Le Canada a finalement décidé de contribuer à la mission onusienne de stabilisation du Mali. Une force opérationnelle héliportée sera déployée, on espère d’ici la fin de l’été, pour offrir transport, appui logistique, escorte et protection aux troupes sur le terrain. Mais ce ne sera que pour 12 mois. Le Canada apporte-t-il vraiment sa juste contribution ?
En 2011, le régime du général Mouammar Khadafi est renversé avec le soutien militaire aérien des pays occidentaux, dont le Canada. Voisin de la Libye, le Mali est directement affecté par l’instabilité qui s’ensuit. Le mouvement indépendantiste touareg profite de la situation pour se soulever dans le nord du pays. Des extrémistes islamistes liés à al-Qaïda entrent violemment dans la danse. Le pays est déchiré et un coup d’État militaire entraîne la chute du président démocratiquement élu.
Les avancées des extrémistes islamistes poussent le gouvernement malien à demander l’aide de la communauté internationale, qui répondra par la création d’une première mission internationale sous contrôle africain en janvier 2013, que la France secondera vigoureusement. Le Canada, lui, n’offrira qu’un bref soutien pendant trois mois avec un avion de transport tactique et une équipe de 40 militaires.
La situation s’envenime cependant (bien qu’une médiation du Burkina Faso permette le retour de la démocratie en juillet 2013). Les Nations unies mettent sur pied la MINUSMA (Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali) dès avril 2013.
À l’arrivée au pouvoir de Justin Trudeau, bien des alliés souhaitaient voir le Canada se joindre aux 57 pays de la MINUSMA. Après tout, il avait promis de faire plus en matière de missions de maintien de la paix et de mettre à leur disposition, « au cas par cas, des moyens spécialisés » capables d’avoir un impact. (En date du 31 décembre 2017, seulement 43 officiers, experts et policiers canadiens participaient à des missions onusiennes.)
À l’été 2016, le premier ministre Trudeau annonce que le Canada contribuera 600 militaires, 150 policiers et 450 millions de dollars pendant trois ans. Des pressions sont exercées pour qu’il déploie ces ressources au Mali. Les Nations unies, elles, veulent qu’un général canadien francophone prenne la direction de la mission. Sans succès. L’impatience grandit.
En novembre dernier, lors de la conférence de Vancouver sur le maintien de la paix, le ministre de la Défense, Harjit Sajjan, n’arrange rien quand il précise la nature de la contribution canadienne, mais ne nomme pas les missions qui pourraient en bénéficier.
L’annonce de cette semaine était donc attendue, mais elle a un brin déçu. Le Canada, comme ses alliés occidentaux qui ont contribué à la chute de Khadafi, a le devoir de contribuer à freiner l’instabilité au Sahel. Cela le concerne tout autant que celle qui sévit en Irak et en Syrie. La réprobation des conservateurs au sujet de la mission malienne frôle d’ailleurs l’hypocrisie, eux qui n’ont jamais hésité à épauler la coalition dirigée par les Américains contre le groupe État islamique.
La MINUSMA compte plus de 13 000 militaires et policiers. Cette mission est l’une des plus meurtrières actuellement. On compte 162 morts parmi les Casques bleus depuis cinq ans et les trois quarts des victimes sont originaires de pays en développement. Leur manque d’équipement en matière de soutien aérien y est pour beaucoup, d’où l’importance d’en fournir.
Les ressources offertes par le Canada ne doivent pas être sous-estimées, mais elles ne comblent pas un vide puisque les 200 à 250 militaires canadiens remplaceront un contingent allemand encore plus important. Et ça ne sera que pour un an. L’annonce de lundi est trop modeste pour avoir un impact, comme prétend vouloir en avoir le gouvernement.
Cette annonce a aussi le défaut d’être avare de détails sur la mission elle-même et sur la logique qui la motive. À cet égard, les partis d’opposition ont raison de protester. N’eussent été les fuites dans les médias, on n’aurait pas su combien de militaires on envisage de déployer.
Comme le recommandait un comité sénatorial en 2016, le gouvernement canadien devrait imiter les Pays-Bas et fournir au Parlement « un énoncé justificatif » de sa décision, comprenant l’ampleur de la contribution et des coûts, la nature des objectifs poursuivis, les risques courus et ainsi de suite. Les parlementaires, les militaires et les Canadiens sont en droit de s’attendre à cette transparence.
Source: ledevoir