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Mise en accusation du Président de la République pour haute trahison: la voie sans issue pour la Plateforme

Arguant d’une Assemblée générale organisée, mardi 15 août, au siège de la CSTM, la Plateforme annonce le report au Samedi 19 Août, à 9h, avec le même itinéraire de ‘’sa marche citoyenne et populaire du 16 Août 2017 qui exigeait la mise en accusation devant la Haute Cour de Justice de Monsieur Ibrahim Boubacar Keita pour Haute Trahison’’. La Mouvance citoyenne qui ne partage pas cette option est écartée au profit désormais des politiques radicaux qui persistent et signent.

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Le président du Parena, Tiébilé Dramé, résume l’option jusqu’au-boutiste : « Nous avons en face un Président de la République qui n’a pas de respect pour son peuple. Nous avons un gouvernement irresponsable. On n’a pas besoin d’autorisation pour marcher, il faut simplement faire une déclaration. La lettre (Ndlr, interdisant la marche) du gouvernement est inacceptable. Il jette de l’huile sur le feu en refusant cette marche. Nous devons maintenir l’ultimatum parce que ça fait deux mois que nous marchons et manifestons. Il (Ndlr, IBK) a reçu tout le monde sauf ceux qui contestent le projet de révision constitutionnelle. Nous voulons obtenir le retrait. Pour quelle raison nous devons lever notre ultimatum ? Je propose qu’on mette notre marche à samedi. Qu’il veuille ou non, si rien n’est fait d’ici samedi, on marchera pour mettre en accusation le Président IBK ».
L’option envisagée est-elle fondée sur la légalité ou procède-t-elle d’une volonté séditieuse et d’une ambition putschiste ? En d’autres termes, la Plateforme est-elle outillée en droit et en légitimité pour mettre en accusation le Président de la République ? Quelles sont les chances de voir aboutir la saisine du Président de l’Assemblée nationale par un Mouvement politique hétéroclite, sans aucune existence légale (pas de récépissé) ?

Qu’on s’entende bien : le Président de la République comme tout citoyen n’est pas au-dessus de la loi (nul ne pouvant l’être dans une République). Donc sous ce postulat, comme tout citoyen, il peut bien faire l’objet de poursuites. Toutefois, c’est un principe aujourd’hui universellement partagé (en droit comme en politique) qu’un Président en exercice ne puisse faire l’objet de poursuites ; sauf dans le cas spécifique énoncé à l’article 95 de la Constitution du 25 février 1992. Et auquel cas, il est déféré devant la Haute cour de justice.

La Plateforme peut-elle juridiquement mettre en accusation le Président de la République pour haute trahison et le faire juger devant la Haute cour de Justice ?
La Haute Cour de Justice du Mali est une juridiction politique érigée au rang d’institution de la République par la Constitution du 25 février à travers ses articles 95 et 96. Elle a compétence pour juger le Président de la République et les ministres en cas d’infractions commises dans l’exercice de leurs missions (Crimes et délits).
Au regard de ses attributions, la Haute Cour de Justice du Mali n’est pas une juridiction ordinaire pouvant être saisie par n’importe quel citoyen ou mouvement de citoyens (pour déstabiliser ou ridiculiser des hautes autorités dont la stabilité est réputée d’ordre public). Sa saisine n’est ouverte qu’aux seuls représentants du Peuple, siégeant au sein de l’Assemblée nationale qui constituent les membres de cette Cour (au nombre de 18 députés).
Ce qui exclut la Plateforme du champ de la saisine de la Haute Cour de Justice du Mali. Aucune interprétation de l’article 95 de la Constitution ne permet de conclure ou même laisser penser qu’un citoyen ou un groupe de citoyens (la Plateforme ‘’An tè a banna’’) puisse porter plainte contre un Chef de l’État.
Voici ce que dit cet article textuellement : ‘’la Haute Cour de Justice est compétente pour juger le Président de la République et les Ministres mis en accusation devant elle par l’Assemblée nationale pour haute trahison ou à raison des faits qualifiés de crimes ou délits commis dans l’exercice de leurs fonctions ainsi que leurs complices en cas de complot contre la sûreté de l’État.
La mise en accusation est votée par scrutin public à la majorité des 2/3 des Députés composant l’Assemblée nationale.
La Haute Cour de justice est liée par la définition des crimes et délits par la détermination des peines résultant des lois pénales en vigueur à l’époque des faits compris dans la poursuite’’.

Comment la Plateforme entend-elle saisir le Président de l’Assemblée ?
Voici ce qu’annonce la Plateforme, à travers certains de ses principaux responsables :
Souleymane Koné, vice-président des Fare Anka Wuli ; «si le Président IBK ne s’adresse pas au peuple tout en retirant ce projet, nous ferons ce qu’il y a lieu de faire ». Et qu’est-ce qu’il y a lieu de faire ?
Tiébilé Dramé, président du Parena : « qu’il veuille ou non, si rien n’est fait d’ici samedi, on marchera pour mettre en accusation le Président IBK ».
Sans théâtralisation aucune, en fermant un peu les yeux, on voit des cow-boys survoltés, munis de leurs colts, avec cartouchières en bandoulières, aller braquer le Président du Parlement, tenir en respect les députes pour les obliger à mettre en accusation le Président de la République. N’importe quoi !
La République a ses règles et ses procédures. Quand on ne se veut pas être putschiste, on n’a pas besoin de marcher pour aller saisir le Président de l’Assemblee d’une prétention que celui-ci soumettra légalement au bureau de l’Assemblée nationale, conformément au règlement intérieur.
Pour des anciens députés, anciens ministres, anciens ceci et cela et qui ont la prétention de diriger un jour cette République ce n’est pas très rassurant, très réconfortant pour notre démocratie… Quand on regarde dans le rétroviseur avec une pensée pieuse pour les martyrs.
Cela dénote de tout le respect que certains responsables de la Plateforme ont pour la République. Mais la loi est la loi. Ou on la respecte, ou on l’ignore. Apparemment la Plateforme radicale a choisi de passer outre.

Comment la Haute Cour de Justice est saisie dans notre pays ?
En matière de saisine de la Haute Cour de Justice, c’est la loi n° 97-001/du 13 janvier 1997 fixant la Composition et les règles de fonctionnement de la Haute Cour de Justice qui règlemente la procédure suivie devant elle.
Cette loi discutée et votée, on se rappelle, par l’Assemblée Nationale en sa séance du 16 décembre 1996 au chapitre 1er (de saisine et de la mise en accusation) de son second titre intitulé ‘’de la procédure’’ (articles 14 et suivants) prévoit une saisine par paliers :
– ‘’l’Assemblée Nationale en est saisie par son Président’’ (article 14 in fine).
– La mise en accusation est votée sous forme de résolution par l’Assemblée Nationale, conformément aux dispositions de l’article 95 de la Constitution (article 16).
– ‘’La mise en accusation est votée par scrutin public à la majorité des 2/3 des Députés composant l’assemblée Nationale’’ (Article 95 de la Constitution).
– ‘’Le dossier de l’affaire, accompagné de la résolution de mise en accusation est transmis par le Président de l’Assemblée Nationale au Procureur Général près la Cour Suprême qui en accuse réception.
L’avis de cette transmission est donné au président de la Haute Cour de Justice’’ (Article 17).

Quelle est la procédure en matière de haute trahison ?
Comme on le voit, la procédure de saisine et de décision de la Haute Cour obéit à des règles particulièrement strictes et exigeantes. En effet, selon l’article 15 de cette loi, lorsque le Président de la République est susceptible d’être inculpé en raison des faits qualifiés de haute trahison, l’Assemblée nationale en est saisie par son Président. La mise en accusation est votée sous forme de résolution par l’Assemblée nationale conformément aux dispositions de l’article 95 de la Constitution. La résolution doit recueillir la majorité des deux tiers pour ordonner l’inculpation qui ouvre la procédure judiciaire proprement dite.
Selon l’article 17 de la loi n° 97-001/du 13 janvier 1997 fixant la Composition et les règles de fonctionnement de la Haute Cour de Justice : ‘’la résolution de mise en accusation devant la Haute Cour de Justice contient l’identité de l’accusé, l’énoncé sommaire des faits qui lui sont reprochés et l’énumération des dispositions légales en vertu desquelles sont exercées les poursuites.
Le dossier de l’affaire, accompagné de la résolution de mise en accusation est transmis par le Président de l’Assemblée Nationale au Procureur Général près la Cour Suprême qui en accuse réception.
L’avis de cette transmission est donné au Président de la Haute Cour de Justice’’.
Disposant d’une confortable majorité, on voit mal comment la Plateforme ‘’An tè a bana’’ pourrait réussir son coup d’éclat. Sinon la loi référendaire du 3 juin n’aurait pas passé comme une lettre à la poste ! À moins qu’il ne s’agisse d’une diversion pour gagner du temps en détournant l’attention avec l’objectif, in fine, d’empêcher la tenue du référendum synonyme pour les adversaires du Président IBK de mort électorale subite avant même la présidentielle de 2018.
Parce qu’il faut se demander comment pourront-ils se relever d’une cinglante défaite référendaire à un an de la présidentielle ?

Pourquoi seul le Président de l’Assemblée nationale doit saisir la Haute Cour de Justice ?
Toute requête visant le Chef de l’État pour haute trahison devant la Haute Cour de justice n’a pour finalité que sa destitution.
Clé de voûte des institutions, le Président de la République est à l’abri de l’agitation politique, du verbiage politicien.
Au-dessus de la mêlée politique, le Président de la République ne peut donc, en aucun cas, être assigné pour n’importe quel motif (il a refusé de céder à nos exigences) et par n’importe groupe de citoyens (on se met d’accord pour le renverser, après on verra).
En dehors du cas prévu à l’article 95 de la Constitution, le Président de la République n’est pas judiciairement responsable des actes accomplis dans l’exercice de ses fonctions. Il ne peut, durant son mandat, être requis de témoigner ni faire l’objet d’une quelconque action devant aucune juridiction nationale. La loi est dure, mais c’est la loi.

La forme de mise en accusation choisie par la Plateforme est-elle la bonne ?
Si les carottes sont cuites pour la Mouvance radicale de la Plateforme, en tout cas, légalement et légitimement, elle n’a aucune chance de mettre en accusation le Président IBK, non seulement en raison de la forte majorité dont il dispose au Parlement, mais aussi en raison même de l’inviolabilité liée à la charge présidentielle.
En effet, on peut dire à la suite des constitutionnalistes : ‘’le Président de la République bénéficie d’une inviolabilité temporaire jusqu’à la fin de son mandat, justifiée par la protection de celui-ci. Il n’est protégé par aucun privilège de juridiction, mais par une inviolabilité liée à sa fonction qui entraîne la suspension des poursuites (et de la prescription jusqu’à la fin du mandat)’’ (in Hugues PORTELLI, Droit Constitutionnel, P.200).

Donc ils ne peuvent pas mettre en accusation le Président IBK ?
Le principe d’immunité du Chef de l’État, pour les actes accomplis, en cette qualité et de son inviolabilité, durant son mandat est réaffirmé par toutes les bonnes pratiques constitutionnelles.
Tous les constitutionnalistes sérieux s’accordent à dire qu’en cours de mandat, seuls des «manquements à ses devoirs» incompatibles avec l’exercice de sa fonction pourront être poursuivis, selon une procédure spécifique.
Pour des actes commis avant la prise de ses fonctions ou pour ceux qui sont sans rapport avec l’exercice de ses fonctions, en France, le Président de la République jouit d’une immunité temporaire durant l’exercice de son mandat, les procédures pouvant être engagées ou reprises un mois après l’expiration de ce mandat.

Que retenir ?
Le Président IBK a-t-il manqué à ses devoirs en agissant conformément à la Constitution pour initier et mettre en œuvre son projet ? Est-ce désormais érigé au rang de haute trahison le fait de ne pas céder aux exigences, diktats, oukases de ceux qui prétendent lui lancer un ultimatum pour renoncer au référendum au moment où l’intérêt de la nation et les attentes de la population pour la paix le pressent d’y aller ?
Égarement ? En tout cas il s’agit là d’une stratégie sans issue républicaine.
En vérité, ce n’est pas le retrait du projet de révision constitutionnelle qui satisfera et apaisera ceux qui prônent la mise en accusation pour haute trahison du Président IBK. Ils ne se satisferont et ne s’arrêteront que lorsque le Président IBK leur dira : oui, vous avez gagné, je renonce à mon mandat et je prends l’engagement de ne pas briguer les suffrages des Maliens pour ne pas contrarier vos ambitions.
On comprend pourquoi après l’agitation de la rue, on brandit la destitution comme épouvantail pour amener le locataire de Koulouba à céder : « si le président de la République ne se sent pas menacé, il ne va pas retirer le projet » !
Pour ceux qui préconisent et optent pour le chantage, l’ultimatum et l’épreuve de force, parce que croient-ils que c’est au prix de la violence, des émeutes, de la sédition qu’ils le feront reculer, voici la réponse du Président IBK : ‘’le Président KEÏTA a dit, urbi et orbi, qu’il ferait tout, pour l’honneur du Mali, de faire en sorte, d’appliquer ce que le Mali a signé, de respecter l’engagement du Mali (…).
Mais, on va essayer, par des malices, par de biais divers de mettre en cause cet Accord-là. Et l’une de ces malices consiste à se soulever, à faire un tollé contre le référendum, le projet de loi référendaire (…).
Mais, in fine, non ! Non seulement ils ne sont pas d’accord, ‘’mais le Président KEÏTA serait mieux inspiré de retirer ce document-là du circuit’’. Si je le fais, je trahirai mon pays et la signature de mon pays ! Je ne le ferai pas ! (…).
On joue sur … l’article 118 de la Constitution… Quelle est la puissance étrangère qui occupe le Mali ? Il n’y en a pas !
(…) La démocratie n’est pas en cause. Elle a été respectée, totalement respectée. On n’a aucun complexe par rapport à ça. Ce dont il s’agit, ce n’est pas cela. C’est simplement que l’on veut pousser le Président KEÏTA à la faute, en essayant de l’effrayer. Je ne suis pas du genre qu’on effraie.
Ainsi, aller tranquillement, allègrement jusqu’au bout qu’il n’y a pas d’élection et qu’on nous dise en 2018 : mais on ne peut pas faire d’élections au Mali. Une élection présidentielle est impossible dans le contexte d’occupation du pays (…). Allons dans une Transition. Laquelle transition permettra à ceux qui ont perdu les suffrages de se faire une place au soleil. Non ! Le peuple malien a évolué ; a grandi. Il sait, il est conscient. Il sait l’enjeu. C’est de cela qu’il s’agit. Et cela ne sera pas. Notre peuple est vigilant’’.

Par Bertin DAKOUO

 

Source: info-matin

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