Toute démocratie se doit de combattre les dérives autocratiques et les lourdeurs bureaucratiques. Une République digne de ce nom garantit la liberté d’expression et d’opinion.
La souveraineté réelle implique la transparence des actes refondateurs de l’Etat et l’obligation de rendre compte de leurs bienfaits pour le peuple, dans toute sa diversité. Une gouvernance responsable repose sur la recherche de l’équilibre entre les forces vives de la nation, le respect des engagements pris, l’application rigoureuse de la loi, l’indépendance de la justice, la crédibilité des institutions régaliennes et la protection inaltérable des droits humains.
Ces principes fondamentaux sont systématiquement invoqués à chaque changement de régime pour justifier une transition présentée comme salutaire, gage de sécurité et de développement. L’espoir renaît alors, la patience s’installe et la perspective d’un avenir meilleur suscite tolérance, confiance et engagement citoyen.
Le gouvernement de Transition se donne à voir : il multiplie les apparitions médiatiques et les démarches diplomatiques, soigneusement mises en scène pour asseoir sa légitimité. Les discours s’accompagnent de promesses de croissance, de stabilité, de justice et de rayonnement international.
Dans ce contexte, instaurer une discipline civique fondée sur la participation au redressement national semble être la voie obligée pour transformer l’élite défaillante d’hier en une société plus juste, solidaire et dynamique. La dignité nationale, l’unité civile et la légitimité populaire doivent être les fondements de ce difficile mais nécessaire processus de refondation. Mais lorsque les actes trahissent les promesses, le doute s’installe. La confiance chancelle, les citoyens s’interrogent, puis contestent… et peut-être, résistent.
Résister, c’est oser s’opposer sans être un ennemi.
Tout pouvoir doit accepter la critique. Elle n’est pas une agression, mais un acte civique destiné à enrichir le débat, à orienter l’action publique, à alerter sur des dérives possibles. La contestation démocratique n’est pas une menace à l’ordre public, mais une preuve de vitalité républicaine. Vouloir la réprimer, c’est fragiliser le contrat de confiance entre gouvernants et gouvernés et exposer le pays à des tensions inutiles.
Dans ce contexte, la rumeur persistante d’une dissolution des partis politiques est profondément préoccupante. Elle menace directement l’un des piliers de notre démocratie : le pluralisme. Si les autorités de la Transition envisagent une telle mesure, elles doivent entendre ceci : les partis politiques ne sont pas des fauteurs de trouble, mais des porteurs de dialogue, de représentativité et de paix. Ils ne sont pas là pour diviser, mais pour renforcer la cohésion nationale.
Toute refondation politique crédible exige la transparence dans la gestion du pouvoir, l’ouverture aux critiques et la participation de toutes les forces vives. Réduire les espaces d’expression, museler les voix divergentes ou marginaliser les partis, c’est nier les fondements mêmes de l’Etat de droit.
Le président de la Transition, garant de la mise en œuvre de la nouvelle Constitution (juillet 2023), doit rester fidèle à l’esprit de celle-ci, qui consacre explicitement le rôle des partis dans la vie démocratique. Supprimer le multipartisme serait non seulement une erreur politique, mais une faute historique.
Comme lui, et comme des millions de nos compatriotes, j’aime profondément notre Mali. Cet amour m’oblige à dire que toute décision qui va à l’encontre de la démocratie n’est pas une voie de salut, mais un dangereux égarement.
Mohamed Salia Touré
(ancien ministre)
Source: Mali Tribune