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#MaTransition : le Mali en quête perpétuelle d’un modèle démocratique

Depuis la démocratisation du Mali, à la suite du soulèvement populaire de mars 1991, le pays demeure encore en quête d’un modèle démocratique qu’il n’a toujours pas su trouver.

La démocratie malienne se caractérise, à tort ou à raison, par sa faillite. Celle-ci se traduirait par une incapacité des régimes démocratiques successifs à satisfaire les exigences de changement exprimées par les populations, jetant le discrédit sur l’ensemble du personnel politique. D’autant que celui-ci a émergé concomitamment avec l’avènement de la démocratie, et n’a connu qu’un renouvellement très limité depuis lors.

Le coup d´État du 22 mars 2012 – le premier de l’ère démocratique, et le troisième de l’histoire du Mali – et les événements ayant suivi avaient mis à nu le discrédit qui frappait le personnel politique. Si les troubles sociopolitiques de mars 1991 étaient une crise en vue de l’instauration de la démocratie, ceux de 2012 dans lesquels le Mali se trouve encore empêtré, perçus comme les plus graves de son histoire, sont apparus comme étant une crise liée à la faillite de la démocratie.

Depuis, les vrais leaders d´opinion n´étaient plus les acteurs politiques et patrons de partis mais les chefs religieux. Ces derniers ont su s’emparer du désespoir des populations en désignant le régime démocratique comme ayant été pris en otage par une élite politique pour s’enrichir et sans jamais se soucier des conditions difficiles des populations. Pour de nombreux Maliens, les politiques ont alors incarné la corruption, la mauvaise gouvernance et le clientélisme. Résultat : cette élite a été conspuée par le peuple, qui s´est tourné vers les acteurs religieux qui ne semblent pas non plus détenir les solutions aux problèmes de gouvernance soulevés.

« En perpétuelle transition »

Deux décennies après l’amorçage de sa transition démocratique, le Mali était pourtant considéré, par de nombreux chercheurs et observateurs, comme faisant partie des régimes africains en phase de consolidation démocratique. On pourrait, de ce point de vue, attribuer aux partenaires internationaux du Mali – évaluateurs de sa vitalité démocratique – une part de responsabilité dans l’échec du pays. Ils ont non seulement approuvé, mais aussi vanté les mérites d’un ensemble de système de gouvernance qui s’est, au final, révélé faillible.

Du 22 mars 2012 au 18 août 2020, le Mali apparaît plutôt comme un pays en perpétuelle transition, dans la mesure où le changement de régime n’a pas permis l’émergence d’acteurs nouveaux (ou dans une moindre mesure) sur la scène politique. Il n’a pas non plus permis d’opérer un véritable changement dans le mode de gouvernance. Le dernier coup d’État est, d’ailleurs, apparu comme la démonstration d’une persistance des conditions favorisant les interventions de l’armée dans le champ politique. Le fait que les autorités civiles n’ont pu faire barrière à l’activisme des militaires dans l’arène politique malienne s’explique en partie par la faiblesse et le déficit de légitimité des institutions.

En respectant strictement les normes constitutionnelles et légales, et en privilégiant le débat politique constructif ainsi que le recours juridique, les acteurs politiques civils contribueraient à disqualifier la force comme moyen de règlement des crises sociopolitiques. Par conséquent, plutôt que d’être une exception, l’irruption des militaires maliens sur la scène politique est devenue la norme. Une autre explication, avancée par Céline Thiriot, est qu’« avec une armée désinstitutionnalisée, des autorités politiques fragiles, la force reste une ressource politique, et les militaires conservent un rôle et un pouvoir qui va bien au-delà des casernes ».

La classe politique exclue de la transition

Si par son attitude le pouvoir militaire de transition – qui s’estime être détenteur d’un fort soutien populaire – semble n’avoir d’égards vis-à-vis de la classe politique, c’est parce qu’il s’abreuve justement du désenchantement des populations à l’égard de cette dernière. Les putschistes sont d’autant plus confiants dans leurs manœuvres visant à exclure les acteurs politiques qu’à l’annonce du coup d’État, le 18 août 2020, de nombreux Maliens étaient sortis dans les rues pour les soutenir.

Une importante partie de ces manifestants étaient des jeunes, qui voyaient le coup d’État comme une occasion d’opérer une véritable rupture avec l’actuelle classe politique globalement jugée responsable de tout ce que le Mali connait en termes de crises.

Rappelons qu’au lendemain du coup d’État, le mouvement de contestation M5-RFP s’était proposé d’accompagner le Comité national pour le salut du peuple (CNSP) dans le cadre de la transition. Alors qu’il avait pourtant reconnu avoir parachevé la lutte du M5-RFP, le CNSP n’a jamais fait montre d’aucune intention d’instaurer un rapport privilégié, au grand désespoir des leaders de ce mouvement. La logique des leaders du M5-RFP était qu’ayant été la principale force en faveur du changement, elle aurait dû être le partenaire privilégié du CNSP dans la gestion de la transition. Nous avons, en revanche, constaté que toute la stratégie du CNSP a consisté à court-circuiter à la fois le M5-RFP et la classe politique en général. Sa volonté de conserver le pouvoir était, dès lors, fortement perceptible.

Stratégies du CNSP pour conforter sa mainmise sur le pouvoir au détriment des acteurs politiques

Afin de débattre du contenu de la Charte de la transition, des concertations nationales qui ont regroupé « toutes les forces vives de la Nation » s’étaient tenues du 10 au 12 septembre 2020 au Centre international de conférences de Bamako. Plusieurs participants, notamment ceux du M5-RFP, avaient par la suite dénoncé la version finale de la Charte communiquée par les militaires, qui ne correspondait pas, selon eux, à ce qui avait été convenu ensemble durant les discussions.

Lors de la désignation du président de la transition, le CNSP annonça la mise en place d’un collège de 10 membres composé de religieux, de représentants de la junte et de la société civile, une sorte de « comité de sages » à qui il revenait en principe la tâche de choisir le président. Plutôt que d’avoir à choisir parmi une liste de personnalités comme il était attendu, les membres du collège se sont contentés d’approuver l’unique proposition du CNSP portant sur Bah N’Daw en tant que président et Assimi Goïta en tant que vice-président.

Au moment du choix du premier ministre, alors même que le président de la transition avait été désigné, le CNSP invita le M5-RFP à faire des propositions, et à lui faire parvenir les candidatures de ses membres intéressés par le poste, laissant ainsi croire au mouvement de contestation que le premier ministre viendrait de ses rangs. Le choix a finalement porté sur Moctar Ouane, qui était alors en poste à l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa).

On peut dire que le risque pour le Mali de voir la transition se prolonger au-delà des 18 mois prévus, avec des militaires qui s’accrocherait au pouvoir, comme c’est souvent le cas en Afrique, reste bien réel. En tout état de cause, 5 mois après le coup d’État, aucun des multiples chantiers prévus dans la « refondation de l’État » n’a véritablement été amorcé. En outre, la feuille de route de la transition laisse entrevoir la perspective de sa prolongation au-delà des 18 mois convenus.

Comme l’a si bien évoqué Francis Akindès, « les militaires qui arrivent au pouvoir sont pris au jeu finalement. Le coup d’État finit toujours [ou le plus souvent] par une espèce de confiscation du pouvoir par les militaires. »

 

Source: benbere

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