a Rentrée littéraire du Mali 2020 se tiendra du 18 au 23 février 2020 sur le thème : « Petites histoires et grands récits ». Partenaire de l’événement, L’Essor vous propose, chaque jour, le portrait d’un auteur invité
Biographie :
Ibrahima Lanseni Coulibaly, alias BRICOUL, détenteur d’un PHD en Préhistoire, est archéologue et maître de conférences à l’Université du Mali. Il a publié aux éditions Tombouctou Un silence coupable (Prix Union européenne Premier roman 2019). Le corbeau blanc est son deuxième roman.
Résumé :
Kɔda – la cité des pauvres – est envasée dans les marécages au bord d’un ravin inondable, ses habitants de plus en plus confinés et abandonnés dans une ville en pleine expansion. L’enclave est considérée comme spontanée, anarchique et, même, dangereuse.
Non loin de là, le Premier quartier – la cité des riches – resplendit et attire par ses lumières et sa décharge de déchets où les voisins vont faire fortune. à Kɔda, microcosme abandonné, ruiné par les inondations et démoli à maintes reprises par les pouvoirs publics, vivent Siaka et sa famille.
Son fils, un adolescent de seize ans, répondant au nom de Soli, passe une enfance difficile et incomprise. Recroquevillé sur lui-même, il s’éprend de sa propre sœur ! Quel étrange destin ! De méprise en rejet, d’exorcisme en imposture, sa vie va de mal en pis. Il échoit à « l’Hôpital des fous » où un célèbre psychiatre, communément appelé « le docteur des fous », tente de le sauver.
Dans la vie tourmentée de l’auspice qui claquemure les malades mentaux, le jeune homme s’impose et devient célèbre par son originalité. Quel est son secret ? Survivra – t – il à la énième démolition de Kɔda ?
Extrait :
« Une pluie diluvienne s’abattait sur la ville. Elle commença dès le crépuscule, avant le dîner, au moment où l’astre doré disparaissait à l’horizon. On entendait des grêlons de la taille des billes pianoter sur les tôles ondulées des maisons, comme des sons de cloche.
Ce pianotage battait la mélodie des averses au rythme des bourrasques de vent qui remuaient les toitures. De temps en temps, le grondement d’un ciel coléreux, déchiré par les éclairs, abasourdissait et faisait trembler les murs. Des portes et des volets métalliques s’arrachaient et volaient en éclats, causant un bruit effroyable que l’on entendait de l’intérieur.
Certaines personnes, pensant à la colère divine et apeurées, restaient sur le qui-vive. Celles-ci surestimaient les risques d’effondrement de leur maison. D’autres, dorlotées par la mélodie des averses et insouciantes, dormaient à poings fermés. Ceci traduisait toute la distance entre les mal – lotis et les nantis, entre la cité des pauvres et le Premier quartier. Qu’on ne s’y méprenne pas !
Dans la cité des pauvres, tout le monde était pauvre. Mais, selon la situation de sa maison – en hauteur ou dans le bas-fond, on était considéré comme cossu ou indigent. Dans son sommeil, Siaka entendait un tintamarre indescriptible : le grondement du tonnerre, le sifflement du vent, le bruissement des arbres, le pianotage des grêlons, le tintement des tôles, le claquement des portes et des volets… Le branle-bas semblait total, apocalyptique ! En fond sonore, il percevait vaguement des cris de détresse, des cris stridents et désespérés.
Au secours ! Au secours ! s’égosillait-on, depuis les abords du ravin.
Les cris, stridents et alarmants, transperçaient l’obscurité, épousaient la cadence du vent, et se noyaient dans le brouhaha généralisé. Siaka sursauta sur son lit, s’adossa au mur, écarquilla les yeux, tendit les oreilles. Une épaisse obscurité l’aveuglait ; le chant d’un grillon, enfoui sous le lit, le tympanisait. Il se frotta les yeux, posa sa main droite sur son épouse, la secoua maladroitement. Par ce geste, il réveilla sa douce moitié, comme par inadvertance ! ».
Source : L’Essor