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Modibo Mao Makalou : « Les sanctions de la CEDEAO pourraient fortement impacter le secteur bancaire malien »

Au lendemain de la prise du pouvoir par la junte de Kati, la Cédeao, le Docteur en économie, Modibo Mao MAKALOU, explique les conséquences économiques et financières que pourraient encourir le Mali. Lisez.

La Communauté  Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) qui a été créée le 28 mai 1975 par le Traité de Lagos regroupe quinze (15) Etats et a pour objectif de promouvoir la coopération économique et politique entre les Etats membres. Un des principes fondamentaux de la CEDEAO stipule la promotion et la consolidation d’un système démocratique de gouvernement dans chaque Etat membre tel que prévu par la Déclaration de Principes Politiques adoptée le 6 juillet 1991 à Abuja.

La CEDEAO a suspendu le Mali de tous ses organes de décision avec effet immédiat suite aux évènements ayant amené le Président Ibrahim Boubacar Keita à démissionner de toutes ses fonctions le mardi 18 août 2020. La décision de la CEDEAO inclut la fermeture de toutes les frontières terrestres et aériennes ainsi que de l’arrêt de tous les flux et transactions économiques, commerciales et financières à l’exception des denrées de première nécessité, des médicaments, du carburant, et de l’électricité  entre les autres pays membres de la CEDEAO et le Mali. De surcroit, elle invite tous les partenaires à faire de même, conformément aux articles 1 (e) et 45 (2) du Protocole additionnel sur la Démocratie et la Bonne Gouvernance, et les dispositions de la Charte Africaine sur la Démocratie, les Elections et la Gouvernance et ce jusqu’au rétablissement effectif de l’ordre constitutionnel.

Les mesures prises par la CEDEAO à l’encontre du Mali auront des impacts économiques, financiers et sociaux conséquents sur les populations déjà éprouvées par une crise multidimensionnelle (politico-sécuritaire, sociale, économique, alimentaire, et sanitaire) qui perdure depuis 2012 Selon la Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEA0), l’économie du Mali en 2018 a connu un ralentissement de la croissance du Produit Intérieur Brut (PIB) réel qui mesure la valeur de l’ensemble des biens et services dans un pays. Le taux de croissance du PIB est ressorti à 4,7% contre 5,3% en 2017 et 5,9% en 2016. Cette évolution est imputable aux secteurs tertiaire (4,8%) et secondaire (5,5%) qui affichaient respectivement 5,2% et 6,8% de croissance en 2017.

En examinant les comptes macroéconomiques du Mali en général et la balance des paiements (qui enregistre l’ensemble des transactions économiques avec l’extérieur) en particulier, il ressort clairement que le Mali est assez dépendant du commerce international et la balance des paiements est déficitaire chaque année depuis l’indépendance en 1960. De même, la balance commerciale est constamment déficitaire, les importations (achats provenant de l’extérieur) sont plus importantes que les exportations (ventes à l’extérieur).

Aussi, le taux de couverture d’un pays qui correspond au rapport entre ses exportations et ses importations est relativement faible. Il se calcule en divisant le montant de ses exportations par le montant de ses importations, le tout multiplié par 100. Au Mali le taux de couverture des importations par les exportations était en 2015 (85,1%), 2016 (83,0%), 2017 (80,5%) et 2018 (90,4%). Par ailleurs le degré d’ouverture commerciale qui est un indicateur de la mesure des échanges extérieurs d’un pays et qui indique la dépendance du pays vis-à-vis de l’extérieur est insuffisant. Sa formule de calcul est la suivante : [(Exportations + Importations) /2]/PIB) x 100 et il était évalué pour 2015 (22,6%), 2016 (22,2%), 2017 (21,2%) et 2018 (22,0%)

Selon la BCEAO, en 2018 trois (3) principaux produits dominent les exportations du Mali, à savoir l’or non monétaire (69,7%), le coton fibre (13,6%) et les animaux vivants (5,4%). Les exportations d’or non monétaire se sont accrues de 212.64 milliards FCFA (ou 18,1%) en 2018 en atteignant 1388 milliards FCFA. Les exportations de fibre de coton se sont, pour leur part, chiffrées à 271 milliards FCFA en 2018, en augmentation de 47 milliards FCFA ou 21,2% par rapport aux réalisations de l’année précédente. Les exportations d’animaux vivants sont ressorties à 108 milliards FCFA, pratiquement au même niveau que l’année 2017. Ces exportations de bétail sont constituées essentiellement de bovins et d’ovins à destination des pays côtiers de la sous-région. La Côte d’Ivoire et le Sénégal, principaux destinataires de ce produit, absorbent respectivement 25,5% et 41,2% des exportations d’animaux vivants.

Les exportations vers le continent africain se sont inscrites à 949 milliards FCFA en 2018 (47,6% du total), montant inférieur à celui de 2017 qui était de 1044 milliards FCFA (61,9%). Ces exportations, constituées pour une grande part d’or non monétaire vers l’Afrique du Sud, ont baissé de 9,1% en 2018. La part des pays de l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA) a progressé, avec une valeur de 281 milliards FCFA (14,1% des exportations totales) en 2018, après un montant de 189 milliards FCFA en 2017. Les principaux pays partenaires du Mali pour les exportations sont l’Afrique du Sud (32,4%), le Sénégal (6,3%), la Côte d’Ivoire (2,9%) et le Burkina Faso (2,5%). Tandis que les principaux pays partenaires pour les importations sont le Sénégal (18%), la Côte d’Ivoire (14%), le Bénin (3,3%) et l’Afrique du Sud (2,9%). Les importations d’origine communautaire ont porté essentiellement sur les produits pétroliers (20,3% des importations totales du Mali), les matériaux de construction (6,8%) et les produits alimentaires (4,4%).

Les sanctions économiques et financières c’est à dire l’ensemble des restrictions de circulations de biens, de personnes ou de transferts financiers pourraient concerner les mesures suivantes; 1) Gel des avoirs des différentes autorités et de leurs associés dans les pays membres de la CEDEAO ; 2) Fermeture au Mali de l’accès des ports des pays côtiers de la CEDEAO ; 3) Gel des comptes du Mali à la BCEAO ; 4) Non approvisionnement des comptes de l’Etat malien dans les Banques privées à partir de la BCEAO ; 5) Gel des concours financiers à partir de la Banque Ouest Africaines de Développement (BOAD) et de la Banque d’Investissement et de Développement de la CEDEAO BIDC).

De surcroît, la fermeture des trois agences de la BCEAO pourrait conduire à des fortes restrictions au système bancaire empêchant les Maliens de recevoir de l’argent de l’étranger, une manne importante pour les populations maliennes.

Modibo MAO MAKALOU, PHD en Economie

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