Le gouvernement nigérien a décrété à partir de vendredi trois jours de deuil national après que 92 migrants, essentiellement des femmes et des enfants, soient morts de soif dans le désert, dernier accident migratoire massif recensé cette année.
“Profondément touché” par le drame, qui a fauché 52 enfants, 33 femmes et 7 hommes, tous des Nigériens qui tentaient de rejoindre l’Algérie début octobre, Niamey a présenté “ses condoléances attristées aux familles éplorées” et invité “la population à prier pour la mémoire des disparus”.
Les drapeaux étaient en berne vendredi sur tout le territoire nigérien en hommage aux victimes, notamment sur l’Assemblée nationale, le plus grand stade de Niamey et le palais des congrès, a constaté un journaliste de l’AFP.
L’un d’entre nous a vu sa femme et ses 9 enfants mourir.
Sadafiou, un rescapé d’une trentaine d’années qui a perdu trois de ses proches dans le voyage, avait expliqué il y a quelques jours sur une radio que le groupe dont il faisait partie, originaire du Sud nigérien, fuyait de mauvaises récoltes à venir. “L’un d’entre nous a vu sa femme et ses 9 enfants mourir”, racontait-il.
Seulement 21 personnes sur un total de 113 ont survécu à ce voyage, selon une source sécuritaire.
Panne de véhicules
Les victimes sont “mortes de soif, leur deux véhicules étant tombés presque simultanément en panne”, a expliqué à l’AFP le maire d’Agadez Rhissa Feltou. “Dans le désert, la soif ne pardonne pas. Les plus solides peuvent tenir trois à quatre jours, mais en général au bout de 24 à 48 heures, il se déclenche un processus de mort rapide”.
Cette tragédie relance une fois de plus le débat sur l’immigration clandestine des Africains, après celle de Lampedusa début octobre, quand plus de 360 clandestins, surtout érythréens, étaient morts dans le naufrage de leur embarcation au large de cette île italienne. Des dizaines d’autres ont encore péri en mer depuis lors.
Les 92 victimes nigériennes sont “des migrants comme nous le voyons un peu partout, comme les drames sur la Méditerranée”, estime le maire d’Agadez, la grande ville du nord du Niger par où transitent de nombreux migrants ouest-africains, cherchant surtout à rejoindre l’Europe via la Libye.
Une telle catastrophe, même si la situation finale était l’Algérie, où ces familles partaient vraisemblablement “vivre de la mendicité”, et non le Vieux Continent, rappelle que “des situations dramatiques se produisent aussi dans le désert”, remarque l’édile.
Emigration massive
Le Niger, l’un des pays les plus pauvres au monde, est confronté à des crises alimentaires récurrentes. L’émigration y est massive.
Le décès de clandestins en plein désert, souvent abandonnés par leurs passeurs à une mort certaine, se révèle assez fréquent, mais dans des proportions bien moindres.
Une Nigérienne, originaire elle aussi du sud du Niger, qui avait organisé le voyage, a été interpellée à Tamanrasset (sud de l’Algérie), la destination initiale des migrants, où elle vivait, et ramenée à Arlit (nord du Niger), ville de départ du groupe, où elle a été écrouée, selon une source sécuritaire.
La dernière catastrophe d’une ampleur comparable dans le Sahara avait été rapportée en mai 2001 en Libye, considéré du temps de Mouammar Kadhafi comme un eldorado pour les migrants africains, quand 140 d’entre eux étaient morts de soif dans le désert.
Depuis la chute du dictateur, la Libye est davantage devenue une porte d’entrée pour l’Europe. La route migratoire y menant est bien plus fréquentée que celle pour aller en Algérie.
Près de 5.000 Ouest-Africains, dont de nombreux Nigériens, ont transité chaque mois entre mars et août 2013 par Agadez, afin de se rendre en Libye, selon l’ONU.