Notre pays est à la croisée des chemins entre une médiation tricéphale qui se pointe à l’horizon : Burkina Faso, Alger, et Maroc. La question d’un interlocuteur crédible comme médiateur diverge les parties prenantes de la crise. Ce qui constitue un goulot d’étranglement dans la relance du processus de dialogue inclusif entre les groupes armées du nord et le pouvoir.
Après la tenue des élections Présidentielle et législatives dans notre pays, conformément à l’esprit de l’Accord préliminaire de Ouagadougou signé le 18 juin 2013, le point d’orgue qui devrait être à l’ordre du jour est la reprise des négociations pour le parachèvement du processus de paix. Car dans cet accord, il est stipulé qu’après soixante jours (60 jours) de la mise en place d’un pouvoir légitime, Bamako devrait prendre langue avec les groupes armées du nord. Jusque là, les lignes n’ont pas encore bougé comme ils se doivent. Et pourtant, la communauté internationale tient beaucoup à cœur la mise en application de ce second volet pour le retour définitif de la paix au Mali. Mais à ce sujet, le véritable point d’achoppement demeure la question de la médiation. Car, l’homme fort du Burkina Faso, médiateur désigné par la communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest dans la crise malienne, est aujourd’hui très controversé dans ce dossier. De par ses prises de positions, l’homme est tombé dans la disgrâce. Ce qui freine la relance des pourparlers de paix entre Bamako et les groupes armés du nord.
Pour preuve, en marge du sommet tenu à Dakar le 23 octobre dernier, le président de la République, Ibrahim Boubacar Keïta, et le médiateur ont eu des échanges peu diplomatiques sur ce dossier. Blaise Compaoré a soutenu l’existence de l’Etat fantomatique de l’Azaouad, ce qui n’est pas sa première. Ce qui a provoqué, la colère de l’homme. « Il n’ya pas Azaouad, il n’ya que le Mali », a répliqué IBK. Depuis lors, la confiance entre les deux personnalités a commencé à s’effriter. Quand un médiateur se fait l’avocat de la cause d’une partie, du coup, fait entorse ainsi à la bonne marche de la négociation future. Il faut le dire, la personnalité propre du médiateur à savoir sa valeur, son tact, son expérience, la confiance qu’il inspire aux parties ainsi que sa capacité d’exercer une influence ou encore une certaine pression politique sur elles sont des éléments essentiels à la médiation et à son succès.
Le rôle du médiateur, comme le précise la convention de la Haye de 1907, consiste à concilier les prétentions opposées et à apaiser des ressentiments qui peuvent être produits par des parties en conflit. Nonobstant ces gaffes, l’homme a joué un rôle considérable dans la crise malienne. C’est sous son égide qu’a été paraphé l’Accord préliminaire qui a permis la tenue des élections au Mali.
Alger sollicité par IBK comme interlocuteur et rejeté par les groupes armés.
La reprise des négociations entre les groupes armés et le pouvoir malien est au point mort depuis la mise en place d’un pouvoir légitime faute, semble t-il, d’un interlocuteur crédible. Les protagonistes sont profondément divisés sur la question. L’Etat malien est en passe de retirer sa confiance au médiateur désigné par la CEDEAO et jeter son dévolu sur la médiation algérienne. Et cela a été confirmé par le ministre des affaires étrangère Zahabi Ould Sidy Mohamed lors d’une conférence de presse tenue en marge du sommet des chefs d’Etat de l’union africaine à Adis Abebba (Ethiopie) le 31 janvier. Il a précisé à l’intention du médiateur de la Cedeao : «Tous ceux qui connaissent les dossiers savent que l’Algérie est incontournable dans ce dossier et on est médiateur quand on est sollicité », a t-il soutenu. Toute chose qui atteste à suffisance que les nouvelles autorités du Mali ne partagent pas la démarche du médiateur Blaise Compaoré. Ainsi, pour ne pas perdre la face, l’homme a fait dépêcher son ministre des affaires étrangères, Djibril Bassolé, pour rencontrer IBK de son retour à Alger. Mais le Mnla ne l’entend pas de cette oreille. Quant aux autres groupes armés- le Mouvement arabe de l’Azawad (MAA), le Haut conseil pour l’unité de l’Azawad (HCUA) et la Coordination des mouvements et forces patriotiques de résistance (CMFPR)- ils sont favorables à Alger et auraient signé même une plate forme dans le pays d’Abdel Aziz Bouteflika. Ainsi, le processus de reprise de dialogue se trouve dans l’impasse. Le Mnla opte pour une médiation du royaume chérifien ou le maintien du président du pays des hommes intègres. Pour être dans les bonnes grâces du roi Mohamed VI, une délégation du Mnla composée du chef du mouvement, Bilal Ag Chérif et son porte parole Moussa Ag Attaher &tait il y a peu au Maroc. L’on se souvient qu’en Avril 2002, le roi Mohamed VI a réussi une médiation là ou beaucoup de ses homologues ont échoué dans l’affaire du fleuve Mano opposant feu Lassana Conté de la Guinée Conakry et Charles Taylor du Liberia et qui a marqué l’histoire du 21ème siècle. En tout cas, il urge de clarifier le jeu pour qu’on puisse sortir de ce statut quo.
Boubacar SIDIBE
Source: Le Prétoire