Le lien entre démocratie et scandale semble s’imposer comme une évidence pour les différents régimes de l’ère démocratique au Mali.
Il faut reconnaitre que cette relation associe spontanément et inévitablement le système politique pluraliste et libéral (la démocratie). Les dérives issues des scandales lui sont intrinsèquement liées puisque certaines conditions sont créés au préalable à savoir la liberté d’expression, les possibilités de vérification, la faculté de la presse de polémiquer sur le sujet.
Tel semble être le cas de ces scandales du régime d’I.B.K., mais cette fois-ci, il s’agit des travaux routiers initiés par le Président de la République.
Le mandat d’I.B.K est terni depuis quatre ans par des scandales allant de l’Affaire de surfacturation de l’avion présidentiel à celles des équipements militaires, des engrais frelatés, des 1000 tracteurs, aux récriminations de l’Association des demandeurs de logements sociaux contre le bouillant Ministre de l’Urbanisme et de l’habitat pour ce qui est de la distribution des logements sociaux et à la réalisation des marchés des travaux routiers dans quelques localités du Mali.
Certains n’hésitent pas à classer cette ère comme étant celle des scandales de la démocratie et d’autres le qualifient comme étant la démocratie des scandales. Même tout récemment, les bailleurs de fonds ont exigé toute la lumière et des sanctions contre les présumés auteurs et complices dans l’affaire des engrais frelatés. On se rappelle que dans sa Déclaration de Politique Générale, le 11 juin 2015, le premier Ministre Modibo KEITA avait avoué finalement qu’une importante quantité d’engrais frelatés avait été importée.
A ses dires, l’affaire est d’intérêt national et méritait une attention toute particulière. Il avait promis à l’époque que les coupables seront punis : « et qu’il n’y aura aucune impunité ». Jusqu’à son départ, aucune sanction n’a été prise. Les coupables n’ont même pas été désignés. Il ne pouvait en être autrement, car certaines sources disent que 500 millions sont montés à Koulouba et n’ont jamais été retournés à l’envoyeur.
Nous ne sommes donc pas étonnés que le régime procède à des surfacturations relatives aux marchés de travaux routiers, initiés par le Président de la République dans le cadre d’un partenariat public-privé. Si le coût de réalisation d’un kilomètre de route financé par les bailleurs de fonds se chiffre varie de 150 millions selon que l’on soit en rase campagne ou en ville en béton bitumineux de 5cm d’épaisseur, ceux des marchés initiés par le Président IBK dans le cadre du partenariat public-privé se chiffrent à 450 millions de francs CFA.
Le rapport change du simple au double presque. Le prêt des bailleurs de fonds est donné à un taux de 5 à 10% maximum y compris les frais financiers, avec un temps d’amortissement compris entre 10 et 40 ans. Si nous considérons que dans le cadre du partenariat public-privé, le temps de remboursement du prêt s’étend sur dix ans, même, avec 10% de taux d’intérêt, le coût du Kilomètre ne doit pas aller du simple au double ces travaux concernent la réalisation du deuxième pont de Kayes, de la route Bankoni Nonsombougou, de la route Kangaba-Frontière guinéenne, de la route Kayes-Sadiola, de la route Kayes-Sadiola, de la route Baraoueli-Tamani.
Ce montant alloué pour ces travaux sur fonds public s’élève à plus de 200 milliards de francs CFA. Ces montants sont beaucoup plus élevés que les enveloppes inscrites au budget d’Etat 2017 dans le cadre de la réalisation desdites infrastructures. Suivant les explications du Président du PARENA , il ressort que pour le pont de Kayes c’est 48 milliards francs CFA au lieu des 55,5 milliards conclus avec les entreprises, la route Bankoni-Nonsombougou, c’est une enveloppe de 17 milliards au lieu de 27,7 concédés à l’entreprise, la route Kangaba-Frontière guinéenne, c’est 13,5 milliards et non 19,5 milliards négociés avec l’entreprise, la route Yanfolila-Kalana, il note 13 milliards d’inscription budgétaire contre 18,8 convenus avec l’entreprise et la route Baraoueli-Tamana, il y a 5 milliards inscrits au Budget contre 7,2 conclus avec l’entreprise chargée des travaux. « Les dépassements se chiffrent à environ 29,5 milliards.
Cette comparaison démontre largement qu’il y a bel et bien l’évaporation financière et des excès quand on sait que le kilomètre de bitume, même en enrobée, ne peut dépasser 250 millions de francs CFA au Mali quel que soit le système de financement.
Il est fort possible que ces négociations se soient passées du temps où le Ministre KOUMARE était à l’équipement et au désenclavement. A l’époque plusieurs entreprises qui ont postulé avec l’appui de leurs banques respectives et qui étaient dans des proportions de coûts raisonnables pour les travaux, de taux d’intérêts acceptables et de temps d’amortissement ont été écartées au profit de celles qui avaient fait de la surfacturation pour arroser tout le circuit d’approbation des dits marchés.
On se rappelle également d’un autre cas du temps d’ATT qu’au moment de montrer le dossier d’avant-projet de l’Université de Kabala, devant être soumis au préfinancement de la partie chinoise, le Premier Ministre d’alors avait demandé au bureau d’étude, d’ajouter un supplément de 1 milliard au coût du projet, pour une éventuelle contribution à la campagne présidentielle d’ATT en 2007.
Pour les citoyens avertis politiquement, les dérives dangereuses et les mécanismes salvateurs remplissent de fait une fonction ‟prophylactique” en démocratie. Elles sont considérées comme un symbole de transparence et de contrôle du système. Ils agissent en quelque sorte comme une ‟soupape de sureté” aux yeux des citoyens.
Ils ont à l’esprit, en tant que spectateurs, que la Politique reste un mal nécessaire, ‟une salle affaire” faite de compromissions et de manipulations diverses. Pour eux, personne n’y échappe, même les plus honnêtes qui, étant rarement les acteurs, sont tout de même généralement les victimes. N’a-t-on pas l’habitude de dire que ‟Le Pouvoir corrompt et le pouvoir absolu corrompt absolument” ?
Surtout, lorsque la famille est impliquée, alors un réseau de corruption se tisse. La polémique créée autour des scandales réactive chez le citoyen le désir d’idéaliser les représentants politiques pour en faire des modèles.
Du temps d’Alpha Oumar KONARE, il y a eu 21 fonctionnaires milliardaires et y compris lui-même, que certains maliens l’avaient accusé d’être descendu avec 43 milliards de Koulouba, à la fin de son mandat en 2002. Cette somme est probablement le montant des cadeaux offerts par Kadafi pour l’ensemble de ses 57 voyages en Libye en 10 ans.
En faisant une évaluation des structures chargées de la lutte contre la corruption et l’enrichissement illicite, on dénombre le Bureau du Vérificateur Général (BVG) la Cellule d’Appui aux Structures de Contrôle de l’Administration (CASCA), les inspections des différents départements ministériels, l’Office Central de Lutte Contre l’Enrichissement illicite (OCLEI) qui a remplacé l’Office Central de Répression de l’Enrichissement Illicite (OCREI).
Elle est la dernière-née des structures contre la corruption. Ne sera-t-elle pas une structure de plus se demandent les maliens ? Ce qui est sûr, elle donnera du travail à beaucoup de ‘’Nanfigi’’ dans le monde des affaires, surtout que 55 000 fonctionnaires sont appelés à déclarer leurs biens publiquement. Pour une meilleure efficacité de cette énième action de lutte contre la corruption, il faudra qu’elle commence par le premier citoyen du Mali. Que les ministres impliqués dans toutes les affaires de surfacturation (Avion, Equipements militaires, Tracteurs, Engrais frelatés, Surfacturation des travaux routiers etc…) passent devant le juge d’abord.
Seydou DIARRA