Le président mauritanien a nommé jeudi 31 mars un nouveau gouvernement marqué par l’arrivée de quinze nouvelles têtes. Moussa Ould Hamed, journaliste politique mauritanien et fondateur du groupe Biladi décrypte en exclusivité pour APA les raisons de ce profond remaniement. Selon l’analyste, cette situation était prévisible vue « l’inefficacité » dont faisait montre la précédente équipe.Le président Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani a effectué un remaniement gouvernemental où il s’est séparé de quinze ministres. Qu’est-ce qui a motivé sa décision ?
Il est difficile de dire dans les remaniements, comme dans une science exacte, ce qui est objectif de ce qui ne l’est pas. Mais il est sûr que le gouvernement était décrié. Et le président de la République, sans vraiment nommer personne lors de la sortie de la dernière promotion de l’Ecole nationale d’administration (Ena), a critiqué des faits. Dans son allocution, il avait critiqué aussi le retard dans l’exécution des projets. Il était clair qu’il n’était pas satisfait du rendement du gouvernement. D’autant plus qu’on a dépassé le mi-mandat et certainement il doit penser à son second mandat. L’équipe qui était là ne satisfaisait pas vraiment les objectifs annoncés dans son programme électoral et qu’il appelle « mes priorités » pour booster les volets sociaux, administratifs et autres.
Malgré le départ de plusieurs ministres, il a renouvelé sa confiance au Premier ministre Mohamed Ould Bilal. N’est-il pas comptable des contre-performances du gouvernement précédent ?
Dans l’opinion, la reconduction du Premier ministre n’était pas vraiment attendue ou, du moins, pas du tout populaire. Il est décrit comme une personne effacée, sans poigne. Tous les gens s’attendaient à ce qu’il soit le premier à partir. Même si on peut dire qu’il n’a pas été responsable de son gouvernement dans la mesure où il ne pesait pas sur les décisions. Il semblait plus ou moins absent et dépassé par les choses.
Le président Ghazouani s’était montré très critique à l’égard de l’ancienne équipe. Que lui reprochait-il ?
Dans son éducation et sa manière de faire, le président ne fait jamais de reproches directs. Il n’a pas fait de reproches directs à son gouvernement. Il a tout simplement énuméré un certain nombre d’habitudes néfastes pour l’administration si bien au niveau de la société de l’eau, de l’électricité, de l’état civil. Mais il n’a nommé personne même s’il était clair qu’il n’était pas content du rendement de l’administration. Certes à voir le remaniement, on constate le départ de quinze ministres. Ce qui équivaut à plus de 50% du gouvernement. C’est un grand changement même si peut-être il n’y a pas beaucoup de choses qui vont changer dans la mesure où on a, à quelques exceptions près, les mêmes profils qui arrivent.
Est-ce que la disparition récente de ressortissants mauritaniens au Mali a pesé sur les dernières décisions de Ghazouani contre son gouvernement ?
Non je ne crois pas. Ces événements dramatiques ont été sentis de manière douloureuse dans l’opinion mais le ministre des Affaires étrangères n’a jamais été vu comme responsable. Tout ce qui se passe au Mali maintenant, nous le regardons avec beaucoup de retenue et de sagesse. C’est un pays frère et frontalier qui traverse une période très difficile. La gestion de ce dossier n’est pas entièrement donnée au ministère des Affaires étrangères mais plutôt à la Sécurité et à la Défense.
Quels sont aujourd’hui les nouveaux chantiers du gouvernement mauritanien à deux ans de la fin du mandat de Ghazouani ?
Vous savez, les chantiers ne manquent pas en Mauritanie. Tout est chantier, que cela soit le social, l’économie ou la politique. Il y a nécessité à mettre en place une véritable administration au service du citoyen, une administration de développement. Parce que ce qui est important chez nous aujourd’hui c’est de gagner la bataille du développement. On dit souvent que la Mauritanie a beaucoup de ressources mais la population est très pauvre. L’administration aussi laisse à désirer puisqu’elle ne prend pas en charge tous ces défis.
Cette année est une année de sécheresse, ce qui n’est pas très rare au Sahel. Cette situation est doublée de la crise de la Covid-19. On ne sait même pas si on est sortis de la pandémie, mais elle a ses effets sur l’économie. De même, la guerre en Ukraine vient accentuer ces difficultés.
Au plan socio-politique, il y a le défi de la consolidation de la concorde nationale. Depuis l’arrivée de Ghazouani, il a essayé d’apaiser la scène politique mauritanienne qui était agitée depuis deux voire trois décennies. Ces efforts doivent prendre en compte aussi d’autres questions comme le passif humanitaire, le cas de l’esclavage ou l’organisation des élections. Mais je crois qu’avec l’arrivée du ministre-secrétaire général de la présidence, très sérieux et compétent, on peut avoir de l’optimisme par rapport au règlement de ces questions.
Source : APA