Le blogueur Aliou Diallokei convie à une promenade dans la ville de Mopti : présence militaire, ordures, divagation des animaux, conflits, diversité culturelle, etc.
Nous bouclons un séjour d’une semaine dans la Venise malienne. Nous avons eu la chance de parcourir ses ruelles, de prendre le pouls d’une ville qui vit. Une ville symbole d’un brassage culturel extraordinaire.
D’un groupe de personnes à un autre, on distingue par la langue ou l’habit la communauté à laquelle il appartient. La diversité culturelle ne se raconte pas à Mopti : elle se vit. « Tu n’as aucun problème à avoir quelqu’un qui parle le dogosso, le fulfuldé, le bambarakan, le sonrhaï…», explique un commerçant, qui nous propose ses articles. La plupart des habitants parlent, au moins, trois langues.
Résistance
La foire hebdomadaire se tient tous les jeudis, mais le marché se remplit tous les jours, preuve d’une forte activité économique. « Ici, tout le monde est commerçant », lance un habitant. Inutile d’attendre un taxi, les tricycles les ont détrônés en les envoyant au cimetière. Très visibles, pas chers, ces engins à trois roues vous emmènent où vous voulez dans la ville. « Beaucoup de chauffeurs de taxi sont devenus des conducteurs de tricycle », m’explique Koundia, conducteur de tricycle qui me transportait à Bargondaga, un village périphérique de la ville.
Sans les bâtiments administratifs et quelques hôtels devenus des garnisons militaires avec des blocs de sable à la devanture, ou ces (autres ?) hôtels, qui par manque d’une clientèle étrangère moisissent, on oublierait qu’on est dans la capitale d’une région meurtrie par le conflits et l’activisme djihadiste. La nuit, les clubs de dancing ouvrent leurs portes jusqu’à l’aube. « C’est encore plus festif à Sévaré », m’explique un inconditionnel des bars.
Pour la plupart des « Mopticiens » avec qui j’ai échangé, le mot « djihadiste » est tabou : ils préfèrent l’expression « mogow » (« les gens là »). Ils en parlent difficilement. « On préfère penser à autre chose, pour ne pas ouvrir des plaies », laisse entendre Amadou Guindo. Mais, tous ou presque ont conscience du danger qui guettent la ville. « Seul le fleuve nous sépare de la mort », explique le préfet du cercle de Mopti. Derrière le fleuve, à Nantaka et Kobaka, on peut parler de tous sauf de Hamadoun Kouffa, prédicateur qui dirige la Katiba Macina.
Ville compacte et ceinturée
Dans les étroites ruelles goudronnées sans entretien s’entassent des ordures nauséabondes. Les quelques caniveaux de la ville sont bouchés, seule une eau noiraude s’y faufile en direction du fleuve. La divagation des animaux en embouchure n’arrange pas la situation. Même les quartiers résidentiels de Gangal et Komoguel n’y échappent pas. Ne parlons pas des quartiers populaires. Vaches et moutons y errent comme des petits rois.
Mopti est une ville compacte, elle est complètement ceinturée par les eaux surtout, en cette saison de crue. Personnellement, je pense que ce qui est un handicap aujourd’hui, c’est-à-dire le fait d’être assiégé par les eaux, peut devenir un atout pour la ville de Mopti avec une forte volonté politique. Il suffirait de mettre en valeur le fleuve. Une autre richesse culturelle à préserver est l’architecture des maisons des vieux quartiers de la ville. Ces bâtisses en banco sont d’une ingéniosité inégalable.