Un acteur primordial de la crise au Mali a proposé aux militaires qui ont pris le pouvoir une transition de 18 à 24 mois, en plein flou sur les conditions d’un retour des civils à la tête de ce pays en guerre contre les jihadistes.
Les colonels qui ont déposé le président Ibrahim Boubacar Keïta le 18 août ont promis de remettre les clés aux civils au terme d’une période de transition d’une durée encore indéterminée.
Le lancement de cette transition se fait attendre après un départ raté samedi et l’expression de vives récriminations par le mouvement qui a mené pendant des mois la contestation, dans la rue, jusqu’au renversement de M. Keïta par un groupe d’officiers.
Le M5-RFP (pour Mouvement du 5-Juin/Rassemblement des forces patriotiques) réclame d’être avec les militaires le protagoniste principal de la transition, à la mesure du rôle qu’il a joué.
Cette coalition de chefs religieux et de membres de l’opposition et de la société civile qui a canalisé après avril l’exaspération des Maliens devant la grave crise sécuritaire, économique et politique traversée par leur pays a mal pris de ne pas être invitée nominativement par la junte à la première concertation élargie sur la transition, prévue samedi.
Le M5-RFP a accusé les militaires de chercher à “confisquer” le changement. La veille déjà, la figure tutélaire du mouvement, l’imam Mahmoud Dicko, avaient prévenu les militaires qu’ils n’avaient pas “carte blanche” et auraient tort de s’enfermer dans leur camp de Kati, à une quinzaine de kilomètres de Bamako, en tenant les forces vives à l’écart.
La junte, déjà sous la pression des pays voisins, a annoncé à la dernière minute le report de la concertation. Dans la soirée, une quinzaine de ses membres ont reçu une dizaine de représentants du M5, au camp de Kati.
Le porte-parole de l’imam Dicko, Issa Kaou Djim, a voulu croire après la réunion que les militaires avaient “compris” le message. “Je dirais que le malentendu a été dissipé”, a-t-il dit.
– “Malentendu dissipé” –
Le M5 a aussi remis aux militaires le document qu’il a élaboré sur la transition.
Le texte n’a pas été publié. Mais le M5 propose “une transition de 18 à 24 mois” avec des civils à la tête d’une présidence, d’un gouvernement et d’une assemblée de transition, a dit à l’AFP un de ses dirigeants, Choguel Maïga.
Il propose par ailleurs “un comité de suivi et de surveillance de la transition qui sera majoritairement composé de membres de la junte et du M5”, a-t-il dit, sans que l’articulation entre ce comité et le gouvernement de transition apparaisse clairement.
La junte n’a pas communiqué sur la rencontre. Elle va prendre le temps d’examiner le document et les deux parties devraient se retrouver “très bientôt”, a dit M. Maïga.
La contribution du M5 pèsera son poids alors que militaires et responsables maliens, communauté internationale et experts se divisent sur la durée que devrait avoir cette transition et sur qui, un civil ou un militaire, devrait la conduire.
Les uns invoquent le temps et l’autorité indispensables pour relever les immenses défis auxquels fait face le pays et pour ne pas recommettre les erreurs d’un passé tourmenté. Les autres font valoir a contrario le risque d’un nouvel affaiblissement de l’Etat, d’une instabilité encore accrue dont profiteraient les ihadistes, ainsi que le mauvais exemple régional donné par une junte maintenue durablement au pouvoir.
La junte a proposé initialement trois ans sous la conduite d’un militaire, avant de rabaisser la barre à deux et de se dire ouverte sur son chef. La Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cédéao) qui fait pression pour un retour rapide à l’ordre civil et a imposé un embargo au pays pauvre et enclavé réclame une transition d’un an maximum sous responsabilité civile.
La ministre française des Armées Florence Parly, dont le pays est un partenaire essentiel du Mali et de ses voisins sahéliens avec le déploiement de plus de 5.000 hommes pour combattre la propagation jihadiste, a déclaré dimanche que la transition devait être une “affaire de mois”.
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