La dissonance entre le Haut représentant du président de la République pour le Centre et le chef de la diplomatie malienne aura défrayé la chronique et en fait les choux gras des médias ainsi que de l’opinion, tant elle jure avec les normes d’un fonctionnement régalien digne de ce nom. Consécutive à l’officialisation par Dioncounda Traoré de démarches en cours auprès de deux chefs terroristes maliens – en vue de préserver des vies dit-il -, elle a inspiré à Tiébilé Dramé une réplique d’autant plus intrigante et curieuse qu’en plus de ramer à contre-courant des propos de l’ancien président de la Transition, elle donne l’impression d’être motivée par un dessein évident d’apporter la contradiction et le démenti. Une négociation avec Iyad Ag Ghali et Amadou Kouffa n’est pas de saison, s’est écrié M Dramé, balayant d’un revers de main à la fois l’initiative de Dioncounda Traoré et la dynamique insufflée par les diverses composantes de la nation malienne, respectivement à la Conférence d’Entente Nationale et, plus récemment encore, au Dialogue National Inclusif.
On eut dit que l’hostilité du Quai d’Orsay à la démarche, ainsi que les apparences d’une France respectueuse des principes occidentaux en la matière, sont probablement passés par-là et ont imposé au ministre des Affaires étrangères une cacophonie qui incarne pour le moins l’absence criante de dialogue et d’interconnexion entre les maillons de l’Etat. Mais plus plausible peut-être l’explication qu’il se dégage d’une perception de la question sous le prisme des rapports complexes et mitigés que le chef de la diplomatie malienne entretient avec le sujet. Car, les contradictions de la posture officielle y afférente auraient été plus saillantes dans le contenu que dans la forme si la position officielle du Mali n’était portée par la personne de Tiébilé Dramé. Et pour cause, selon des sources concordantes, pour avoir été précédemment au cœur de démarches similaires auprès de groupes terroristes maliens en contournant les partenaires de la crise malienne et leurs principes, l’opposant reconverti n’est ni étranger, ni un non-initié de l’option choisie par le Pr Traoré. En clair, le ministre des Affaires Étrangère était l’âme d’une certaine médiation encadrée par son beau-frère Malamine Konaré et ayant coûté des misères à l’avocat Me Hassane Barry, en dépit de la libération de nombreux militaires maliens en échanges de détenus terroristes. Lesdites démarches auprès d’Amadou Kouffa devaient même s’étendre à d’autres jalons dans le processus de stabilisation du Centre, mais elles vont heurter sur le mur infranchissable de la méfiance entre acteurs et protagonistes avant de capoter pour de bon suite à la détention du principal médiateur à la Securite d’Etat. Me Hassan Barry, il s’agit de lui, ne fait d’ailleurs mystère de sa sidération d’être payé en monnaie pour l’exploitation de ses contacts avec de présumés terroristes et qu’un traitement déshonorant lui soit infligé pour une mission officiellement cautionnée par les hautes autorités maliennes à travers le département des Affaires Étrangères qui s’en lave les mains à la Ponce Pilate.
Mais à défaut de découler en définitive de l’obligation de faire figure devant les maîtres à penser francais, l’attitude de Tiébilé Dramé pourrait s’expliquer par la protection d’un domaine qu’il considère comme sa chasse gardée et sur lequel il ne souffrirait peut-être pas de voir prospérer une initiative autre que la sienne. Difficile de s’expliquer autrement, en tout cas, le rebut qu’il a exprimé pour une démarche qui ne diffère de la sienne que par le courage d’assumer et de renoncer à l’indiscrétion.
A KEITA
Source: Le Témoin