Dans le cadre du programme «Le mariage n’est pas un jeu d’enfants», initié par le consortium des ONG Sustainable Opportunities for Rural Organizations (SORO), FAWE/Mali et Wale Action Santé Population, en collaboration avec Oxfam, nous avons cherché à faire le point sur l’état et la pratique du mariage précoce dans la région de Ségou. Ainsi, nous avons constaté que certaines filles commencent à dire non à la pratique et sont prêtes à tout pour jouir de leur droit fondamental.
Il y a pratiquement cinq ans, le mariage précoce était une réalité dans la région de Ségou, mais sous une autre forme. La fille mineure rejoint son mari sans tambour ni trompette, et l’on ne célèbre la cérémonie civile que lorsqu’elle atteint l’âge de la majorité, dix huit (18) ans. Cette pratique, selon les défenseurs des droits de l’homme, cause des conséquences immenses sur le plan éducationnel et socio-sanitaire à l’endroit des filles, et semblait toujours échapper au contrôle des autorités locales de la région de Ségou.
Selon Mahamadou Cissé, point focal de l’ONG Wale à Dougouwolo, que nous avons joint il y a deux ans, dans plusieurs localités reculées, les parents donnaient leurs filles sous forme de « prêt », c’est-à-dire sans cérémonie. Il s’agissait d’envoyer la fille chez son fiancé avant l’âge légal du mariage. Ainsi, elle pouvait faire deux à trois maternités avant d’atteindre l’âge normal du mariage. Très généralement, c’était à 18 ans que le couple se présentait devant le maire avec déjà trois à quatre enfants nés de l’union.
La plupart des filles victimes de ce phénomène ont été, par la suite, privées de l’école et de la jouissance du droit fondamental d’épanouissement socioéconomique non seulement pour elles-mêmes, mais aussi pour leurs familles et leurs communautés. C’est ainsi que le président de la Coalition des Organisations de la Société Civile pour l’Education pour tous (COSC-EPT) d’alors, Modibo Diakité, a déclaré lors d’une formation tenue en août 2015 à Ségou et Markala que : « Le Mali autorise le mariage à 16 ans. Cependant, au sein de certaines communautés, les filles sont mariées à moins de 12 ans. Le mariage précoce a des conséquences fâcheuses sur les plans sanitaire, scolaire, psychologique, économique. Selon une conseillère pédagogique, une école de la ville de Ségou a enregistré neuf baptêmes d’enfants nés de filles mineures.»
Les efforts des ONG portent fruit !
En 2019, les réalités commencent à changer sur le terrain, cela grâce aux actions menées par l’ONG Wale Action Santé Population et ses partenaires. Les filles n’hésitent plus à dire non à la pratique, même si elle est initiée ou soutenue par les parents. Selon Oumar Tangara, point focal à Ségou, il y a eu un changement positif. «Certes, nous n’avons pas des statistiques nous permettant de dire clairement jusqu’à quel pourcentage la pratique est abandonnée, mais ce qui est sûr, sur le terrain, nous rencontrons rarement des cas de mariage précoce. Aussi, en échangeant avec les communautés, nous nous rendons compte qu’elles commencent à changer d’avis et demandent de plus en plus l’avis des filles», a-t-il expliqué.
Ainsi pour Sory Ibrahim Traoré, habitant du village de Banankoroni dans la Commune de Sébougou, cercle de Ségou, que nous avons également joint par téléphone, les formations et les sensibilisations de l’ONG Wale ont permis de changer les choses. «Les filles commencent à résister aux décisions des parents qui ne sont pas, à présent, conscients du danger de la pratique. Cette année, mes deux petites-filles ont fui du village. Parce que tout simplement leurs papas voulaient les forcer à se marier. L’une s’appelle Sitafounè Traoré, âgée de 15 ans et l’autre, Konimba Traoré, à juste 14 ans. Renvoyées toutes de l’école, leurs parents ont voulu coûte-que-coûte les marier. C’est ainsi qu’elles ont fui le village pour aller chez leur tante en Mauritanie»,nous a-t-il expliqué.
C’est dire que les filles commencent à sortir de la timidité pour s’affirmer et décider de leur avenir tout en brisant ce mystère selon lequel elles n’ont pas leurs mots à dire en ce qui concerne leurs propres mariages, contrairement aux garçons.
Ousmane BALLO
Source : Ziré