L’Office du Niger, le moteur supposé du croît économique malien, à travers la riziculture, est un géant au pied d’argile, malade dans ses compartiments. Les soins apportés par les gouvernements successifs continuent d’aggraver son état de santé. A telle enseigne qu’on a l’impression que le malade devient réfractaire aux médicaments à lui administrés. De deux choses l’une : soit les remèdes utilisés sont de mauvaise qualité, soit les soins ne sont pas correctement appliqués. Mais pour l’année 2020, l’Office doit se confiner en raison du COVID-19 et accepter sa politisation certainement aux couleurs du parti rouge avec des Abeilles offensifs qui pousseront à la compromission, et ce, en vertu des joutes électorales à venir. Témoignages.
L’espoir de faire de l’Office du Niger le grenier de l’Afrique de l’Ouest s’amenuise. L’on comprend alors aisément pourquoi les investisseurs nationaux et étrangers sont réticents à venir dans les champs rizicoles. Des défaillances sont nombreuses dans cette zone et l’atteinte de l’autosuffisance alimentaire de même que la croissance économique à travers la riziculture devient aléatoire. Les voyages princiers organisés par les responsables de l’office dans l’Hexagone sont en réalité budgétivores et sans lendemains.
Pour mieux asseoir nos allégations, nous avons sillonné la zone entre le 20 et le 24 avril 2020, puis le week-end dernier. Il ressort que l’eau est mal maîtrisée et mal répartie, que les spéculations sur l’engrais sont monnaie courante, et que ce produit est lui-même mal distribué. Le problème le plus crucial est la mauvaise qualité des intrants ou des semences. Dans ce cas, il ne faut pas s’attendre à une bonne production.
Les damnés de la terre
La gangrène de l’office est le problème d’irrigation du Macina, raconte ce riziculteur, convaincu qu’il y a un projet de répartition d’espèces sonnantes et trébuchantes et non un programme véritable d’aménagement. Chaque année apporte son lot de mélancolie avec les mêmes refrains. Yamoussa T. trouve que les producteurs sont assujettis, les drainages défectueux. Résultats : les champs de riz sont inondés et envahis par les eaux ruisselantes. « Les paysans passent donc à la trappe » a-t-il indiqué.
« Face à ce manque de maîtrise d’eau, la production ne peut qu’être alarmante. Chaque année, on table sur des productions record, et chaque saison, les commentaires vont bon train, mais on ne gagne pas assez », déplore Modibo Traoré pour qui « Le commerçant qui débarque çà et là retourne souvent bredouille ». Et de faire constater qu’on « ment toujours au président de la République ».
Conséquences : Les Maliens sont obligés de se rabattre sur du riz importé. Avec le COVID-19, pour la campagne à venir, l’arrivée prévue des criquets pèlerins, le retard dans la distribution d’engrais, les objectifs seront difficilement atteignables, a fait remarquer ce responsable qui s’insurge contre la « politisation » de l’Office du Niger.
Les parias du colonat…
« Nous, exploitants rizicoles, constituons le dindon de la farce. Nous nous nourrissons d’espoir, mais nos greniers sont vides. A moins que le nouveau PDG ne fasse révolutionner le secteur. Or, il nous revient qu’il a axé toute sa tournée de prise de contact à avantager ses camarades politiques et à renforcer les sous – sections ADEMA. De la riziculture à la politique, il a franchi un pas » a déploré cette association villageoise de Niono.
Pour cet exploitant de N’Débougou, Bakary : « Pas de drains, pas de production escomptée. On noie le poisson dans l’eau, on pourchasse dans les campements. La chasse pour la redevance rappelle la police coloniale, comme si nous sommes des étrangers dans notre propre pays. C’est le chaos programmé avec le coronavirus car rien ne marche actuellement. Le pays est arrêté, le président IBK parle dans le vide. Et les partenaires ? Ils sont inexistants. Chaque année, l’argent est investi dans des voyages princiers en France. Nous ne voyions pas d’investisseurs. Les champs sont appropriés par des riches qui ne viennent ici que partiellement pour des résultats mitigés. L’office n’existe que de nom. Les pratiques nuisibles à la production continuent ».
Ici, à Kolongo, raconte Ntji Coulibaly, les 7 zones de production sont déficitaires. Premièrement, parce que les bâtiments sont vétustes. Deuxièmement, parce que le Château d’eau est à la trappe. Troisièmement, le système d’alimentation laisse à désirer. Et Kolongo est en agonie… J’ai entendu que les riziculteurs ADEMA continuaient à fêter après la sortie publique de leur camarade.
Pour ce paysan qui a requis l’anonymat, leur famille exploite les terres depuis la période coloniale. Les réformes d’Alpha Oumar Konaré ont permis de réajuster la production et la commercialisation.
Un ancien commis nous a dit que, Historiquement, seuls les projets Rétail2 et Arpon3 ont permis la maîtrise de l’eau et l’amélioration du rendement à l’hectare. Mais, regrette t-il, « tout cela est un vieux souvenir ». A cela s’ajoute la salinisation du sol. Aussi, la nappe phréatique est dégradée, jadis estimée à une profondeur de 45 mètres, elle ne s’établit actuellement qu’à 3 mètres, d’où des montés en surface du sel qui nuit aux plans en montaison.
Mais le paradoxe est que nonobstant les infrastructures en lambeaux, les ingénieurs parlent d’exploitation excessive d’eau surtout dans des zones où le système de drainage est un calvaire.
Donc, les initiatives gouvernementales ne manquent pas, mais elles sont toujours en rade, les mêmes causes produisant les mêmes effets, hélas ! Et chacun craint la politisation en couveuse des exploitations.
Rassemblés par Adama Daou et la rédaction
Source: Le Matinal