Au cours de l’audience qu’il a accordée aux ministres Français et Allemand des Affaires étrangères, Jean-Marc Ayrault et Sigmar Gabriel, le vendredi soir, le président de la République, Ibrahim Boubacar Kéita, aurait rassuré ses interlocuteurs qu’il n’y aura point de négociations avec les terroristes, sous entendu Iyad Ag Ghaly et Amadou Kouffa. Cette dangereuse inhibition du chef de l’Etat parait surprenante quand on sait que lors de la Conférence d’entente nationale, tenue du 27 mars au 2 avril, les Maliens ont conclu sur l’impérative nécessité d’ouvrir les négociations avec ces deux hommes. Cette position dégagée au cours des assises de la conférence d’entente rejoignait ainsi ce que le président du Parena, Tiébilé Dramé, et celui du Haut conseil islamique, Mahmoud Dicko, ont toujours prêché.
Les Maliens dans leur grande majorité veulent que les négociations soient ouvertes avec les jihadistes maliens. L’objectif étant d’extirper ceux-ci de cette triste aventure pour isoler les seigneurs de guerre étrangers. Encore que lorsqu’on analyse les facteurs qui ont contribué à faire de ces Maliens des jihadistes, on se rend compte que l’Etat a une grande part de responsabilité pour avoir failli à la protection des populations en les abandonnant à la merci des occupants terroristes.
Où était l’Etat protecteur en 2012 quand les jihadistes arrivaient à Kidal, Gao et Tombouctou ? Où est l’Etat protecteur alors qu’à 10 km de la ville de Tombouctou, ce sont les forces jihadistes qui contrôlent ? Dans une telle situation, comment peut-on en vouloir à des gens parce qu’ils ont coopéré avec le maitre du jour ?
Pour ce qui est du Centre du pays, certains peulhs se sont engagés dans cette aventure à cause parfois des exactions des forces de l’ordre inhérentes à l’amalgame. C’est vu tous ces facteurs que les Maliens dans leur majorité souhaitent qu’on négocie avec les jihadistes maliens. Surtout que négocier ne veut pas dire accepter de facto la fausse conception que ces jihadistes font de la charia.
Il s’agit de leur faire comprendre la vraie charia, qui est du reste partiellement appliquée au Mali. Jeûner, prier, faire le pèlerinage, sont autant de pratiques religieuses que les Maliens font et qui relèvent de la charia. Aussi, comment peut-on diriger un peuple à 95% musulmans et refuser de dialoguer avec des insurgés qui parlent de charia ? Ce qui est aussi évident, c’est qu’on ne peut pas laisser quelqu’un dans l’égarement et l’en vouloir alors qu’on n’a même pas daigné l’aider à revenir à la raison.
Au Niger tout près, les autorités sont en train de récupérer les gens de Boko Haram et se proposent même de les insérer dans la vie productive. Une belle leçon qui devrait inspirer nos autorités. Mais Hélas ! On est toujours dans l’engrenage des grandes puissances qui ne veulent pas entendre parler de négociations avec les jihadistes.
Pendant ce temps, les Maliens continuent de mourir au Nord comme au Centre, faisant saigner le cœur du chef de l’Etat. Il y a un proverbe Bambara qui dit que « lorsque la main enfle, la douleur est pour son propriétaire ». Il est temps qu’on ouvre les yeux pour voir la réalité en face. Toutes les guerres du monde ont fini autour de la table de négociations. Le Mali ne fera pas exception à la règle et le plutôt serait le mieux.
Pourquoi peut-on négocier avec certains groupes armés (MNLA, MAA) et refuser d’autres au motif qu’ils sont jihadistes alors qu’au moment de l’occupation, ils étaient tous ensemble, ont commis ensemble des crimes, et d’ailleurs continuent toujours d’être ensemble ? Tous les Maliens disent qu’il n’existe pas de ligne de démarcation palpable entre les combattants de la CMA et ceux d’Ansar Eddine d’Iyad Ag Ghaly. Le même combattant est CMA le matin, Ansar Eddine le soir. Il a juste besoin de changer de turban. Il est temps que les choses changent pour que des vies soient préservées.