Faut-il craindre une fraude massive à l’élection présidentielle 2018 ? D’aucuns l’affirment volontiers, depuis le vote de la nouvelle loi électorale dont l’article 209 stipule qu’ « en cas de non disponibilité des cartes d’électeur biométriques, pour cas de force majeure pour les élections générales de 2018, la carte Nina tiendra lieu carte l’électeur». Pour plus d’un Malien, cet article maintient le flou autour de la carte d’électeur. Même avis dans les rangs du Groupe parlementaire vigilance républicaine et démocratique (VRD) qui a refusé de voter la loi, le jeudi dernier.
Pour les partis politiques de l’opposition, cet article n’est pas précis. « Il faut définir la force majeure parce que si vous ne définissez pas la force majeure, vous allez vous retrouver dans des interpellations à ne pas finir », a soulevé Mody N’Diaye, président du Groupe parlementaire VRD., lors des débats sur ce projet de loi. Pour lui, « il est inacceptable d’organiser une même élection avec des cartes d’électeurs différentes ». L’opposition n’était pas seule à dénoncer l’opacité autour de cet article. Des auditions menées par la Commission des lois de l’Assemblée nationale, il ressort que plusieurs personnes entendues ont souhaité que les élections se tiennent sur la base d’un seul type de carte en particulier la carte d’électeur biométrique. Ces personnes ont estimé que l’éventuelle utilisation de deux types de cartes va créer beaucoup de confusion. Et par conséquent, ladite commission, pour plus de transparence, l’avait amendé, en exigeant « uniquement la carte Nina en cas de non disponibilité des cartes d’électeur biométrique ». Mais à la demande du ministre de l’Administration territoriale, la commission avec le soutien des députés de la majorité, a accepté de laisser l’article 209 comme tel.
Sur le sujet, le ministre Mohamed Ag Erlaf, porteur de la Loi, s’est expliqué sans convaincre. Pour tout raisonnement, il a indiqué qu’il se peut que les nouvelles cartes ne soient distribuées dans une localité pour une raison ou d’une autre. Dans ce cas, cette localité votera avec la carte Nina. « Partout où même si une seule nouvelle carte sera distribuée, le vote se fera uniquement avec ces cartes », s’est-il défendu. Pour Ag Elarf, la force majeure est tout ce qui dépend de l’administration dans la distribution des cartes d’électeurs.
D’autres insuffisances
L’opposition avait souhaité qu’il soit insérer un dernier paragraphe à l’article 14 rédigé comme suit : « La CENI présente dans les 48 heures suivant la proclamation des résultats provisoires un rapport comportant les résultats complets selon son propre décompte et ses observations sur le scrutin ». En effet, pour les partis politiques de l’opposition, la CENI, étant le seul organe indépendant de surveillance des opérations électorales qui dispose de délégués dans chaque bureau de vote, doit produire un rapport après chaque élection et le mettre à la disposition de tous les acteurs du processus électoral.
Tout de même, ils avaient souhaité l’insertion d’un dernier paragraphe à l’article 35. Le paragraphe proposé indique que les fonctionnaires et autres agents mutés dans une circonscription électorale et n’ayant pas six mois de résidence avant la révision des listes électorales peuvent être inscrits. La motivation ? L’opposition soutient que les fonctionnaires et autres agents mutés ne maîtrisent pas cette mutation qui peut intervenir à tout instant indépendamment de leur volonté.
Aussi pour plus de transparence dans la distribution des cartes d’électeurs, l’opposition avait proposé la reformulation du deuxième alinéa de l’article 61 comme suit : « Les cartes d’électeurs biométriques sont remises à leurs titulaires par une commission nommée par décision du représentant de l’Etat dans l’arrondissement ou le district, l’ambassadeur ou le consul. Et cette commission doit comprendre les représentants des partis politiques représentés dans l’arrondissement, le district, l’ambassade ou le consulat ».
Toujours concernant les cartes d’électeurs, l’opposition avait également souhaité la suppression des alinéas 1 et 2 de l’article 62 et les remplacer par ce paragraphe : « Les cartes d’électeurs biométriques et les cartes NINA qui n’auront pas pu être remises à leurs titulaires jusqu’à la veille du scrutin sont déposées, contre décharge, auprès du représentant de l’Etat dans l’arrondissement, dans le district, de l’ambassade et du consul avec le procès-verbal ». La raison invoquée ? L’opposition estime que la remise des cartes d’électeurs doit être considérée comme une activité antérieure au jour du scrutin avec des responsables bien distincts de ceux en charge du bureau de vote.
L’opposition avait aussi souhaité l’organisation de débat contradictoire télévisé par l’organe audiovisuel national pendant les campagnes (premier et second tours) de l’élection présidentielle. Elle estime qu’il s’agit d’un moment de rencontre entre les postulants et le peuple afin que les électeurs puissent juger et apprécier les différents programmes des candidats sur les grandes questions de la nation. Un exercice plus éclairant que le passage isolé à l’antenne de chaque candidat.
L’essentielle de ses propositions ayant été refusées, l’opposition n’a pas voté cette loi qui fut finalement adoptée avec 93 voix contre 2 et 18 abstentions.
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Source: L’Aube