Pourquoi la presse et le pouvoir français ne semblent-ils pas très intéressés de maintenir la démocratie après la mort du Président du Tchad, Idriss Déby? Analyse de Loïk Le Floch-Prigent, ancien patron de Rhône-Poulenc et Elf Aquitaine, ancien président de Gaz de France et de la SNCF pour Le Désordre mondial.
La France ne semble pas vraiment pressée de promouvoir la démocratie au Tchad après le décès, le 19 avril dernier, du Président Idriss Déby, qui dirigeait le pays depuis 1990.
Quid des étranges circonstances autour de la mort d’Idriss Déby? Loïk Le Floch-Prigent explique qu’à l’heure actuelle, personne ne sait comment il est mort. Même si plusieurs hypothèses ont couru:
«D’abord les forces de la rébellion ont revendiqué l’assassinat, ce qu’a ensuite démenti le nouveau gouvernement tchadien. Puis on a dit que c’était une bagarre entre le Président et un général. En fait, on ne sait même pas s’il est mort au front et qu’il soit mort au front ou pas a l’air de laisser différent l’ensemble de la presse française, c’est quand même ahurissant. C’est la première fois que quelqu’un meurt soi-disant au combat alors qu’il n’y avait pas de combat, et que tout le monde s’en fout. On se fout de la démocratie, on se fout de la mort, et derrière on dit que le père est remplacé par le fils. Je ne savais pas que le Tchad était un régime monarchique.»
Malgré cette indifférence affichée, Emmanuel Macron s’est pourtant rendu aux funérailles de l’ancien Président. Quelle importance le Tchad a-t-il pour la France?
«Le Tchad a tout d’abord un intérêt géostratégique. L’essentiel des armées d’Afrique qui aident la France dans l’opération Barkhane sont des Tchadiens. On a installé une base française à N’Djamena, avec des avions, et on a soutenu le Tchad pour lui éviter d’être envahi par la Libye. C’est aussi un endroit de rencontres entre peuples et religions d’Afrique», explique l’ancien grand patron.
En privilégiant le concept de stabilité plutôt que celui de démocratie ultime, Emmanuel Macron a-t-il peur de perdre un allié, une empreinte sur le territoire au profit d’un autre pays?
«La realpolitik existe. Je ne pense pas que la politique soit exempte de cynisme mais la politique doit se faire aussi avec générosité. On ne peut pas être que cynique. Et c’était la position de la France avant. Ce n’était pas un double discours, il faut savoir jouer avec la politique réaliste et avec la politique généreuse, la politique du siècle des Lumières. Je pense qu’il faut que l’on revienne à la politique de la République, de la démocratie, il faut arrêter de dire “C’est ça l’Afrique”.»