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Mohamed Ag Assory: IBK, le Phoenix qui renaît de ses cendres

Il y a de cela quelque temps, j’écrivais que ceux qui pensaient que IBK était mort politiquement n’ont encore rien compris de la politique malienne. Quelque mois plus tard, IBK a repris les poils de la bête, il réussit même à redorer son blason auprès de l’opinion publique en faisant taire ses milliers de détracteurs.

 

Je sais que beaucoup auront la facilité de me traiter de partisan, même si je n’en suis pas un. Je ne suis pas fondamentalement un politique, mais j’ai quand même voté IBK en 2018, tout comme j’avais voté Soumaila Cissé en 2013 et Amadou Toumani Touré en 2007.
En 2018, j’ai voté IBK juste parce que je croyais qu’il était victime d’acharnement d’une partie de la classe politique qui voulait le faire porter l’échec collectif. Ce soutien affiché m’a valu des escarmouches avec certains «sbires-activistes», qui ont depuis rejoint le régime et qui sont plus royalistes que le roi, mais qui à l’époque étaient des féroces loups payés pour descendre médiatiquement IBK.
L’objet de cette parenthèse est de m’épargner certaines gymnastiques inutiles, mais certaines.
Pour revenir au sujet que je vais traiter sur un plan purement basé sur les faits, c’est-à-dire sur les principes et règles de la politique ainsi que les stratégies du Pouvoir.

Je ne cacherai pas également, qu’en tant qu’amateur de la politique, je suis aujourd’hui fasciné par IBK, pas par l’homme en lui-même, mais par son histoire et ses combats politiques dans lesquelles il a toujours tiré son épingle du jeu, même dans les moments les plus difficiles où son pronostique politique était sérieusement engagé.

IBK ou l’art de faire tourner la roue!
S’il y a un domaine dans lequel l’homme excelle, hormis le latin et le français classique, c’est l’art de tourner les situations à son avantage. Ne vous fiez jamais à son apparence physique sympathique, débonnaire, derrière ce masque réaliste se cache une véritable bête politique.
Certainement à ceux qui ont eu à l’affronter ne diront pas sincèrement le contraire.
Depuis la fin des années 1990, les camarades politiques d’IBK pensaient l’avoir enterré lorsqu’ils lui préférèrent Soumaila Cissé pour prendre la tête de l’Adema-PASJ. Pourtant, jusqu’à la dernière minute, IBK pensait que son heure avait sonné pour monter à Koulouba. Cette amertume, l’homme l’a toujours gardé dans sa bile et l’a forgé pour la suite.
Comprenant que l’art de la politique, c’est aussi de la boxe, encaisser les coups et savoir les donner tout en restant debout, il reprend sa revanche en 2002, au deuxième tour pour soutenir le candidat ATT au détriment de Soumaila et de ses bourreaux de l’Adema.
Ce soutien a permis à IBK de disposer d’une machine électorale, son parti qu’il fonda plutôt avec ses fidèles lieutenants partis en fronde de l’Adema. Il entretint alors une relation confuse avec ATT à qui il impose une forme de cohabitation parlementaire durant son premier mandat.

Un Populiste hors-pair!
Sachant qu’il grillerait toute chance en faisant le beni oui oui, IBK bien que soutien de ATT en 2002 ne rate aucune occasion de maintenir son image d’homme fort qu’il a su forger dans la conscience des Maliens.
Des forts discours, des déclarations à l’emporte-pièce alimentaient cette image, en 2007 l’homme était le seul politique malien à pourfendre «l’Accord d’Alger I», signé avec la rébellion de 2006. Il affronte ATT en 2007 et y laisse ses plumes, IBK incarne désormais l’opposition. Il n’a raté aucune occasion de liquider ATT et sa gestion.
Ce combat a sonné le glas de sa seconde traversée du désert, sans poste, sans ressources, IBK ne survit que grâce à sa réputation d’homme à poigne.
Elle l’aidera tôt ou tard, et IBK le savait. Comme le disait un éminent politologue surnommé le Machiavel moderne: «La réputation est la pierre angulaire du pouvoir. À elle seule, elle peut vous permettre d’impressionner et de gagner».

La première renaissance :
En 2011, le régime de ATT chancelle, IBK en bête politique, tel un léopard qui guette sa proie, est aux aguets, sans états d’âme, il sait bien que seul le chaos lui permettrait de sortir de l’ultime combat face aux courtisans du roi en faillite.
2012, une rébellion enflamme le pays et un coup d’État redistribue les cartes sur la scène politique. Du jour au lendemain, les donnés favoris de l’hypothétique élection de 2012 se trouvent mal en point. Ils pensaient tirer profit de la situation en condamnant le putsch. Dans l’ombre, IBK qui avait l’estime des mutins se démarque de ses anciens amis du mouvement démocratique. Il soutient en filigrane le coup de force qui lui serait bénéfique parce qu’il n’aurait eu aucune autre chance si les élections étaient organisées par ATT.
L’homme retranché et esseulé, il y a peu, revient par les circonstances et son opportunisme politique dans le centre du jeu. Il s’adjoint le soutien des religieux et des hommes d’affaires, en plus de sa réputation, il emporte haut la main les élections de 2013.
Dès le crépuscule de son règne, IBK n’a pas le temps de savourer sa victoire. Les anciens favoris d’ATT, les anciens de l’Adema, du FDR se coalisent, objectif: forcer la main à IBK.

La deuxième renaissance :
N’étant pas un homme à trimbaler, IBK tint tête et donne le ton avec comme devise: Ne jamais se montrer faible, même si on est face au mur. Durant cinq ans, il résiste, la situation du pays donnant avantage à ses détracteurs, mais il reste inflexible.
La pugnacité des opposants porte fruit: IBK est en mauvaise posture, mais pas vaincu. Dans l’ombre, il manœuvre sans rien montrer en public. Pour son ultime combat de l’arène, il fait appel à un condottiero, SBM, avec pour objectif: le 2ème mandat. Connaissant la nature pressée de l’homme politique malien, il joue la montre, il a le temps et l’argent, donc le pouvoir.
Plus il tient, plus ses adversaires deviennent nombreux et violents. Il est à un doigt d’un soulèvement de la rue. En homme futé, il fait sauter les fusibles et apaise la situation.
De bourreau, il se passe pour la victime en acceptant le dialogue proposé depuis par ses adversaires. Coup de maître: il sort la bonne vieille astuce de la guerre et de la politique : diviser les adversaires pour régner.
Aujourd’hui, IBK est derrière la tempête. Il s’est sorti de plusieurs matchs qui lui auraient été fatals et en bête politique, il poursuit son destin en s’acheminant vers son jubilé en 2023.
On peut l’aimer ou pas, mais son histoire politique est teintée de courage, de force, de stratégies et de coups…. Car un politique sous nos tropiques n’est pas forcément jugé sur son bilan, mais sur sa capacité d’avoir le pouvoir et le conserver.

M.A.A

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