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Mariages en fin d’année : Embouteillages dans les mairies

Les unions à l’aube du nouvel an sont nombreuses. Chacun apporte ses explications sur le choix des célébrations en cette période

 

Les mariages en fin d’année sont légion. Certains situent le phénomène au compte de la superstition ou simplement d’un effet de mode. En tout cas très souvent en décembre, de nombreux couples passent devant un officier d’état civil pour se dire «oui» pour le meilleur et pour le pire. Il suffit d’aller jeter un regard sur la publication des bans dans les mairies principales ou dans les centres d’état civil secondaires, pour s’en convaincre. On a l’impression d’assister à une course contre la montre, tant les couples se bousculent aux portillons des mairies pour célébrer leur union.
Ce jeudi 17 décembre. Il était environ 10 heures à la mairie de Sogoniko, 16 couples étaient attendus pour convoler en justes noces. Sept, par ordre d’arrivée, sont admis dans un premier temps parce que tous ne peuvent pas contenir dans la salle de célébration mais aussi parce que la Covid-19 impose la distanciation physique et le respect des gestes barrières pour éviter une propagation du virus. Les autres couples prenaient leur mal en patience, en attendant qu’on leur fasse de la place. Certains affichent un sourire sur un coin des lèvres, d’autres laissent transparaître le stress sur leurs visages. Pourtant, ils patientaient juste quelque temps avant de contracter les liens sacrés du mariage qui est une institution dans notre société.

Le nombre élevé des mariages, en période de fin d’année, justifie tout l’intérêt que notre reporter porte au phénomène. Pourquoi le choix de la période ? Les avis sont nettement tranchés et chacun développe son argumentaire.
Après avoir passé la bague au doigt de son épouse devant le maire, Moussa Diop laissait éclater sa joie. Il expliquera plus tard à sa sortie de la salle de célébration du mariage qu’il n’entendait pas franchir le nouvel an dans le célibat. Quant à Brehima Coulibaly et Oumou Diallo qui se sont acceptés comme mari et femme, ils disent avoir choisi la fin d’année par simple hasard. Mais ils n’en sont pas moins heureux puisqu’ils trouvent que de nombreuses personnes se marient à cette période. «On a décidé de s’unir par amour. C’est le plus important. Les autres considérations liées au phénomène de mode sont des détails», souligne le couple.
Boubacar Keita, maire de la Commune VI, précise qu’en plus des 16 mariages du jeudi, il devrait unir trois jours plus tard, soit le dimanche d’après, 12 autres couples par les liens du mariage. En effet, les mairies aussi se frottent les mains pendant la période parce que les frais de déclarations sont versés dans les caisses municipales. Pour l’édile, plusieurs secteurs d’activités profitent aussi des mariages et cela peut avoir une incidence sur l’économie locale.
L’église vit presque les mêmes réalités.

À ce niveau aussi, de nombreux couples se présentent en fin d’année pour s’unir, après le passage devant un officier d’état civil. Selon Jorge Koné, chargé de formation à la Cathédrale de Bamako, en cette période de fin d’année beaucoup de mariages sont célébrés à l’église. La logique qui sous-tend tout cela se rapporte au mois de décembre. Celui-ci représente dans la religion chrétienne le mois de l’avent (l’avènement de Jésus Christ). Et, il est considéré comme un mois béni avec de la prospérité et de la fécondité. Partout à Bamako, on retrouve les mariés du dimanche. Au Jardin du Cinquantenaire, les jeunes couples se retrouvent le plus souvent pour immortaliser un moment exceptionnel de leur vie. Sékou Touré et son épouse étaient venus faire des photos de leur union et fixer ces moments avec la famille, les amis et autres collaborateurs. «Je me suis marié en décembre à cause du climat parce qu’il fait frais en cette période mais aussi parce qu’on est quasi sûr de ne pas vivre une surprise ou une mésaventure avec la pluie », explique-t-il. Le couple Alassane Maïga et Oumou Touré faisait aussi partie des heureux du jour. Pour ces conjoints, se marier en décembre est bien calculé. «C’est un objectif que je m’étais fixé. J’ai fait des économies pour tenir dans le délai. Mon rêve s’est donc réalisé», confie le marié.

La vieille Sitan Keïta a aussi décidé de célébrer le mariage de ses deux enfants en cette fin d’année. Elle avance ses arguments. «J’ai programmé leur mariage en décembre parce que les condiments coûtent moins cher à cette période. Cela est important pour une bourse moyenne, pressurée par une conjoncture économique accentuée avec les effets de la crise sociopolitique et de la Covid-19», dit-elle. Elle admet que tout le monde ne s’accorde pas sur ce calcul et concède à chacun le droit de porter la contradiction. Mais pour elle sa logique tient plus la route. Au-delà des dépenses exorbitantes, ces mariages célébrés en grande pompe embouteillent la circulation et causent de gros désagréments parfois aux autres usagers des grandes artères de Bamako. Les cortèges de mariés sont quelques fois impliqués dans des accidents plus graves, précise la commerçante Kadiatou Kanté. Oumar Touré, comptable de son état, précise qu’il n’est pas contre ces mariages programmés en fin d’année. Il trouve même au contraire que le mariage c’est toujours une bonne chose. Mais il rappelle que le contexte de la pandémie impose des restrictions dans les regroupements pour les cérémonies sociales.

Mariam, promotrice d’un salon de coiffure à Lafiabougou est hyper sollicitée depuis le 6 décembre dernier. Elle reçoit les jeudi et dimanche de la semaine, au moins 24 futures mariées à maquiller. Pour elle, il ne fait aucun doute que les promotrices de salons de coiffure se frottent bien les mains en fin décembre. «C’est le mois des bonnes affaires», indique-telle. Issa Dembélé, tailleur à Faladiè-Sema, profite lui aussi de la période parce que la clientèle féminine aime s’habiller de neuf et n’hésite pas à mettre le paquet pour ça, nonobstant la conjoncture. «Chaque semaine, je peux coudre au moins 30 ensembles, y compris des tailleurs des robes et autres modèles».

Dr Diallo Youssouf, médecin généraliste au Centre de sante de la MUTEC, est contre les regroupements dans les mariages en cette période de Covid. Il interpelle les autorités compétentes à faire respecter les dispositions prises en conseil des ministres. « C’est une question de santé publique et chacun doit intégrer ça pour que le taux de contamination au coronavirus n’explose davantage », relève-t-il. Selon lui, on doit arrêter ces festivités pompeuses et s’en tenir qu’aux mariés et leurs témoins parce qu’avec la foule, on ne peut circonscrire les risques.
Karoga Souma, griot et historien, réside à Niaréla. Il explique que les mariages de fin d’année sont devenus une habitude. Cependant, les jeunes doivent se renseigner sur les périodes propices au mariage. «C’est vrai que certaines pratiques de chez nous n’ont pas résisté à l’épreuve du temps, mais elles avaient du sens », explique le traditionnaliste. Pour lui, il nous faut revenir à certains fondamentaux, notamment l’implication totale des parents dans le choix des épouses et des dates de mariages. D’après le griot, le mois qui précède le Ramadan et celui d’après sont conseillés pour se marier. Il ajoute qu’il n’est pas non plus interdit de se marier à d’autres périodes de l’année. Mais le calendrier musulman recommande des jours spécifiques ; notamment entre le 1er et le 20è jour, à l’exception du 3è et 13è jour. Au-delà du 20è jour jusqu’à l’apparition de la nouvelle lune, le mariage est déconseillé.

Baya TRAORÉ

Source : L’ESSOR

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