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Note du M5RFP à l’attention des Chefs d’Etat de la CEDEAO sur la situation sociopolitique et pour une sortie de crise au Mali

NOTE N°002 – CS/M5-RFP A L’ATTENTION DES CHEFS D’ETATS DE LA CEDEAO SUR LA SITUATION SOCIOPOLITIQUE ET POUR UNE SORTIE DE CRISE AU MALI

SEM Mahamadou ISSOUFOU, Président de la République du Niger, Président en exercice de la CEDEAO ;
SEM Alassane OUATTARA, Président de la République de Côte d’Ivoire ;
SEM Nana AKUFO-ADDO, Président de la République du Ghana ;
SEM Muhammadu BUHARI, Président de la République fédérale du Nigéria ;
SEM Macky SALL, Président de la République du Sénégal ;
SEM Goodluck JONATHAN, Médiateur du Président en exercice de la CEDEAO ;
SEM Kalla ANKOURAO, Ministre des Affaires Etrangères de la République du Niger et Président en exercice du Conseil des Ministres de la CEDEAO ;
SEM Jean Claude Kassi BROU, Président de la Commission de la CEDEAO ;
Général Francis BEHANZIN, Commissaire aux Affaires Politiques, Paix et Sécurité de la CEDEAO ;

INTRODUCTION
Le peuple malien est particulièrement sensible à votre préoccupation constante d’apporter une solution à la crise actuelle que traverse notre pays. Avec vous, nous souhaitons avoir une pensée pieuse pour les vingt-trois (23) morts de la répression des 10, 11 et 12 juillet 2020.

Sous l’égide de la CEDEAO, quatre rencontres ont permis au Mouvement du 5 Juin – Rassemblement des Forces Patriotiques (M5-RFP) d’exposer son point de vue sur la gouvernance de M. Ibrahim Boubacar Keita et de son régime et proposer une Note de sortie de crise qui n’a pas trouvé d’écho favorable au niveau de la Mission de médiation, conduite par Son Excellence JONATHAN.

Aujourd’hui, nous saluons l’arrivée de votre importante délégation et exprimons nos remerciements et notre profonde gratitude à l’Organisation sous régionale qui, à l’évidence, porte une attention particulière à notre Pays et à la résolution rapide de cette crise qui perdure et menace dangereusement son avenir.

Le Mouvement du 5 juin -Rassemblement des Forces Patriotiques (M5-RFP) est un vaste regroupement composé de millions de Maliennes et de Maliens de toute origine, religion, d’une centaine de partis politiques, des syndicats dont deux centrales, de plusieurs centaines d’associations et de plateformes de la société civile et aussi de personnalités. Ses membres et dirigeants ont assumé les plus hautes responsabilités de l’Etat (Premiers ministres, ministres, présidents d’institutions, députés, ambassadeurs, maires, avocats, directeurs généraux, professeurs d’enseignement supérieur, professions libérales, etc.) ou ont réussi à la tête de très grandes entreprises privées.

Le M5-RFP se donne pour mission de sauver le Mali d’une inéluctable disparition en tant qu’Etat, Nation, Démocratie et République laïque sous la gouvernance chaotique de M. Ibrahim Boubacar Keita dont il demande la démission et de celle de son régime.

Le M5-RFP a organisé à Bamako, à l’intérieur du Mali et dans la Diaspora des manifestations pacifiques qui ont regroupé des millions de Maliens.

Le Mali traverse une grave crise socio-politique dans un contexte régional marqué essentiellement par l’insécurité, les menaces terroristes et la pandémie de la COVID-19 qui a des répercussions négatives sur une situation économique déjà en grande difficulté.
Il convient, pour apporter des solutions susceptibles de résoudre cette crise d’en connaitre les causes, les manifestations et conséquences et en situer toutes les responsabilités.

I. LES CAUSES DE LA CRISE ACTUELLE :

Le Président Ibrahim Boubacar Keïta a, dès son élection en 2013, mis en place un système de prédation fondée sur la corruption et l’impunité qui ont gravement impacté l’ensemble des secteurs de la vie sociale, économique, politique, administrative, culturelle et surtout la situation sécuritaire du Mali, voire de la sous-région.
Avec sa famille et ses amis, il a mis en place un véritable système de captation des richesses nationales, de mainmise sur l’appareil d’Etat et sur l’administration publique, de prise d’intérêts personnels dans tous les secteurs économiques et financiers.

Cette façon de gérer a empêché l’Etat d’assumer ses fonctions régaliennes de sécurité et de développement, et a conduit le Mali au bord du gouffre et compromet la stabilité dans le Sahel.

II. LES MANIFESTATIONS ET LES CONSEQUENCES DE LA CRISE AU MALI :

Ainsi, des faits et pratiques graves ont cours au Mali depuis l’élection de M. Ibrahim Boubacar Keïta, comme notamment :

– l’instauration d’une oligarchie ploutocratique par l’immixtion flagrante d’intérêts privés qui ont pris le contrôle total de la gestion des affaires publiques ;

– les détournements massifs et documentés des fonds alloués, y compris ceux alloués à nos Forces de défense et de sécurité, pour un pays en guerre et sous assistance africaine et internationale ;
– l’instrumentalisation de la crise au nord et au centre du pays à des fins de conquête et de conservation du pouvoir ;

– l’abandon des populations à leur sort par l’organisation de l’absence de l’Etat ;

– le développement de toutes sortes de trafics et de pratiques impactant la sous-région ;

– la remise en cause de l’unité nationale et du vivre-ensemble par la création et l’entretien de milices ethniques, intercommunautaires, le tout ayant causé depuis 2014 plus de 5.000 civils et militaires tués, plus de 400 villages détruits, des écoles fermées ainsi que de milliers de populations réfugiées ou déplacées, entrainant ainsi une présomption de responsabilité pour crimes et perte de légitimité de M. Ibrahim Boubacar Keïta à occuper les fonctions de président de la République;

– le laxisme et les complicités dans la lutte contre le terrorisme qui a finalement pris racine dans des pays voisins et qui font de notre Pays, l’épicentre et le maillon faible dans la déstabilisation de la sous-région ;

– le non-respect de multiples engagements pour la décrispation de la situation sociopolitique et sécuritaire, l’échec de toutes les tentatives de dialogue, et l’affaiblissement du Mali sur la scène internationale ;

– l’abandon de secteurs entiers de la vie socio-économique (école, santé, secteur agricole, infrastructures …) ;

– les disparitions forcées de journalistes et de leaders politiques, les arrestations arbitraires et les incarcérations des responsables et manifestants du M5-RFP, en violation de leurs droits et libertés, et en méconnaissance de toutes les règles de procédure légales ;

– les violations récurrentes de la Constitution (violation du serment de l’article 37 de la Constitution, violation du principe de séparation des pouvoirs, immixtion dans les procédures judiciaires, instrumentation de la Cour constitutionnelle, délégitimation des institutions de la République, atteintes à l’intégrité territoriale et absence de l’Etat et perte de souveraineté sur des pans entiers du territoire national, etc.) ;

– les fraudes électorales qui ne permettent plus aux élections de jouer leur rôle régulateur, notamment lors du scrutin présidentiel de 2018 et des deux (2) tours de l’élection des députés en mars et avril 2020 ;

– les répressions sanglantes des dernières manifestations populaires, ayant causé au moins vingt-trois (23) morts et plus d’une centaine de blessés graves, par des forces spéciales antiterroristes (FORSAT) usant d’armements de guerre et de balles réelles contre des manifestants pacifiques à mains nues, dans les rues, les sièges des organisations politiques, les domiciles privés et même dans des lieux de culte.

III. LA RESPONSABILITE PLEINE ET ENTIERE DE M. IBRAHIM BOUBACAR KEÏTA :

En 2013, M. Ibrahim Boubacar Keïta a été quasiment plébiscité et nul n’a durablement contesté cette élection.

A l’inverse, son élection de 2018, largement entachée de fraudes, a été longuement contestée entraînant une profonde crise post-électorale. C’est d’ailleurs l’intervention de la CEDEAO, avec d’autres acteurs et partenaires, qui a permis de résorber progressivement cette crise post-électorale, non sans avoir fait de fortes recommandations qui ont été finalement ignorées par le régime de M. Ibrahim Boubacar Keïta.

En effet, la Mission de la CEDEAO du 18 octobre 2018 conduite à Bamako par le Ministre des Affaires Étrangères du Nigeria, Président du Conseil des Ministres, avait fortement préconisé ce qui suit :
« Prenant acte de la prolongation de la législature actuelle selon l’avis de la cour constitutionnelle et au regard des dysfonctionnements largement reconnus et évoqués par tous les interlocuteurs lors du scrutin présidentiel passé, il est impératif que le Gouvernement et tous les acteurs socio-politiques conviennent, de manière consensuelle, d’entreprendre des réformes courageuses des cadres légaux, y compris la Constitution de février 1992, et du système électoral avant de s’engager dans les prochaines échéances électorales que compte mener le pays… ».

Au demeurant, les pratiques de malgouvernance voire de non-gouvernance instaurées par M. Ibrahim Boubacar Keïta et son régime ont :
a) rendu inopérantes les conclusions des différents Dialogues politiques internes (Conférence d’Entente Nationale, Accord Politique de Gouvernance, Dialogue National inclusif) ;

b) causé une rupture totale de la confiance entre le Chef de l’Etat, l’opposition politique et une bonne partie du corps social, en particulier les forces syndicales ;

c) conduit à une instabilité gouvernementale avec notamment les nominations de six (6) premiers ministres et autant de ministres chargés respectivement des secteurs régaliens de la Défense, de l’Administration territoriale, des Affaires étrangères, de Chefs d’Etats-Majors Généraux des Armées, alors que le Mali est en guerre contre le terrorisme et menacé de partition ;

d) et enfin, entrainé l’illégalité et la perte de légitimité de toutes les institutions de la République sans exception.

IV. LA SOLUTION : LA DEMISSION DE M. IBRAHIM BOUBACAR KEÏTA ET LA REFONDATION DE L’ETAT :
Après avoir essayé, sans succès, toutes les voies du dialogue et celles de droit pour résorber les conséquences de la crise, et pris acte de la confiscation du mécanisme électoral ôtant aux élections toute signification et toute fonction régulatrice du système démocratique, le M5-RFP, soucieux du devenir et de la survie du Mali, s’est engagé à :
1) Organiser des manifestations légales et pacifiques sur l’ensemble du territoire national et dans la diaspora pour amener M. Ibrahim Boubacar Keïta à prendre lui-même la décision de démissionner de la présidence de la République du Mali;

2) Agir exclusivement dans le cadre de la Loi, dans le strict respect de la Constitution et des engagements communautaires et internationaux du Mali;

3) Tirer les conséquences de la caducité du Mémorandum du 30 Juin 2020 qui proposait à M. Ibrahim Boubacar Keïta les solutions ci-après énumérées :
– La dissolution immédiate de l’Assemblée nationale ;
– La mise en place d’un organe législatif de transition ;
– Le renouvellement intégral des membres de la Cour constitutionnelle ;
– La mise en place d’un gouvernement de Transition, avec les caractéristiques ci-après :
* Le Premier ministre est désigné par le M5-RFP et nommé par le Président ;
* Le Premier ministre ne peut être demis par le président de la République que dans des conditions préalablement définies ;
* Le Premier ministre forme son Gouvernement, dans des conditions préalablement définies ;
* Le Premier ministre nomme aux hautes fonctions nationales (Administration, Justice, Forces armées et de sécurité, …).

– L’adoption d’une Feuille de route de refondation de l’Etat et de sauvegarde de la démocratie, de l’unité nationale, de la paix et de la cohésion sociale, assortie d’un chronogramme précis, à l’issue de concertations nationales ouvertes à toutes les forces vives de la Nation ;

– Le respect des textes relatifs au droit et à la liberté syndicale, à la justice sociale et aux engagements entre les parties ;
– L’adoption d’un pacte pour la stabilité sociale, la sécurité, la croissance et le développement ;

– L’adoption d’un mécanisme de suivi-évaluation annuel ;
– Le détachement des services exécutifs de l’Etat de la présidence de la République ;
– La signature d’un accord politique sur l’ensemble de ces points avec de solides garanties de sa mise en œuvre jusqu’à la fin du mandat en cours ;

– L’adoption d’une Charte de transition qui précisera et formalisera les termes convenus dans l’accord politique pour concilier les dispositions constitutionnelles actuelles avec les organes pertinents de la Transition ;

– La libération du Chef de file de l’opposition, l’Honorable Soumaïla CISSE, victime d’enlèvement depuis plusieurs mois.

4) Eviter un vide au sommet de l’Etat et la rupture de la chaine de commandement militaire et sécuritaire par des discussions avec M. Ibrahim Boubacar Keïta.

Au constat de la volonté affichée de M. Ibrahim Boubacar Keïta de gagner du temps, et surtout, suite aux répressions meurtrières des manifestations populaires reprises à partir du 10 juillet 2020, le M5-RFP, lors des échanges avec une Mission de Médiation de la CEDEAO dépêchée au Mali sous la conduite de M. Goodluck JONATHAN, a soumis un document articulé autour des points suivants :
* La démission de Monsieur Ibrahim Boubacar Keïta et son régime
* L’ouverture d’une Transition républicaine ;
* L’ouverture d’enquêtes judiciaires en vue de la poursuite, devant les juridictions nationales et internationales, des auteurs, commanditaires et complices des tueries, blessures et exactions commises contre les manifestants ;
* La libération du Chef de file de l’opposition, l’Honorable Soumaïla CISSE.

Malheureusement, aucun compte n’a été tenu de ces demandes.

5) Les tueries de masse des 10, 11 et 12 juillet 2020 de 23 manifestants aux mains nues par des forces spéciales antiterroristes (FORSAT) ont ôté à M. Ibrahim Boubacar Keïta toute légitimité pour continuer à gouverner le Mali. Le M5-RFP travaille d’ailleurs au dépôt d’une plainte devant les juridictions nationales et la Cour Pénale Internationale (CPI) ;

6) Enfin, pour le M5-RFP, M. Ibrahim Boubacar Keïta manque manifestement de leadership et de capacité à présider aux destinées du Mali en tant que Nation en crise. Au demeurant, il a abandonné cette mission à des personnes qui n’en ont ni la légitimité, ni les compétences requises, ni même le souci du devenir du Mali.

Toutefois, à la lecture du Communiqué publié par la Mission de Médiation de la CEDEAO, le M5-RFP a relevé l’inconstitutionnalité et l’inapplicabilité des mesures préconisées par ladite Mission, sur fond de tentative délibérée de d’isoler et de marginaliser le M5-RFP.

En effet, cette Mission a proposé des arrangements qui violent précisément la Constitution du Mali, et qui résument la crise malienne actuelle au seul contentieux électoral du deuxième tour du scrutin législatif, sans aucunement tenir compte du contexte sociopolitique et des risques majeurs que la gouvernance de Ibrahim Boubacar Keïta fait peser sur l’existence même du Mali en tant que Nation, République et Démocratie.

Le M5-RFP note d’ailleurs avec regret que ces propositions sont les mêmes que celles antérieurement formulées par M. Ibrahim Boubacar Keïta, rejetées par notre Mouvement parce qu’elles ne correspondent absolument pas aux aspirations et attentes exprimées par le M5-RFP et portées par l’écrasante majorité du Peuple malien.

En conclusion, le M5-RFP sollicite des Chefs d’Etats de la CEDEAO l’accompagnement du Peuple malien dans sa quête de sécurité, de paix et de prospérité socioéconomique, à travers la restauration d’un Mali démocratique, républicain et laïc, avec une gouvernance responsable et vertueuse.

Bamako, le 23 Juillet 2020

Pour le M5-RFP
Choguel K. MAIGA

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