BCS et DFM au cœur du scandale ?
Des cadres du ministère de la Défense et des anciens combattants en complicité avec des responsables de la Banque commerciale du Sahel (BCS) et l’opérateur économique Cheickna Sylla, frère cadet du richissime commerçant Bakorè Sylla qu’on a pris l’habitude de présenter par le sobriquet « Colonel- Major »sont au cœur d’un scandale retentissant relatif à l’achat du matériel militaire estimé à plus de 700 millions de FCFA. L’affaire fait aujourd’hui grand bruit dans la grande muette qu’est l’armée. Alerté à son tour par « les bruits de bottes », le ministre Dahirou Dembélé s’est vu contraint d’ester une action en justice contre les fraudeurs. Fait gravissime, c’est sa signature qui a été imitée et apposée sur la lettre de nantissement adressée au PDG de la BCS. S’agit-il d’un réseau mafieux avec des ramifications inquiétantes ?
L’affaire a pris, aujourd’hui, une tournure inquiétante. Le chef du « gang » vient d’être arrêté, selon nos sources. Les enquêtes se poursuivent pour démasquer les malfaiteurs. Dans les faits, il ressort de nos informations qu’il n’y a eu aucune adjudication relative à un quelconque contrat d’achat des véhicules militaires comme mentionné dans le document adressé à la banque. Pourtant, dans la fausse lettre envoyée au PDG de l’institution bancaire, il ne fait pas de doute, un marché d’achat d’équipements militaires est de mise. Délit, faux en écriture, imitation de signature, escroquerie, les qualificatifs ne manquent pas.
Si leur responsabilité est établie, les personnes incriminées encourent la prison et une amende colossale à déterminer par la justice. Justement, les dernières nouvelles font état de l’arrestation de Cheicknè Sylla dit « Colonel », auteur du faux contrat de livraison de véhicules sur la période 2020 et à l’utiliser comme nantissement à la Banque commerciale du Sahel (BCS). Selon la Brigade d’investigation judiciaire (BIJ), la cagnotte totale dépasse les 700 millions de FCFA, et que la demande de confirmation du contrat adressée par la banque au ministre n’est jamais arrivée à destination. Un complice ayant intercepté ladite lettre en répondant à la place du locataire de l’hôtel de la Défense, toute chose qui a précipité le paiement de la première tranche. Une première victoire, un premier trophée et la partie continue… La banque envoie une seconde correspondance au chef du département. Le réseau des fraudeurs est lâché par la baraka puisque, cette fois, la lettre atterrit entre les mains du ministre lui – même. Il est interloqué et agacé. Le verrou du complot est sauté, le ministre crie au secours. Le faux et usage de faux a provoqué l’ire du ministre qui n’a pas attendu pour porter plainte contre les coupables.
Depuis la semaine dernière, le portable de Sylla, notre faux « Colonel Major » ne sonne plus. Il est injoignable, jusqu’à ce qu’on nous apprenne sur son incarcération.
Il faut savoir que les personnes impliquées dans ce scandale se sont montrées particulièrement zélées et audacieuses. Leur mode opératoire laisse présager qu’ils ne sont pas certainement à leur première tentative. Elles ont poussé l’outrecuidance jusqu’à adresser une fausse correspondance au directeur de la banque mentionnant la signature du ministre, en interceptant la demande de la BCS et en répondant à la place de Dahirou Dembélé.
Selon une source proche du gouvernement, le pot- aux- roses a été découvert à la suite d’un appel de la banque pour établir la véracité des faits à travers le DFM qui aurait reçu le coup de fil salvateur téléphonique du Directeur de la structure bancaire avant d’alerter sur la fausseté du dossier.Pour d’autres sources, le DFM n’est pas blanc comme neige dans ce montage grotesque. Faut-il conclure que le DFM a-t-il fait marche arrière à la dernière minuté convaincu qu’il s’agir désormais d’un secret de polichinelle ? L’autre question est de savoir comment un opérateur économique peut-il d’une manière unilatérale et délibérée s’attribuer un marché avec une telle cagnotte ?
Face à cette supercherie, le ministre Dahirou Dembélé entend situer les responsabilités. Seule l’enquête permettre de déterminer si l’opérateur Sylla, un « COLONEL- Major » en papier a agi en complicité.Selon plusieurs sources, il s’agit d’un vaste réseau de faussaires impliquant aussi bien cadres de banques que responsables du ministère de la défense. La faute de la banque est d’avoir déboursé l’argent alors que celui qui est mandaté pour acheminer le courrier, en l’occurrence un huissier commis à cet effet, était absent des débats. Autre faille, mais attribuable au ministère de la défense, c’est l’interception en « vol » de la correspondance de la BCS envoyée au ministre pour confirmation de la lettre qu’il a envoyée le 18 février 2020. Pire, c’est la mutation du contrôleur financier à Gao qui a créé un vide et profité à cette horde de bandits. Il urge pour le département de la défense de faire un audit sur les prestations antérieures de cet opérateur dont l’attitude réside dans l’irresponsabilité. Il doit savoir qu’en matière civile, la responsabilité pénale est individuelle. Et que sur la foi des dossiers fournis, il n’y a aucune porte d’échappatoire pour lui.
Quant au ministre Dahirou, il est déterminé à aller jusqu’au bout pour faire valoir son innocence, et asseoir sa crédibilité aux yeux du président de la République. Sa survie dans le gouvernement en dépend. Nous y reviendrons.
Issiaka Sidibé
Source: Le Matinal