Mohamed Bazoum a été investi il y a un an, le 2 avril 2021, à la présidence du Niger. Dans un entretien accordé, à Niamey, à TV5Monde et au Monde, partenaires de l’émission hebdomadaire « Internationales », le chef d’Etat assume « sans complexe » le partenariat sécuritaire avec la France.
La directrice générale du Fonds monétaire international, Kristalina Georgieva, dit craindre que « la guerre en Ukraine signifie la faim en Afrique ». Au Niger, sentez-vous l’impact de cette crise ?
Il y a un contrecoup, un renchérissement du prix des denrées alimentaires. La Russie et l’Ukraine sont de grands exportateurs de blé. Par ailleurs, l’augmentation du prix de l’énergie aboutit à celui du transport, et le Niger est un pays enclavé, loin de la mer. Dans le contexte d’une année déficitaire en pluviométrie, nous avons évalué que 3,5 millions de personnes seront dans une situation d’insécurité alimentaire relativement grave.
Est-ce là l’échec de l’« initiative 3N », « le Niger nourrit les Nigériens », lancée il y a dix ans ?
C’est la preuve d’une inefficacité relative. Nous n’avons jamais dit que nous avions l’ambition d’éliminer le déficit alimentaire. Nous n’avons pas assez de ressources pour changer radicalement le mode de production agricole. Mais sans l’initiative 3N, le déficit serait plus important encore.
Cela signifie-t-il que le Niger ne sera jamais indépendant sur le plan alimentaire ?
Il le sera parce qu’il possède de grandes potentialités. Parmi les pays du Sahel, nous disposons des plus importantes réserves d’eau souterraine accessibles avec des moyens qui ne sont plus hors de portée. Les énergies renouvelables coûtent de moins en moins cher et le pays dispose de beaucoup de terres arables.
Vous espérez gagner cette course contre la montre alors que le Niger, à cause de sa démographie (2 millions d’habitants en 1960, 23 millions aujourd’hui), doit sans cesse nourrir plus de personnes…
Absolument. La démographie est le grand défi. Quelles que soient nos performances économiques ou la pertinence de nos actions, tant que nous aurons une croissance démographique échevelée, nos efforts sembleront vains. Cette question n’est plus taboue.
Des centaines d’écoles ont fermé sous la pression des groupes armés. Comment permettre l’instruction quand il n’y a pas la sécurité ?
Il faut éradiquer l’insécurité. En attendant, il faut sauver la scolarité des enfants dont les écoles ont été fermées par la force grâce à la création de centres de regroupement des écoles des villages touchés, à la réconciliation des communautés entre elles, au retour des villageois déplacés… Du côté de notre frontière avec le Burkina Faso, nous avons beaucoup plus de problèmes. Les terroristes s’en prennent délibérément, pour des raisons idéologiques, aux écoles et mettent un point d’honneur à faire en sorte qu’elles ne puissent pas continuer à fonctionner. Là, nous créons un rapport de force militaire qui doit nous permettre de sécuriser les villages et de rouvrir les écoles.