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Mme Diallo Aïda Koné, directrice générale du bureau malien du droit d’auteur (BUMDA) : “Payer la redevance, c’est permettre aux artistes de vivre dignement du fruit de leur créativité”

Depuis un certain temps, le Bureau malien du droit d’auteur mène une campagne d’information et de sensibilisation pour permettre aux utilisateurs d’œuvres littéraires et artistiques de payer leurs redevances des droits d’auteur.  Mme Diallo Aïda Koné, directrice générale du Bureau malien du droit d’auteur explique, dans cet entretien, de quoi il s’agit, réellement.

Aujourd’hui-Mali : C’est quoi les droits d’auteur et les droits voisins ?

Mme Diallo Aïda Koné : En définissant le droit d’auteur, je dirais tout simplement que c’est l’ensemble des prérogatives ou encore un ensemble davantage que l’Etat accorde à un auteur sur ses œuvres lesquelles se trouvent être le fruit de la création de l’auteur en question.

Les droits voisins se sont également des prérogatives qui sont accordées aux auxiliaires de la création. Ce sont des droits qui s’apparentent aux droits d’auteur, mais ces catégories de bénéficiaires jouent un rôle important dans la créativité, c’est pourquoi nous les avons taxés de voisins ou encore de droits connexes aux droits voisins. De façon simple, dans le domaine de la musique, je peux composer, mais n’ayant pas la voix nécessaire pour chanter, je peux faire appel à quelqu’un pour l’interpréter et une troisième personne pour financer le produit. Au finish, on fait appel à un organisme de radiodiffusion pour diffuser cette œuvre et quand elle fera l’objet d’utilisation, il y a des retombées économiques.

Je vais bénéficier des droits d’auteur en tant que compositrice, l’interprète va bénéficier des droits voisins et le producteur qui a risqué en mettant son argent dans l’album va bénéficier également des droits voisins. L’organisme de radiodiffusion bénéficie aussi des droits voisins, mais pas en termes financiers.

Qui doit payer la redevance du droit d’auteur et des droits voisins ?

Le droit d’auteur est payé par l’utilisateur. Quand vous utilisez l’œuvre dans un cadre public, même si ce n’est pas à but lucratif, mais du moment où vous utilisez un public et entendez par public même s’il n’y a personne. Par exemple, je sors de mon bureau, j’installe un baffle pour écouter de la musique. Cette musique n’est plus destinée à moi parce que si c’était le cas, j’allais l’écouter dans mon bureau, mon salon ou dans ma cour pour mon bien-être. Mais du moment où je quitte ce cadre privé pour m’installer dans un public, même s’il n’y a personne, je suis assujettie au payement des droits d’auteur.

Les utilisateurs d’œuvres littéraires, que ce soit les bars, les télévisions, les magnétophones, les boomers ou d’autres moyens qui servent à utiliser les œuvres littéraires, sont assujettis au paiement de la redevance des droits d’auteur. Les salons de coiffure, les compagnies de transports routier, ferroviaire, fluviale et aérien sont tous soumis au paiement de la redevance des droits d’auteur. Les organismes de radiodiffusion, tous ceux qui utilisent les œuvres dans les grands magasins ou que ça soit les sociétés de téléphonie, tous doivent payer la redevance des droits d’auteur. Mais dans ce cas, la redevance sera proportionnelle si les œuvres constituent l’activité principale de votre domaine d’intervention ou les œuvres constituent de façon accessoire ce que vous menez comme activité.

Vous avez combien de sortes de paiement ?

Nous avons deux sortes de payement soit à la proportionnelle, soit au forfaitaire. On parle de proportionnelle quand les œuvres constituent la majeure partie de votre activité, par exemple un organisme qui utilise les œuvres de façon massive comme les agences évènementielles pour les concerts, ceux-ci payent au pourcentage, c’est-à-dire 8% de leurs recettes. Le forfait s’applique si ce n’est pas la proportionnelle.

Un délai est-il fixé pour se mettre à jour ?

La redevance est annuelle ou de façon consensuelle, elle peut être mensuelle. Nous ne portons pas de préjudice aux utilisateurs des œuvres littéraires et artistiques. Les sociétés de téléphonie payent annuellement, les bars, les restaurants payent mensuellement pour leur permettre de pourvoir suivre le rythme.

En cette ère de la numérisation, parle-t-on toujours de piraterie ?

On parle toujours de piraterie, mais elle a changé de forme. Autant les hommes évoluent, autant leur manière d’être évolue. De la piraterie classique, il était question de mettre les cassettes dans les poussepousses et les gens procédaient au repiquage. Après on a vu que les gens se servaient des copies des CD pour aller dupliquer de façon illégale dans certains pays tels que la Guinée-Conakry, la Sierra Leone et à Dubaï, pour revenir les vendre de façon illicite. Il y a eu la période de multiplication des jaquettes de l’artiste et les coller à des repiquages locaux.

A l’ère du numérique, on se rend compte que les formes de piraterie ont évolué et aujourd’hui, le piratage se fait de façon moderne parce que si on ne prend garde, on peut dire que c’est légalisé, alors que ce n’est que de la piraterie.

La piraterie ce n’est que du vol, donc les plateformes qui utilisent aujourd’hui les œuvres artistiques et littéraires sans l’autorisation du Bureau malien du droit d’auteur et de l’artiste lui-même ne sont ni plus ni moins que des pirates. En plus de cela, il y a des matériels qu’on utilise aujourd’hui sur lesquels on peut reproduire les œuvres de façon massive qui est légale, mais cette forme de copie peut porter beaucoup préjudice aux artistes si on ne fait pas attention.

Raison pour laquelle la loi 2017 a prévu une rémunération pour copie-privée. Quand vous avez un téléphone portable, vous avez le droit de reproduire les œuvres sur votre téléphone, mais à un moment donné, quand on pousse la réflexion, on va se rendre compte que si chacun se mettait à reproduire de façon massive ces œuvres, difficilement l’artiste va pouvoir vivre du fruit de sa créativité. Raison pour laquelle nous avons institué une rémunération pour copie-privée qui va permettre de compenser le préjudice subi par la reproduction massive de ces œuvres. Si jamais aujourd’hui on arrive à aller à la mise en œuvre opérationnelle de la copie-privée, cela va être une source de réduction du piratage moderne.

Vous avez tenu la 43ème session ordinaire de votre Conseil d’administration le mardi 28 juin 2022, que peut-on en retenir ?

A l’ordre du jour, il y a des points qui étaient inscrits, à savoir l’examen et l’adoption du compte-rendu des activités de la 42ème session ordinaire ; les états de répartition car les sociétés de téléphonie ont payé les redevances de l’année 2021 et ces droits ont été répartis en 2022. Il y avait également l’examen et l’adoption du rapport d’activités à mi-parcours pour pouvoir examiner ces états de répartition et en même tant examiner les activités menées au cours du premier semestre. Il était question aussi de soumettre un schéma de répartition lequel consiste à fixer le montant qui doit revenir à chaque catégorie. Quitus nous a été donné d’aller au payement et quitus nous a été donné également de poursuivre les activités de recouvrement parce que lors de la 42ème session du Bureau malien du droit d’auteur, il est question d’examiner certaines recommandations parmi lesquelles il était question d’élaborer un projet de décret pour la mise en œuvre de la rémunération pour copie-privée qui est aujourd’hui une actualité en ce qui concerne les droits d’auteur. Il est également question d’aller à  l’opérationnalisation des droits voisins qui sont prévus dans la loi 2017/012 du 1er juin 2017 fixant régime de la propriété littéraire et artistique.

Nous avons commencé le travail, c’était un Conseil d’administration à mi-parcours qui devait examiner tout ce qui a été fait pendant le premier semestre et des recommandations nous ont été données de poursuivre les activités dans la logique de ce qui a été fait pendant la 42ème session ordinaire.

Vous êtes en campagne d’information et de sensibilisation pour le payement de la redevance des droits d’auteur, quel message à l’endroit des utilisateurs ?

Nous sommes dans un pays où le dialogue doit être de mise, c’est pourquoi depuis notre arrivée dans ce bureau, nous avons mis l’accent sur la sensibilisation et surtout l’information parce que, quelque part, on se rend compte que la matière droit d’auteur n’est pas très maîtrisée par le grand public et souvent même par les acteurs, ceux-là mêmes qui sont concernés. On s’est donné pour mission d’aller à l’information surtout à l’endroit des utilisateurs d’œuvres littéraires et artistiques parce que nous devons comprendre aujourd’hui que l’artiste doit pouvoir vivre du fruit de sa créativité.

Nous avons connu beaucoup de difficultés ces derniers temps. Je fais allusion à la crise multidimensionnelle de 2012 et la crise sanitaire de 2019. Malgré tout cela, tous les autres secteurs peuvent travailler et avoir leurs dus, aussi minimes soient-ils. Je fais allusion au fonctionnaire qui va tous les jours au bureau et à la fin du mois il a un salaire, mais chez l’artiste, tel n’est pas le cas. Je me suis dit que c’est le moment, plus que jamais, d’accroitre la communication à l’égard des utilisateurs afin que tout le monde puisse s’acquitter des droits d’auteur et des droits voisins.

On s’est encore rendu compte qu’au moment du confinement, les œuvres ont beaucoup servi. Les gens étaient confinés dans les familles et se sont les œuvres littéraires et artistiques qui servaient de compagnie pour pouvoir permettre aux gens de vivre tranquillement et de ne pas sentir le confinement. Alors, ces gens qui sont à la base de cette créativité méritent qu’on leur jette un regard rétrospectif en s’acquittant de nos redevances des droits d’auteur.

C’est la raison pour laquelle nous avons organisé une conférence de presse, le jeudi 16 juin 2022, pour informer et sensibiliser une fois de plus les retardataires et ceux qui n’ont pas encore commencé à payer depuis 2017 pour qu’ils viennent s’acquitter de leurs redevances de droits d’auteur.

Passé ce moment-ci, les dossiers seront transmis à l’avocat car la sensibilisation a ses limites et la loi a prévu des sanctions. Pour permettre aux artistes de pouvoir vivre dignement du fruit de leur créativité, nous devons nous acquitter de nos redevances.

Réalisé par Marie DEMBELE

Source: Aujourd’hui-Mali

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