Neuf jours à la dérive en Méditerranée centrale sans aucune aide. Quatre-vingt-trois migrants ont dû attendre de longs jours en détresse avant de voir arriver une assistance.
Ce retard dans le sauvetage a provoqué la mort de 22 personnes originaires du Mali, dont trois enfants, a indiqué sur Twitter Safa Msheli, l’une des porte-parole de l’Organisation internationale des migrations (OIM).
Soixante-et-un exilés qui se trouvaient dans le même bateau ont survécu et ont été pris en charge par les garde-côtes libyens, vendredi 1er juillet. Certains étaient dans un état grave, souffrant de déshydratation et d’hypothermie. Trois ont été transférés à l’hôpital de Zaouia par le personnel de l’OIM présent au port. Les autres ont été envoyés dans des centres de détention libyens.
La plupart des rescapés sont maliens mais on compte aussi des Libériens, des Guinéens et des Sierra-Léonais.
Le canot avait quitté la ville de Zouara, ville de l’ouest libyen connue pour être un lieu de départ d’embarcations de migrants, le 22 juin.
“Ces morts pourraient être évités”
Flavio di Giacomo, porte-parole de l’OIM pour la Méditerranée, a estimé sur Twitter que “ces morts pourraient être évités”. Pour lui, “l’insuffisance du système de recherche et de sauvetage en [mer] est de plus en plus évidente”.
La zone de recherche et de sauvetage (SAR zone) au large de la Libye est, depuis plusieurs années, confiée à la Libye. L’Union européenne a signé un accord en 2016 avec les autorités du pays pour financer et former les garde-côtes libyens. En cinq ans, plus de 32 millions d’euros ont été alloués aux forces libyennes dans le but d’empêcher les exilés de rejoindre les côtes européennes, selon l’ONG Oxfam.
Ce partenariat UE – Libye est largement critiqué par les organisations internationales, qui font état de violations des droits lors des interceptions de migrants en mer. Les garde-côtes libyens n’hésitent pas à faire usage de leurs armes pour stopper les embarcations et à menacer les navires de sauvetage qui sillonnent la zone. En février dernier, un migrant était mort et trois autres blessés après avoir été visés par des tirs des garde-côtes. L’embarcation dans laquelle ils se trouvaient tentaient d’échapper aux autorités libyennes, et au risque d’un renvoi dans les geôles du pays où les exilés sont victimes de maltraitance.
En début d’année, Berlin a annoncé cesser sa participation à la formation aux garde-côtes libyens, en raison du traitement infligé par ces derniers aux migrants dans le pays. “Le [nouveau] gouvernement allemand ne peut pas actuellement justifier la formation des garde-côtes libyens par les soldats allemands au vu du comportement inacceptable et répété d’individus membres des garde-côtes à l’égard des réfugiés et des migrants, et également à l’égard des organisations non-gouvernementales”, avait alors déclaré la porte-parole du ministère allemand des Affaires étrangères, Andrea Sasse.
Dans un rapport confidentiel que s’est procuré l’agence AP, l’UE a reconnu en janvier que les forces libyennes avaient eu recours à un “usage excessif de la force” envers les migrants et que certaines opérations en Méditerranée avaient été menées à l’encontre de la règlementation internationale. Sans pour autant interrompre leur aide financière et matérielle.
Depuis le début de l’année, au moins 777 personnes ont perdu la vie en Méditerranée centrale, en tentant de rejoindre l’Europe, d’après les chiffres de l’agence onusienne. L’an dernier, on comptait 1 553 décès dans cette zone maritime. Et depuis 2014, année du premier recensement de l’ONU, plus de 19 600 migrants sont morts lors de leur tentative de traversée.