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Migration : la Mauritanie “viole” ses conventions avec le Sénégal et le Mali, selon l’AMDH

3 décembre 2014 par Mohamed Diop, Hadj Amadou Mbow

association mauritanienne droits homme logo

L’Association Mauritanienne des Droits de l’Homme (AMDH) dénonce des « rafles » visant les migrants clandestins en Mauritanie. Dans un entretien avec Le Courrier du Sahara, son secrétaire général, Hadj Amadou Mbow, évoque des « refoulements » qui vont à l’encontre des conventions signées par la Mauritanie.

L’AMDH sonne l’alarme. Les refoulements de migrants, en nette augmentation ces dernières semaines en Mauritanie, ne sont le plus souvent pas justifiés sur le plan légal, ce qui prive les migrants de voie de recours, estime l’ONG. Selon l’AMDH, des migrants entrés légalement en Mauritanie, où ils ont vécu parfois jusqu’à trente ans, ont été récemment refoulés. L’ONG dénonce également des cas de reconduites à la frontière pour des étrangers de passage, dispensés de la carte de séjour. Dans la capitale Nouakchott, un climat de peur s’est progressivement instillé dans les communautés migrantes.

« Je n’ose plus sortir le soir pour aller chez la voisine », témoigne au Courrier du Sahara une ressortissante malienne qui s’inquiète de la recrudescence des rafles de clandestins. « On ne voit presque plus de clients après 19 heures. Ils fuient la police qui vient jusque dans notre restaurant pour les arrêter », déplore une restauratrice sénégalaise de Nouakchott. Ces témoignages ont été recueillis lors de la 3e édition de MIGRANT’SCENE, un événement organisé par l’AMDH, en collaboration avec les communautés migrantes de Mauritanie. Le secrétaire général de l’AMDH, Hadj Amadou Mbow, répond aux questions du Courrier du Sahara.

Monsieur Mbow, peut-on quantifier le nombre de refoulements effectués ces dernières semaines ?

C’est très difficile à dire puisque ce ne sont pas des informations qui sont dévoilées au public. Mais de nombreux cas nous ont été rapportés. Nous les avons soumis à notre chef d’antenne à Rosso (ndlr : frontière sud) qui a certifié que les refoulements avaient repris. Ces refoulements concernent les ressortissants étrangers qui ne détiennent pas de carte de séjour. Ils sont arrêtés et reconduits à la frontière.

Dans quelles conditions ces refoulements sont-ils menés ?

Ces refoulements sont menés dans des conditions assez obscures et de façon spontanée. Rien n’est dit officiellement pour aider les personnes concernées à se préparer ou pour leur donner la possibilité de se mettre en règle. C’est pourtant une formalité à laquelle on ne peut pas déroger. Il faut informer les personnes concernés et leur donner une date butoir avant de procéder au refoulement. alt

Lors de cette journée dédiée aux migrants, vous avez qualifié ces refoulements de « non administratifs ». Que voulez-vous dire par là ?

Toutes les personnes qui ont été refoulées à Rosso ne détiennent pas de papiers administratifs pour justifier leur expulsion. Ce sont des gens que les autorités interpellent à la sortie du travail ou dans des lieux publics, comme les restaurants. Ces arrestations ont souvent lieu entre 19 heures et 20 heures. Les migrants sont conduits au commissariat puis refoulés. Du point du administratif, rien ne justifie leur reconduite à la frontière.

Vous accusez l’Etat mauritanien de violer les droits des migrants et les règles internationales en vigueur. Pour quelle raison ?

Prenez le cas du centre de rétention pour migrants de Nouadhibou (ndlr : créé en 2006 grâce au soutien de l’Espagne). Ce centre était illégal, sa création n’a jamais été actée juridiquement. C’était une catastrophe ! Il a été heureusement fermé, mais après la visite de quelques eurodéputés. En 2012, lors de précédents refoulements massifs, des cartes de réfugiés ont été retrouvées sur des migrants refoulés au Mali. Ces violations des droits humains avaient déjà lieu à l’époque, en totale contradiction avec la convention 1951 sur les réfugiés que la Mauritanie a pourtant ratifiée. La Mauritanie viole également les conventions bilatérales signées avec le Sénégal ou avec le Mali. Ces textes précisent que les ressortissants des deux pays peuvent s’établir légalement en Mauritanie. Les nouvelles opérations d’enregistrement sont récentes et l’accès à la carte de séjour pose encore problème. La Mauritanie doit respecter les textes qui l’engagent.

Ne pensez-vous pas que la Mauritanie est dans son droit lorsqu’elle décide d’expulser un étranger entré illégalement sur son territoire ?

Oui, lorsque les personnes entrées illégalement sur le territoire mauritanien sont expulsées au niveau de la frontière. Le problème, c’est que des migrants sont arrêtés à Nouakchott, à plusieurs centaines de kilomètres de la frontière. Dans certains cas, ce sont des personnes entrées légalement en Mauritanie mais qui, peut-être, n’ont pas encore établi de carte de séjour ou sont dispensées de la carte parce qu’elles sont venues faire quelques jours dans le pays. Dans tous les cas d’expulsion, il faut un acte administratif. Il faut laisser au migrant une possibilité de recours. Sans acte administratif, il est dans l’impossibilité de faire entendre sa voix.

Nous avons entendu des témoignages de migrants qui disent détenir leur carte de séjour mais être empêchés de travailler en Mauritanie. Confirmez-vous cela ?

Oui, abosulment ! Et c’est notre plus grande inquiétude ! La Mauritanie est dans son droit lorsqu’elle exige une carte de séjour. C’est la réglementation qui le dicte. Mais cette carte doit en même temps ouvrir d’autres droits pour ceux qui l’ont obtenue, comme l’accès à la santé, à l’éducation ou à l’emploi. Mais d’après les informations que nous avons recueillies des migrants, cette carte ne sert pratiquement à rien. Comment peut-on vivre en Mauritanie si l’on n’a pas accès à l’emploi !

Propos recueillis par Mohamed Diop

Source : lecourrierdusahara.com

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