (163 341 298F).
Pendant ce temps, le Régisseur de l’OMH, Mme Touré Assimaou Bah, a payé des factures sans les documents attestant la réalité des dépenses. Pour les pièces justificatives des dépenses, le Régisseur a payé 38 factures sur la régie sans bordereaux de livraison (BL) ou Attestation de Service Fait (ASF) pour un montant total de plus de 12 millions FCFA (12 799 046F). Aussi, le Régisseur a irrégulièrement payé une somme indue à un administrateur en mission.
Pour la régularité des paiements et des dépenses de la régie pendant l’exercice 2016, le Régisseur Mme Touré Assimaou Bah, a payé à un administrateur un montant de 1,5 millions FCFA comme « frais d’honoraires » en plus des frais de mission qui lui ont été accordés. Par la même occasion, elle a irrégulièrement payé des frais de mission à des inspecteurs lors des passations de service. De la corruption à ciel ouvert pour saper les apparences et casser les fonds publics. Et ce n’est pas tout. Loin s’en faut.
Toujours au titre des indemnités de déplacement et de mission, l’inspecteur en chef de l’Inspection des Domaines et celui des Finances ont signé les ordres de mission (n°0531/MHUAF-IDAF du 26 décembre 2017 et n°000168/MEF-IF du 27 décembre 2017) avec la mention «imputation budgétaire : OMH ». Ainsi, sur la base de ces ordres de mission, Mme le Régisseur a payé, en 2017, sur le budget de l’OMH, des frais de mission aux inspecteurs chargés de superviser la passation de service entre les Directeurs entrants et sortants. Le montant total payé par le Régisseur, Mme Touré Assimaou Bah, s’élève à 1 050 000 FCFA.
Aussi, en 2016, sur deux (2) missions effectuées à l’extérieur, elle a payé des indemnités de déplacement et de mission non justifiées pour un montant total de 323 750 FCFA. Suivant l’ordre de mission n°00404/SGG-RM du 15/02/2016, Mme le Régisseur a payé six (06) jours au missionnaire alors que celui-ci a effectué cinq (05) jours. Le jour d’indemnité non justifié s’élève à 130 000 FCFA. Elle a également payé, suivant l’ordre de mission n°0007/DG-OMH du 15/02/2016, dix (10) jours au missionnaire alors que celui-ci a effectué neuf (09) jours. Le jour d’indemnité non justifié s’élève à 193 750 FCFA.
Paiement indue d’indemnités de déplacement et de mission par Mme le Régisseur de l’OMH.
En 2019, le Régisseur de l’OMH, Mme Touré Assimaou Bah a payé, dans le cadre de l’organisation de la cérémonie de remise des clés des logements sociaux, des majorations indues aux missionnaires. Le montant total de ces majorations s’élève à 3 050 000 FCFA.
Plus grave encore, Mme le Régisseur a payé des fournisseurs qui ont présenté des NIF (Numéro d’Identification Fiscale) inappropriés. Toutefois, des factures de fournisseurs portant de faux NIF ont été payées par Mme le Régisseur de l’OMH. En effet, il s’agit des fournisseurs dont les numéros de téléphone figurent sur les factures comportant de faux NIF. Deux de ces fournisseurs ont confirmé par lettre que les factures payées en leur nom sont fausses. Par ailleurs, des fournisseurs ont porté le NIF d’autres fournisseurs figurant dans la base. Le montant total des dépenses payées est de 5 920 450 FCFA. Pourquoi ? Seul le Régisseur de l’OMH, Mme Touré Assimaou Bah et ses complices pourraient y répondre. Du moins, à l’heure actuelle.
Bref, l’Office Malien de l’Habitat a été sacrifié sur l’autel d’intérêts égoïstes. Autrement dit, la caisse de la structure a subi une saignée financière de plusieurs dizaines de millions de francs CFA.
En réalité, cette mauvaise gestion est le fruit d’un système bien huilé, mis en place par les « bonzes » de l’OMH.
Selon ce système, les responsables de la structure veillent aux « bons soins » de leurs potes et de leur propre personne: enveloppes de fin du mois, marchés de gré à gré, bons de carburant à gogo, voyages à l’étranger et autres cadeaux en nature. Du moins, s’ils veulent éviter les « ennuis ».
Face à de telles pratiques qui ont occasionné un trou de 247,9 millions de francs CFA à l’Office Malien de l’Habitat, le Vérificateur a adressé une dénonciation de faits au Procureur général. Objectif : exiger à ce que les responsables de cette gabegie financière à l’OMH et leurs complices rendent à César ce qui n’est pas à eux. Du coup, c’est le sauve-qui-peut à l’OMH.
Face à ces séries de malversations, les travailleurs de l’OMH ont déposé une plainte contre X auprès du procureur du tribunal de la commune III.
Mais comment des contrats fictifs sont attribués par l’Office Malien de l’Habitat? Et quelles sont les sociétés et les personnalités impliquées dans l’exécution et la surfacturation de ces marchés fictifs ? Des questions auxquelles nous donnerons des réponses dans nos prochaines éditions.
Jean Pierre James
La lettre du Mali