Agence Ecofin : Après les solutions militaires à la crise sécuritaire dans laquelle est plongé le Mali depuis 2012, les objectifs de l’Etat malien se sont très tôt tournés vers une stratégie d’attraction des investissements étrangers dans le pays. Aujourd’hui, quelles sont concrètement les raisons pour un investisseur de s’implanter au Mali, malgré la situation sécuritaire encore instable ?
Moussa Touré : Tout d’abord, il est nécessaire de préciser que l’attraction des Investissements Directs Etrangers (IDE) n’a pas commencé après la crise de 2012. Elle est bien antérieure avec des résultats intéressants dans les mines et les télécom notamment. Pour ce qui concerne les principales raisons d’investir au Mali aujourd’hui, c’est d’abord la rentabilité de l’investissement !
En effet, ce qui apparait comme un tableau peu favorable, constitue en réalité de véritables opportunités pour l’investisseur. Le Mali aujourd’hui dispose de nombreux projets structurants et à rentabilité forte.
En dépit de cette situation peu favorable, l’économie malienne a été résiliente et a amorcé une relance solide. Les investisseurs peuvent s’implanter au Mali pour y réaliser de bonnes affaires. L’Etat Malien à travers une mise en place continue de divers dispositifs, assure la sécurité de leurs investissements.
En dehors de la rentabilité, il existe en amont des besoins et demandes non satisfaits dans tous les secteurs. C’est ce qui constitue le vivier important et diversifié existant des opportunités d’investissements.
AE : Quels sont actuellement les secteurs prioritaires pour l’investissement pour le Mali ?
Moussa Touré : Dans le cadre d’une démarche proactive, 4 secteurs sont priorisés par le gouvernement pour supporter la politique de diversification de l’économie du pays :
D’abord l’agriculture, à travers la production du coton, du riz, des céréales ou encore du sucre mais également et surtout la transformation et la valorisation de produits agricoles tels que les fruits et légumes et les oléagineux.
Ensuite l’élevage dont le fort potentiel du pays en la matière, fait naturellement de ce secteur, un secteur prioritaire. En effet, le Mali est le pays ayant la plus grande population de bétail de l’UEMOA, qui en plus est fortement importé par les pays voisins.
Puis l’Energie : le pays bénéficie d’un taux d’ensoleillement élevé et de l’existence de cours d’eau qui lui donnent l’opportunité de production d’électricité à bas coût. Booster le secteur de l’énergie permettra de soutenir le développement industriel que le pays ambitionne.
Enfin les infrastructures. Dans un pays aussi vaste que le Mali – plus d’un million deux cent quarante mille km2, les infrastructures présentent un potentiel d’investissement et de croissance inédit que l’Etat souhaite également mettre à profit pour optimiser le coût des productions et des services afin d’améliorer la compétitivité des entreprises et favoriser le flux d’IDE vers le Mali.
AE : Le secteur aurifère représente 70% des exportations du pays et plus de 30% de ses recettes budgétaires. Comme dans plusieurs autres pays où le secteur minier est prépondérant dans l’économie, le Mali veut également réformer son code minier, malgré ces performances. Selon vous, quelles raisons motivent une telle mesure ?
Moussa Touré : Il s’agit essentiellement d’améliorer encore davantage la contribution qualitative de ce secteur, non seulement dans l’économie, mais surtout pour le bien être des populations. Nous avons conscience des opportunités existantes pour améliorer la règlementation et le contrôle du secteurs, mieux encadrer l’orpaillage et assurer un meilleur bénéfice pour les populations.
AE : De telles modifications pourraient-elles remettre en cause certains investissements déjà programmés dans ce secteur ?
Moussa Touré : Absolument pas et au contraire. Nous avons un code minier déjà bien compétitif aux yeux des spécialistes. Les ajustements futurs contribueront à prendre en charge les points d’améliorations identifiés, et aussi à sécuriser davantage les investisseurs et les intérêts de toutes les parties.
AE : Quelles ont été les principales réalisations de l’API en 2018 pour promouvoir les investissements au Mali ?
Moussa Touré : Nos missions ont principalement porté sur 2 grands axes :
D’une part, l’amélioration de l’image du Mali : suite à la crise de 2012, l’image du Mali a fortement été entachée sur le plan international, et la perception sur la destination Mali par les investisseurs fut affectée. L’API-Mali s’est attelée à corriger la distorsion entre la réalité et cette perception résultante de l’écho médiatique négative qu’a subi le Mali. En effet, l’image du pays ne correspond pas aux avancées réalisées.
L’autre grand axe, c’est la promotion des investissements au Mali : l’API-Mali a mis en lumière les opportunités d’investissements au Mali à travers la réalisation de séries d’études sectorielles, de rencontres des investisseurs et a mis en place un système d’accompagnement personnalisé des investisseurs ayant choisi de venir saisir ces opportunités. Un accompagnement complet et sur mesure, avec un suivi qui continue au-delà même des périodes requises, ‘post-installation’. Dans le cadre de l’amélioration de cet accompagnement, l’API-Mali se prépare à lancer le service e-Registration, qui est un outil qui dématérialisera et simplifiera la création d’entreprise pour les usagers. D’ici à fin juin, les porteurs de projets de création d’entreprises pourraient entamer leurs démarches en ligne.
AE : La Banque mondiale a indiqué que les investissements au Mali ont progressé de 8%, grâce notamment à une hausse des investissements privés. Cependant le FMI indique que la plupart des crédits accordés au secteur privé sont à court terme. D’ailleurs 75% de l’ensemble des crédits accordés au Mali aujourd’hui seraient à court terme. Qu’est-ce qui explique le manque d’investissements à long terme dans le pays, nécessaires pour créer un vrai développement durable ?
Moussa Touré : Les banques maliennes font face à plusieurs difficultés. Nous avons une économie très liquide et le niveau de bancarisation reste faible. L’épargne collectée par elles reste essentiellement à vue. De ce fait, elles disposent de ressources à court terme qui ne permettent pas de financer des projets sur le long terme. Cette situation est exacerbée par une règlementation trop stricte. Il est donc nécessaire de faire des réformes à plusieurs niveaux et développer de nouveaux produits et services pour transformer ces challenges en opportunités.
Par ailleurs, il est indispensable que l’Etat et le secteur privé malien renforcent leurs capacités de montage de projets et de structuration de financements pour les projets banquables comme on le dit.
AE : Quelle est votre stratégie pour améliorer la part des investissements à long terme ?
Moussa Touré : En plus d’optimiser les missions actuelles qui sont les notres, API-Mail en sa qualité d’établissement en charge de la promotion des investissements au Mali vise à se positionner comme le porte-parole, la vitrine de l’ensemble des parties prenantes de l’environnement malien des affaires. Cela permettra de mettre en place des actions inclusives avec l’ensemble des organisations en charge des secteurs de développement du pays pour donner plus d’impact à la politique d’attraction des investisseurs au Mali. C’est pourquoi, nous portons depuis plusieurs années maintenant un plaidoyer pour transformer cette agence en Agence de Développement, à l’image des meilleures pratiques africaines (Rwanda, Ile Maurice,…) et mondiales (Nouvelle Zélande, Singapour, …). Nous espérons que nous seront entendus au plus vite car il y a urgence là aussi.
Propos recueillis par Moutiou Adjibi Nourou