Au moins 134 personnes, femmes et enfants compris, ont été massacrées dans un village peul, dans le centre du pays. Le gouvernement a décidé de limoger plusieurs haut-gradés de l’armée et de dissoudre la milice dogon Dan na Amassagou, accusée d’avoir mené cette attaque, la plus meurtrière depuis le début de la crise au Mali, en 2012.
Les images sont insoutenables. Des corps calcinés, certains enchevêtrés. Des cadavres d’hommes, de femmes et d’enfants au milieu de cases incendiées, dans un village complètement ravagé. Une vidéo amateur, tournée à Ogassagou par un membre de l’association Tabital Pulaaku dans les heures qui ont suivi le massacre de samedi, que Jeune Afrique a pu visionner, montre l’horreur et la violence de l’attaque qui a frappé samedi ce village peul situé à quelques kilomètres de Bankass, dans le centre du pays.
Massacre systématique des civils
Samedi, au petit matin, une centaine d’hommes armés juchés sur des motos ont fondu sur le village. Les assaillants, habillés en tenu de chasseur dogon – les « chasseurs dozo » traditionnels – et armés de fusils automatiques et de grenades, ont d’abord pris pour cible une petite base dans laquelle se trouvaient environ soixante-dix ex-combattant peuls, attendant là le démarrage du processus de désarmement, démobilisation et réinsertion (DDR) dans le centre.
« Les hommes ont d’abord résisté à l’attaque, mais ils se sont trouvés à court de munitions, et se sont retirés du village », explique Sékou Allaye Bolly. Ce natif de Mopti a ouvert trois bases – à Douentza, Diallassagou et Egousogou, dans le cercle de Bankass -, avec pour objectif déclaré d’en faire des « lieux de transit pour les combattants candidats au DDR ». Neuf de ces hommes ont été tués dans l’affrontement avant qu’ils ne battent en retraite.
Après avoir fait sauter ce verrou, les assaillants ont investi le village d’Ogassagou, où ils ont systématiquement massacré les civils, femmes, enfants et personnes âgées y compris.
Les associations communautaires peules avancent des chiffres qui, bien qu’encore provisoires, disent la gravité des faits qui se sont produits samedi à Ogossagou : 134 personnes ont été tuées. Depuis le début de la crise au Mali, en 2012, jamais une attaque n’avait fait autant de victimes civiles.
La milice Dan na Amassagou pointée du doigt
L’attaque n’a pas été revendiquée. Mais pour les représentants de la communauté peule, il n’y a aucun doute : le massacre a été perpétré par une milice a été perpétré par Dan na Amassagou (« Les chasseurs qui se confient à dieu », en langue dogon) une milice réputée alliée du gouvernement malien.
« Ce n’est pas la première fois que Dan na Amassagou a tenté d’attaquer ce village. La semaine dernière, cette milice a déjà voulu s’attaquer à Ogossagou. J’ai appelé des contacts qui les ont dissuadé », affirme Sékou Allaye Bolly.
« Vendredi, à la veille de l’attaque, les membres de cette milice étaient en réunion dans la ville de Bankass », précise-t-il.
Contacté par Jeune Afrique, le chef de la milice Dan na Amassagou, Youssouf Toloba, n’a pas donné suite.
Craintes d’escalade et limogeages dans l’armée
« Nous condamnons cette barbarie et nous demandons au président de prendre en main le dossier. Le gouvernement et l’armée ont montré leur incapacité. Comme le gouvernement est incapable de défendre nos populations, nous allons aussi nous organiser pour attaquer les dogons et nous allons nous donner les moyens pour cela », a réagi Abdoul Aziz Diallo, président de Tabital Puulaku, la plus grande association peule au Mali.
Face à la crise qu’a provoqué cette attaque, le gouvernement malien a tenu un conseil des ministres extraordinaire, ce dimanche, en présence du président Ibrahim Boubacar Keïta.
Une série de « mesures fortes » ont été prises. « Plusieurs haut-gradés de l’armée ont été démis », a déclaré un ministre à Jeune Afrique, – en l’occurence, le chef d’état-major général des armées, le général M’Bemba Moussa Keïta, et le chef d’état-major de l’armée de terre, le colonel major Abdrahamane Baby. Par ailleurs, un décret portant dissolution de la milice Dan na Amassagou a été pris. Autant de décisions qui seront rendues publiques dans l’après-midi, ce dimanche.
Une délégation gouvernementale a par ailleurs été dépêchée sur place, à Ogossagou, comprenant plusieurs ministres dont ceux de la Justice et de la Santé.
Ce massacre intervient alors qu’une mission de l’ONU est actuellement à Bamako. Ce disant « choqué et outré » par ce massacre, Antonio Guterres, secrétaire général de l’ONU, « condamne fermement cet acte odieux et appelle les autorités maliennes à enquêter rapidement sur cette tragédie et à traduire ses auteurs en justice ».
Les ex-rebelles de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), ont appelé pour leur part « à la cessation immédiate de ces massacres qui s’apparentent à un véritable pogrom orchestré », dans un communiqué rendu public ce dimanche. La coalition des groupes pro-gouvernementaux impliqués dans l’accord de paix a de son côté condamné un « crime de masse », et exige « une commission d’enquête indépendante ».
Jeune Afrique