Disons-le tout net, nous voulions consacrer presque l’intégralité de cet article à l’An II de la Rectification à travers les deux têtes de l’Exécutif. Pour ceux qui l’auraient oublié, Assimi a eu deux ans à la Présidence de la Transition le 24 mai 2021, après son deuxième coup d’État (nous n’avons pas dit second parce que comme tout le monde l’aura remarqué, la Transition est loin d’être le long fleuve tranquille auquel les Maliens auraient pu s’attendre).
Quant à Choguel, il a été mis à la Primature par Assimi le 7 juin 2021 (il a été nommé juste après la cérémonie d’investiture le même 7 juin). Donc chacun a bouclé ses deux ans. Nous voulions, comme nous l’avons écrit à l’entame, consacrer tout cet article à ces deux personnages, à ce qu’ils ont pu faire et à ceux qu’ils n’ont pas pu faire. Mais à la réflexion, ça n’en vaut pas la peine. Les deux, ensemble, se rejoignent souvent dans la difficulté des promesses non tenues. Mais des deux, quand l’un s’efforce de se faire discret, à jouer les taiseux, à raser presque les murs; l’autre par contre joue la star, disant, se dédisant et médisant sans aucune gêne peut-être sans même le souvenir de ce qu’il raconte et de ce qu’il se raconte à lui-même . Donc franchement, nous ne pouvons pas faire plus que ce qu’il n’en faut.
Pour ne pas être taxés de méchants, commençons par rappeler qu’il avait annoncé dans son discours d’investiture sa volonté d’affecter les 2/3 de ses fonds de souveraineté « aux œuvres socio-sanitaires notamment pour faciliter l’accès à l’eau potable et aux soins de santé primaires dans les zones difficiles de notre pays ». Cette déclaration qui tombait en plein dans les débats entretenus sur les réseaux sociaux sur les fonds de souveraineté, les fameuses caisses noires qui alimentaient beaucoup de fantasmes, a eu pour effet de déclencher un tonnerre d’applaudissements, des applaudissements nourris à faire vibrer les murs du CICB et même quelques youyous de joie. Si nos souvenirs sont bons, quelques uns ont presque obligé toute la salle à se lever pendant de longue minutes pour saluer la mesure annoncée en tapant des mains. Comme tous les Maliens, nous voyons effectivement des équipes de la Présidence courir dans tous les sens pour creuser des forages, distribuer des ambulances, etc. Nous profitons pour renouveler nos condoléances au Président Assimi ainsi qu’à la famille éplorée su disparu suite à la mort tragique de son Chef de cabinet qui conduisait une mission des « oeuvres sociales du Président ». Nous pouvons nous tromper, mais c’est la première fois que nous voyons un Président qui a des œuvres sociales en son nom. Ce qui semble sortir un peu de l’orthodoxie parce que les fonds à lui affectés ont beau constitué ses fonds de souveraineté mais ils sont la propriété de l’Etat. Les fonctions de Chef de l’Etat ne devraient pas lui permettre d’entretenir parallèlement et peut même en concurrence des œuvres sociales en son nom. Ce qui se fait et qui est dans la pratique, c’est le système de Fondation. Généralement ce sont les Premières dames qui s’en chargent et tout le monde sait que c’est au bénéfice exclusif sur le plan politique et social des époux. D’aucuns pensent que si le Président tient à ce que les œuvres soient associées à sa personne, c’est qu’il aurait des intentions pas encore avouées. En tout cas, ça fait tâche. Et l’autre aussi fait également la même chose. Comme le Président a ses œuvres sociales, il faudrait que lui aussi en dispose. Il s’agit du Premier ministre. Il est constamment attaqué sur les réseaux concernant ses fonds de souveraineté dont il parle peu alors que c’est un sujet qu’il connaît. Les mêmes remarques valent pour lui, surtout qu’il est Premier ministre, chargé de la coordination de l’action gouvernementale. Il devrait instruire aux ministres sectoriels de construire des forages et des centres de santé.
Le deuxième coup d’État a été vendu aux Maliens comme celui de la Rectification. En matière de propagande on trouverait difficilement mieux. Partout était la fureur C’est sur la base de cette Rectification que tout et son contraire ont été célébrés. Subitement la discours contre la France est devenu très tendu et très hostile. Entretenir le sentiment anti français était devenue une action gouvernementale sous la houlette du Premier ministre. Tout le mal que le Mali connaît à été mis sur le dos de la France rendue coupable de tous les péchés d’Israël au point de dire même que c’est elle qui alimente le terrorisme. Et même dans son bilan, le PM met en avant cette confrontation avec la France: l’expulsion de l’ambassadeur de France et du représentant de la CEDEAO, la fermeture de RFI et de France 24 (même si le PM passe son temps à les écouter et à les regarder), la fermeture de toutes les ONG bénéficiant d’un financement français, sans oublier l’historique discours tenu à l’ONU. Plus sérieusement, avec la Rectification, l’armée monte en puissance avec les achats de toutes sortes d’équipements (IBK aussi en avait acheté beaucoup avec à la clé, pas moins de 14 aéronefs). Mais il y a une question que l’ensemble des Maliens se posent : quelles sont les localités libérées avec la réinstallation de l’administration et le retour des populations chassées ? Ce n’est pas un casus belli que de poser la question. Surtout que nous savons que de nombreuses localités sont aujourd’hui sous le joug des terroristes et des djihadistes. Ils y font la loi, leur loi (la pluie et le beau temps ne seraient pas bien indiqués comme expression); l’autre jour seulement ils ont procédé à des amputations sur deux voleurs de bétail au Nord à Ikadewane lors de la foire hebdomadaire de cette localité située dans le cercle de Tidermene dans la région de Ménaka. C’est pendant la Rectification que nous avons vu les djihadistes s’enhardir au point de s’attaquer à la ville garnison de Kati, au point de s’attaquer aux forces spéciales, au point d’encercler complètement ou presque Bamako. Or, à l’intention de ceux qui se voudraient amnésiques, rappelons tout de même que l’insécurité fait partie des raisons sinon la raison du coup d’état de 2020. C’est vrai que les camps ne sont plus attaqués, même si le cas de Sévaré donne à réfléchir, l’insécurité est partout présente. C’est bien de rouler des mécaniques mais il serait intéressant de s’attaquer sérieusement à certains problèmes se sont aggravés.
Visiblement, ceux qui disent que les promesses n’engagent que ceux qui y croient, ont raison. Assimi avait déclaré à plusieurs reprises, en fonction de ses interlocuteurs, qu’il mènerait la Transition à son terme au bout des 9 mois restants et qu’il sollicite juste un peu de patience, « wati koungourouni dé tora, kalo kononto dron ». C’était lors des audiences d’explications de son deuxième coup en recevant certaines couches sociales et politiques de populations. La bonne blague. Nous en sommes à presque 3 fois 9 mois, 24 mois précisément. Normalement, en février 2024, la Transition aura tourné la page. Nous disons normalement parce qu’avec les acteurs occupant le terrain, rien n’est à écarter. Mais comme les Maliens sont habitués aux promesses non tenues, ils ne disent rien, pas bruyamment en tout cas. Or un homme, surtout un chef, est tenu par sa parole donnée. Comme le dirait l’autre, « l’homme n’ayant pas de queue, on le tient par sa langue ». Non seulement cette parole n’a pas été respectée mais les Maliens n’ont eu droit à aucune explication; comme si de rien n’était. Nous, nous pensons que notre pays et nos dirigeants doivent rentrer dans l’histoire comme un pays et des dirigeants qui respectent leurs engagements. Parce qu’un pays et des dirigeants qui ne respectent pas leurs paroles n’auront le respect de personne. Personne n’a du respect pour un pays qui ne respecte pas ses engagements. Personne n’a du respect pour des dirigeants qui ne respectent pas leurs engagements. On peut les craindre et avoir peur d’eux. Mais le respect ne serait plus présent.
Pour le moment la promesse d’organiser le référendum tient la route (c’est vrai qu’ils s’y sont pris à deux fois). Pour le moment. Nous insistons sur le « Pour le moment » dans la mesure où il y a de gros nuages qui s’amoncellent du côté de Kidal. Nos parents ne décolèrent pas et accusent les rédacteurs du projet de Constitution de n’avoir pas pris en compte l’Accord pour la Paix et la Réconciliation. A cause de ce qu’ils appellent absence de volonté politique pour la prise en charge de l’APR, ils ont demandé le report du référendum. De toute évidence, il ne faudrait pas prendre à la légère cette menace dans la mesure où la société civile de Kidal a demandé au gouvernement et aux représentants de l’AIGE de surseoir à l’organisation du référendum. La médiation internationale semble être dépassée et ne plus disposer de solution. En effet, elle s’est placée à mi-chemin entre les protagonistes semblant donner raison à chacun d’eux. Pour faire court, « la médiation note les préoccupations exprimées par la CMA et la Plateforme et elle note également la position du gouvernement notamment sur le fait qu’aucune disposition du projet de Constitution ne fait obstacle à la mise en œuvre l’Accord de paix ». De toute évidence, c’est ce qui s’appelle le minimum syndical.
Le soutien au référendum et au OUI dépasse visiblement le cadre du minimum syndical. Nous ne voudrions pas être méchants mais ça ne respire pas la sincérité toute cette bousculade. Surtout du côté des partis politiques et de leurs leaders. Il y a des partis qui sont en hibernation depuis fort longtemps. Mais subitement, ils trouvent les moyens et mobilisent les troupes pour mieux se faire voir. Ils battent le rappel du ban et de l’arrière-ban des troupes, parce que la théâtralisation tend à prend le dessus. On a même pu apercevoir certains cadres qui avaient disparu des radars, occupés qu’ils sont à faire leurs petits business et à vouloir se faire oublier,qui subitement tiennent à se faire voir, tenant même les pancartes pour qu’il n’y ait aucun doute sur leur engagement sans faille. Et puis c’est vrai, à côté, il y a des gens respectables qui se sont donnés pour mission de bien expliquer le contenu du projet de Constitution. Même si à la fin, l’intention n’est jamais loin, enferrer le poisson pour le 18 juin prochain. Nous ne mentionnons même pas le fait que tous ceux qui s’agitent bruyamment étaient tous contre la révision constitutionnelle constitutionnelle proposée par IBK. Subitement ils sont tous d’accord avec un projet de Constitution qui aggravent toutes les tares de la constitution en vigueur.
Les partisans du NON se font entendre. Pour le moment, il n’y a pas de meetings mais la sensibilisation se fait tous azimuts. Et ce sont des poids lourds qui annoncent leur opposition au projet de Constitution. Comme on dit, l’eau rentre dans la rivière petit à petit (nous convenons, nous aurions pu avoir une traduction plus soutenue). Ils se battent avec la conviction que la vérité est de leur côté, que le droit est de leur côté, que la victoire sera de leur côté. Ce malgré des pratiques d’un autre âge du fait de l’implication de l’administration dans la campagne en faveur du OUI. De douces pressions sont faites à l’endroit des fonctionnaires, surtout ceux dont les partis sont black-listés. Parce qu’un tel est directeur et qu’un tel autre occupe une fonction administrative importante, leurs supérieurs locaux et/ou nationaux se chargent de leur dire qu’ils ne les sentent pas leur implication. Ce sont des méthodes d’une autre époque et qui méritent d’être dénoncées et d’être arrêtées. Le OUI peut l’emporter sans ces pressions. Le OUI peut l’emporter même sans les électeurs. Donc franchement, soyons grands.
Nous terminons par la démission du ministre chargé de l’Energie. Disons-le très clairement, nous avons été surpris. Pas qu’il n’aurait pas dû jeter l’éponge. Peut-être qu’il aurait même dû partir depuis longtemps. Mais avouons-le tout net, le bonhomme s’est montré particulièrement coriace. Les critiques glissaient sur lui comme de l’eau sur les plumes d’un canard. Mais sa posture était devenue intenable. Ce n’est pas faux de dire que les consommateurs le maudissaient tous les jours au regard des coupures interminables de courant. Pratiquement de décembre à sa date de démission, l’électricité n’a pas été stable. A cause de ce manque de courant, les populations de la ville de Gao menacent d’entraver la tenue du référendum. En plus de cette situation qu’il devait très mal vivre, surtout au regard de ses autres collègues lors des conseils de ministres, il n’avait plus de prise sur l’EDM. En effet, depuis quelques mois, c’est à Koulouba que se prenaient les décisions concernant l’EDM au cours de réunions où il était invité au même titre que le directeur général de l’EDM. Sa démission ne résoudra aucun des problèmes d’EDM. Il y a des problèmes structurels qu’il faut régler. Et cela ne se fait pas dans la fureur.
Tiégoum Boubèye Maïga
Source : La Nouvelle République