ATTAQUE DE MONDORO
Des insuffisances dans le renseignement ?
Le bilan a été aussi lourd que l’attaque aura été perfide. Est-il besoin de rappeler les faits. Aux aurores du vendredi 04 mars 2022, le camp militaire de Mondoro a été la cible d’une attaque enragée menée par un groupe d’une centaine de jihadistes. Les FAMAs, après d’âpres combats, ont pu venir à bout des assaillants, notamment grâce l’intervention de l’appui aérien. Il n’en demeure pas moins que les pertes, côté Armée malienne, ont bouleversé tout un peuple solidaire de ses forces de défense et de sécurité. « 27 soldats morts et 33 blessés, dont 21 grièvement ». « 7 autres soldats sont [toujours] portés disparus », a-t-il été rapporté dans le communiqué des autorités maliennes.
L’assaut donné par les jihadistes aurait-il pu être anticipé, évité, tué dans l’œuf ? C’est la question que se sont posés beaucoup de nos concitoyens étreints par la plus vive émotion. Nous avons approché un officier supérieur de l’armée de Terre pour recueillir son avis d’expert. Forcément, on s’en doute, notre interlocuteur a requis l’anonymat le plus absolu. Seul indice qu’on peut donner de sa situation, il a été pendant des années pensionnaire de l’Académie de Défense du Nigeria (NDA en anglais). Selon lui, face aux groupes jihadistes qui n’utilisent pas des procédés conventionnels de guerre, « le risque zéro n’existe pas, bien entendu. » Il a souligné que même les Etats les mieux dotés en logistiques de tous genres « subissent des attaques terroristes, parfois très meurtrières, que ce soit dans des camps que ces Etats tiennent hors de leurs sols ou même sur leurs sols. »
Mais, l’officier insiste sur une dimension : « Dire que l’attaque aurait pu être évitée n’est pas la bonne réaction après une attaque de ce genre. Ce qu’il faut, c’est en tirer les enseignements et cibler au plus vite les insuffisances, surtout dans le renseignement. » Et lorsqu’on lui demande si les renseignements militaires sont en cause, sa réponse est celle-ci : « Aucune méthode de renseignement n’est infaillible. Disons-le clairement. Mais ce qu’il faut, c’est mettre plus l’accent sur la dimension humaine du renseignement. Vous savez, en matière de renseignement, rien ne remplace l’humain. Certes, avec Wagner et les moyens de repérage aérien, nous avons pris un énorme coup d’avance sur les forces du mal. Leurs déplacements et leurs repaires sont de plus en plus percés. Mais il faut qu’on s’appesantisse sur le facteur humain. Et là, tout est bon à prendre. Les témoignages des villageois, les avertissements des femmes qui reviennent de la cueillette de bois, les soupçons des paysans etc. Toutes ces moissons constituent une source de renseignements à exploiter. » Et d’évoquer le cas du Nigéria : « Voyez l’exemple nigérian. L’armée nigériane, pourtant une des plus fournies d’Afrique, a eu beaucoup de mal face à Boko Haram, et durant plus d’une décennie. Dès lors que les stratèges nigérians ont compris qu’il fallait s’appuyer sur le facteur humain pour disposer de renseignements fiables sur l’un des groupes jihadistes les plus fermés au monde, eh bien ! ils ont mis en place une unité spéciale chargée : un : d’infiltrer les réseaux Boko Haram ; deux : de procéder à la pêche discrète de tout ce que savaient et disaient les villageois çà et là. C’est comme ça que la tentacule d’Aboubakar Shekau a été cernée et finalement affaiblie »
« Nous devons nous inspirer plus du modus operandi du Nigéria qui est en train de faire ses preuves », a-t-il recommandé.
MOHAMED MEBA TEMBELY
Source: journal les échos Mali