L’arrêt sans recours de la Cour Constitutionnelle a déclaré, le 20 août dernier, « élu » le candidat-président Ibrahim Boubacar Kéïta pour un nouveau quinquennat à la suite des deux tours sombres et délabrés de l’élection présidentielle du 29 juillet et du 12 août 2018. Une réélection issue des opérations de vote conspuées par les 2/3 des 24 candidats en lice.
Que dire de cette réélection d’IBK à la magistrature suprême du pays après un mandat jalonné de tant de défaillance et de scandales financiers ? Par cette réélection, pourrait-on dire que tout va mieux au Mali avec ces milliers de morts dans la crise sécuritaire du Nord, et qui s’est généralisée au Centre par l’irresponsabilité du régime d’IBK ? Disons : Non ! Pourrait-on encore dire que tout va bien au Mali par cette reconduction après la défaite incontestable du régime de Mandé Mansa à mettre les trains des cheminots sur les rails après 5 ans de promesse ? Non ! Pourrait-on dire que tout va bien au Mali après la généralisation des violences dans les milieux scolaires et des grèves incessantes dans les structures sensibles notamment l’éducation, la magistrature et la santé dont la dernière de 38 jours avec la perte énorme des vies des paisibles citoyens ? Non ! Pourrait-on dire que tout va bien au Mali avec cette réélection d’IBK après tant d’humiliation, de dilapidation des fonds publics , de détournements , de favoritisme et d’infidélité aux engagements pris depuis 2013 ? Sauf par amnésie collective, l’on ne pourrait attribuer une réponse affirmative à ces interrogations.
En effet, après plus de vingt ans de démocratie et une campagne électorale soldée par la location d’hommes en violation flagrante de la loi électorale, le Mali vient de voir l’élection la plus décriée et la plus frauduleuse de son Histoire de démocratisation. La mémoire des martyrs de 1991 retiendra que l’élection présidentielle de 2018 a enterré le pouvoir du Peuple de sanctionner, le seul et l’unique but de leur lutte contre la dictature de Moussa Traoré, actuel « Grand Républicain » d’IBK. Une insulte grave à la mémoire de ceux-là et à la population malienne. L’Histoire retiendra que le scrutin présidentiel du 29 juillet 2018 fut la plus honteuse, celle de la plus grande mascarade sur fond de fraudes massives planifiées, de tripatouillage et de partage à humeur de tous genres. Un processus électoral bourré d’achat des votes, d’enlèvement de cartes électorales, de bourrage d’urnes, de violation de la loi électorale … Les faits sont innommables et graves. Le plus ahurissant de ce « Coup d’État électoral » est l’écart entre le taux de participation entre les Régions en sécurité et celles du Nord et du Centre où l’insécurité liée au terrorisme bat son plein, où l’Administration est presque totalement absente. Le vote sanction des Maliens a été pris en otage par le clan présidentiel. L’on se rappelle bien, les propos désespérants et honteux d’IBK lors de son passage à Ségou où il déclara publiquement qu’ «aucune fanfaronnade politicienne» ne lui fera débarquer à Kidal. Et, pourtant, il s’y est rendu en tant que candidat. Enturbanné comme René Caillé, camouflé comme un mendiant à la recherche de ses victuailles quotidiennes, qu’a-t-il promis aux « ex-rebelles» pour cautionner cette mascarade électorale dans ladite Région? Apparemment, il s’en fout du Peuple malien. Tout ce qui l’intéresse, c’est le confort du trône, la villégiature avec des comédiens et rappeurs. Et cela veut dire DE TOUT ce que ça veut dire.
Avec un bilan aussi catastrophique, comment IBK pourrait-il gagner dans une guerre qui était déjà perdue d’avance ? Les faits sont obscurs, vraiment obscurs.
Une élection de façade ?
La plupart des 18 candidats contestateurs des résultats dont Soumaïla Cissé, Choguel Kokala Maïga, Dramane Dembélé, Aliou Boubacar Diallo, Me Mountaga Tall, Moussa Sinko Coulibaly, Modibo Sidibé et Oumar Mariko ont souligné que les «Résultats ne reflètent pas le vote des Maliens». Et cela, après un première phase de grogne autour du fichier électoral non mis à jour et qui aurait « plus d’un million de voix fictives », selon le Directeur de Campagnes de Soumaïla Cissé, des manquements organisationnels et sécuritaires ont impacté le vote des centaines de milliers de Maliens lors des deux tours du scrutin présidentiel. Les résultats dits « fantaisistes » du premier tour ont engendré l’apocalypse sur la scène politique nationale. Le partage à humeur sur fond de croc-en-jambe rancunier, le tripatouillage et l’achat de consciences, l’utilisation frauduleuse des procurations; telles sont les irrégularités qui ont enfanté la contestation desdits résultats par 18 des 24 candidats. Et, à la suite des pressions de la commission d’observation de l’UE, les résultats bourrés d’une « dizaine d’invraisemblables » ont été publiés par le MATD, juste après la délibération de la Cour Constitutionnelle, qui reste sans recours.
Aussi, ceux du second tour du scrutin qui s’est tenu le 12 août dernier font, derechef, l’objet de la même contestation pour bourrages d’urnes et fraudes dans les zones d’insécurité, etc.
Selon Soumaila Cissé, à part les fraudes massives, plus de 50% des voix valablement exprimées lui reviennent ; raison pour laquelle, il « rejette catégoriquement» la décision de la Cour Constitutionnelle qui a déclaré « élu » le Président sortant Ibrahim Boubacar Kéïta. Car, ce pourrait être toute une chaîne de fraudes massives en construction : «Le calendrier électoral prévoit des élections locales, régionales et législatives avant la fin de l’année. Soyons tous assurés que le système actuel de fraudes, d’achat de consciences et de tricherie engendrera un monstre démocratique dans lequel le même clan, le même parti, la même famille contrôleront l’Exécutif, le Législatif et les Collectivités territoriales. Ils asservissent déjà les médias publics. Il ne lui leur reste plus qu’à continuer à instrumentaliser la justice » a prédit le Chef de file de l’opposition.
Mais, ce qui est clair comme l’eau de roche et qu’on pourrait dénicher de ce processus électoral est qu’«On n’organise pas une élection en Afrique pour la perdre », comme le dirait l’ex-Président du Gabon, feu Oumar Bongo. Et cela veut dire tout ce que ça veut dire.
À bon entendeur, salut !
Seydou Konaté : LE COMBAT