Au Tchad, plusieurs sources des services de sécurité confirment l’implication du Tchad dans la conclusion d’un accord de cessez-le-feu entre le gouvernement nigérian et Boko Haram. Cet accord aurait favorisé les dernières libérations d’otages camerounais et chinois par la secte islamiste. Les premiers contacts, selon les Tchadiens, ont eu lieu les 14 et 30 septembre dernier. Les deux parties ont accepté le principe d’un règlement de leur différend par le dialogue et convenu de poser des actes de bonne volonté. Selon Ndjamena, « la récente libération des otages chinois et camerounais et l’annonce d’un cessez-le-feu constituent la concrétisation de ces engagements ».
Les pourparlers, d’après les Tchadiens, ont « prévu également la libération par Boko Haram des jeunes filles enlevées à Chibok et celles de certains partisans de ce groupe détenus dans les prisons nigérianes ». Mais les modalités de ces libérations doivent encore être décidées. Moussa Faki Mahamat, le ministre tchadien des Affaires étrangères, était personnellement présent lors des négociations et revient précisément pour RFI sur les derniers événements.
RFI : Moussa Faki Mahamat bonjour… Pouvez-vous nous confirmer l’accord de cessez-le-feu entre le gouvernement nigérian et Boko Haram ?
Moussa Faki Mahamat : Tout à fait. A la demande du gouvernement du Nigeria et du groupe Boko Haram, des pourparlers ont commencé à Ndjamena, notamment le 14 et le 30 septembre derniers, les partis ont convenu de s’acheminer vers cessez-le-feu annoncé par Boko Haram… et le gouvernement du Nigeria… cessez-le feu sur lequel ils s’étaient entendus déjà le 30 septembre à Ndjamena.
Et la personne qui a représenté Boko Haram représente-t-elle réellement l’ensemble du groupe des insurgés ? Comme vous le savez, Boko Haram n’est pas un bloc monolithique.
Ça je ne saurais vous le confirmer. De toutes les façons le gouvernement du Nigeria qui est représenté par le directeur de cabinet du président Goodluck a eu des entretiens pendant plusieurs jours avec les délégués de Boko Haram. Donc je suppose que ces représentants sont bien de Boko Haram. Il y avait deux personnes du côté du groupe Boko Haram.
Dont Danladi Ahmadu ?
Non. Il s’agissait de Cheikh Goni Hassane et de Cheikh Boukar Umarou.
Est-ce que les termes et les conditions de l’accord ont été abordés ?
Dans un premier temps Boko Haram s’est engagé à libérer les otages chinois et camerounais. Ensuite il s’est engagé à annoncer un cessez-le-feu qui devrait être suivi immédiatement par également une déclaration de cessez-le-feu du gouvernement du Nigeria, s’est engagé également à libérer les filles prises en otage à Chibok. En contrepartie le gouvernement du Nigeria également, devrait libérer un certain nombre de partisans de Boko Haram se trouvant dans les prisons nigérianes. Sur ce deuxième volet, les parties ont convenu de se retrouver par la suite pour pouvoir voir les modalités pratiques de cette libération, de concert avec la médiation du Tchad. Et le gouvernement du Nigeria a demandé à ce que Boko Haram lui adresse une liste de ceux qui devraient être libérés.
Est-ce que les insurgés réclament d’autres choses, au-delà de la libération de leurs membres détenus ?
Ils ont présenté ceci comme des actes de bonne volonté, avant d’aborder le fond du problème. Et ils se sont entendus pour régler le problème par le dialogue de façon pacifique.
Les lycéennes de Chibok ont été enlevées il y a désormais 187 jours.
Est-ce qu’on sait si elles sont détenues dans un même lieu, si elles sont en bonne santé ?
Ça je ne peux le dire.
Vous n’avez pas eu de garantie sur leur santé ?
Tout ce qu’ils nous ont dit c’est qu’ils sont prêts à libérer ces filles et vont en discuter des modalités.
Est-ce que Boko Haram s’est engagé à quitter les villages que les insurgés occupent dans l’Etat de Borno ?
Cette question n’a pas encore été abordée. Il est question que les parties se retrouvent de façon plus étoffée et avec des feuilles de route bien déterminées pour aborder les questions de fond.
Monsieur le ministre, qui a pris l’initiative de ces pourparlers ?
Il y a eu d’abord une correspondance de Boko Haram adressée au gouvernement du Tchad et ensuite une demande officielle du gouvernement du Nigeria pour pouvoir faciliter ce contact. C’est ce que nous avons fait.
Donc c’est Boko Haram qui a fait le premier pas ?
Je dirais que c’est presque de manière simultanée que les parties nous ont sollicités.
Et combien de temps s’est écoulé entre cette première sollicitation et les premiers pourparlers de la mi-septembre ?
Il y a eu des contacts au mois de juillet, au mois d’août, et les parties se sont retrouvées à la fin de la première dizaine du mois de septembre et ensuite à la fin du mois de septembre.
Et vous, qui étiez présent à ces réunions, pouvez-vous nous parler du climat des discussions ?
Je crois qu’au départ il y avait beaucoup de réserve, bien entendu. Mais par la suite je peux avouer que la plupart des discussions se sont passées entre les parties elles-mêmes…
Et quel a été le premier point abordé lors de ces pourparlers ?
Les deux parties ont estimé qu’il n’y a pas de solution militaire à cette crise et qu’il y a intérêt pour les parties de trouver une voie pacifique par le dialogue, pour pouvoir régler le problème du Nigeria. C’est ce que j’ai décelé dans les déclarations des uns et des autres.
Est-ce que le gouvernement nigérian a fait part de ligne/s rouge/s ?
Pour l’instant je crois qu’ils se sont engagés à prendre un certain nombre d’actes qui peuvent renforcer la confiance entre les parties. Et je constate qu’en tout cas pour l’instant la libération des otages étrangers, l’annonce du cessez-le-feu, je crois qu’ils vont dans le bon sens.
Et donc c’est surtout la libération des détenus insurgés qui déterminera la libération prochaine ou non des lycéennes de Chibok, selon vous ?
De toutes les façons les parties nous ont dit qu’elles sont engagées dans un processus. Elles nous ont donné l’impression qu’elles sont sérieuses. Et donc n’anticipons pas. On va essayer de voir ce que cela va donner.
Vous êtes plutôt confiant ?
Dans une certaine mesure, oui. Les deux délégations ont travaillé, elles ont laissé un document dans lequel elles ont pris des engagements. Je constate que les premières actions sont prises et donc j’espère qu’elles vont respecter leurs engagements et s’acheminer vers une sortie de crise.
Source: RFI