Exemptes de tout contrôle, les sociétés minières continuent de piller et de brader l’or du Mali. Au grand dam de l’Etat malien clochardisé. Ou presque.
Mise en exploitation début 1996, la mine d’or de Sadiola génère des centaines de milliards CFA par an ; mais l’Etat malien, lui, n’y voit que du feu. Exploitée par la SEMOS-SA, la mine d’or de Sadiola est une mine à ciel ouvert. Son exploitation a débuté en 1996. Son capital est estimé à 10,9 milliards CFA. Ses actionnaires sont au nombre de trois : Anglogold Ashanti avec 41% des actions ; la compagnie canadienne international african gold corporation (IAMGOLD) à hauteur de 41% et l’Etat malien avec 18% des actions.Signée le 5 avril 1990, la convention d’établissement porte sur une superficie de 302,6 km2. Et le permis d’exploitation y afférent a été accordé par décret n°94-440/PM-RM du 22 décembre 1994. La commune rurale de Sadiola, abritant la SEMOS-SA, est située dans la région de Kayes, considérée comme l’une des principales zones productrices d’or au Mali. De 1996 à fin 2014, la mine a produit, au total, 216,7 tonnes d’or raffiné. Mais l’économie nationale, régionale et locale n’ont bénéficié, en 18 ans d’exploitation de la mine, que de 567,1 milliards CFA. Du moins, si l’on croit le rapport du Vérificateur général. Un montant en deçà des attentes.
Des centaines de milliards CFA sur un compte offshore
C’est pour voir clair dans cette gestion, réputée opaque, qu’une équipe du Vérificateur général s’est rendue sur place. Son constat donne le vertige.
« Le directeur général de la SEMOS-SA n’a pas fait transiter par la Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) des montants en devises issus de la vente d’or. La SEMOS-SA a réalisé une vente d’or totale de 1603,2 milliards CFA, de 2005 à 2014, dont le montant en devises a été directement versé sur un compte offshore, sur lequel 517,2 milliards CFA, soit 32%, n’ont pas transité par le Mali, à travers la BCEAO, comme l’exige sa convention d’établissement », indique le rapport du Vérificateur général.
En d’autres termes, sur une recette totale de 1603,2 milliards CFA réalisée par la SEMOS-SA, 517,2 milliards CFA ont été versés, directement et à l’insu des autorités maliennes, par la direction générale de la SEMOS-SA. Une pratique qui, selon le rapport du Vérificateur général, viole la convention d’établissement, liant l’Etat malien à cette société. Mais comme on pouvait s’y attendre, l’Etat malien n’a ni protesté, ni réclamé le retour des 517,2 milliards CFA dans les comptes de la BCEAO.
Pire, ajoute le rapport, le conseil d’administration de la SEMOS-SA a, illégalement, contracté des emprunts : « La SEMOS-SA a contracté deux emprunts, dans le cadre d’un projet d’environ 39,4 milliards CFA, sans consulter le gouvernement malien, comme l’exige le code minier. En outre, les intérêts sur les dépassements du montant du capital social, à hauteur de 1,45 milliard CFA, ne devraient pas être mis en charges immobilières de la société », précise le rapport du Vérificateur général.
Violation flagrante de la convention d’établissement
Comme l’Etat ne proteste pas, la SEMOS-SA rebelote en 2012, en contractant deux autres emprunts de 20,7 milliards CFA, auprès de deux actionnaires de la société. Sans requérir, au préalable, ni l’autorisation du gouvernement malien, ni celle de son conseil d’administration. Conséquence, selon le rapport du Vérificateur général : « Ces deux emprunts remboursés, en 2014, avec un intérêt de 1,2 milliard CFA ont ainsi diminué le résultat d’exploitation de la SEMOS-SA ». La SEMOS-SA pousse le toupet jusqu’à priver l’Etat malien de ses contributions pour prestations de services.« Le directeur général de la SEMOS-SA n’a pas payé à l’Etat toutes les contributions pour prestations de services rendus (CPS). http://bamada.net Il n’a pas payé la CPS des mois d’août et de septembre 2013 et des mois de juin, juillet et septembre 2014. Le montant total de la CPS non payée est de 706,5 millions CFA ».
Plus grave encore, le directeur de la SEMOS-SA n’a pas appliqué la base légale de calcul de la patente. A en croire ce rapport, de 2005 à 2013, il n’a pas intégré dans sa base de calcul le montant de certains éléments de la rubrique « construction temporaire » liés à la production. Le montant de la patente correspondante due est de 28,2 millions CFA.
Au détournement impuni des ressources issues de la vente d’or s’ajoute un autre, encore plus grave : la destruction de la flore et de la faune.L’unité de production de la SEMOS-SA dispose d’une vingtaine de groupes électrogènes, qui fonctionnent sans arrêt. Ils dégagent, selon les enquêteurs du Vérificateur général, d’énormes quantités de fumée dans l’atmosphère à travers des cheminées, qui ne surplombent pas les toits de l’usine de production d’or situés juste à côté.
Et le rapport de déplorer : « le non-respect des dispositions règlementaires peut engendrer des problèmes de santé publique et impacter, négativement, l’environnement ».
Aussi, la SEMOS-SA ne dispose ni d’infrastructures, ni de programmes d’enregistrement et de surveillance des rejets polluants dans l’atmosphère, au niveau de son unité de production. La fumée dégagée par ses installations industrielles n’est soumise à aucun contrôle.
Et comme si tout cela ne suffisait pas, ses deux stations d’épuration d’eaux usées présentent des insuffisances dans leur fonctionnement.
Oumar Babi
Canarddechaine