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Mali-Transition : remue-ménage au sommet de l’État ?

Trois semaines après l’adoption de la nouvelle Charte de la transition par le CNT, le Président de la transition aurait entamé des consultations auprès des partis politiques et organisations de la société civile en vue de la formation d’un nouveau gouvernement. La nouvelle Charte a supprimé la limitation du nombre de membres de l’équipe gouvernementale à 25 et, en quête d’inclusivité et de rassemblement, le colonel Assimi Goita devrait opter pour un gouvernement d’ouverture élargi pour la suite. Avec ou sans le Premier ministre actuel, dont la tête est réclamée par une partie de la classe politique ?

9mois après sa prise de fonction en tant que chef du gouvernement, la personnalité du Premier ministre Choguel Kokalla Maiga continue de diviser. Si sa posture « va-t’en guerre » est adoubée par certains, qui saluent l’affirmation de la souveraineté retrouvée du pays, elle est jugée dangereuse et à l’encontre de l’intérêt général par d’autres, pour lesquels le Premier ministre est clivant et non rassembleur.

Ces critiques sur les actions du Premier ministre, qui émanaient pour la plupart des rangs des « opposants », ont fini par gagner son propre camp. En janvier dernier, dans une lettre qui lui était adressée, 6 membres influents du Comité stratégique du M5-RFP avaient alerté sur les périls qui guettaient le mouvement et la transition.

« Après 7 mois de gestion pour un gouvernement dirigé par Choguel Kokalla Maiga, Président du Comité stratégique du M5-RFP, il existe peu d’indices visibles permettant de croire que le pays est solidement engagé sur la voie de l’atteinte de notre objectif commun qu’est la refondation de la gouvernance du pays », écrivaient Cheik Oumar Sissoko, Modibo Sidibé, Mme Sy Kadiatou Sow, Me Mohamed Aly Bathily, Konimba Sidibé et Aliou Doukouré.

Dans une lettre ouverte publiée le 14 mars, El Hadj Oumar Abdou Touré, un autre membre du Comité stratégique du M5-RFP, va plus loin. Pour celui qui est également Président de l’Association Kaoural renouveau international et membre du Front pour la sauvegarde de la démocratie (FSD), le Premier ministre Choguel Kokalla Maiga « doit démissionner dans l’intérêt de tous ».

« À chaque fois qu’il en a l’occasion, il ne manque pas de s’attaquer aux acteurs de 1991, les traitant de tous les noms et voulant toujours donner raison à la dictature de l’ex Président Moussa Traoré, dont il est l’héritier politique. À vouloir forcément ressusciter ce dictateur, Choguel ne fait que semer la discorde, la mésentente, la division, en éloignant la transition de son objectif principal, qui n’est autre que de rassembler les Maliens, de les réconcilier et d’aller au changement », accuse-t-il, soutenant que le Premier ministre veut « tout renvoyer à lui seul ».

« Cette manière d’agir est vue comme une trahison du serment envers le peuple, mais aussi envers les autorités de la transition, cela parce que, depuis son arrivée à la Primature, Choguel n’a pas pu créer d’amis de la transition, ni un climat favorable pour sa bonne marche. Bien au contraire, il ne fait que de se fabriquer des ennemis sur tous les fronts, que ce soit ici au Mali ou à l’extérieur du pays », ajoute celui pour lequel la politique du Président de la transition est diamétralement opposée à celle de son Premier ministre.

Par ailleurs, au sein du gouvernement qu’il dirige, certains ministres s’absenteraient sans justification des réunions du Conseil des ministres au point que le Président de la Transition est intervenu par une mise en garde et a exigé la fin de ce laisser-aller.

« Certains ministres boudent parce que quand ils viennent avec des dossiers le Premier ministre les met de côté et prend ce qu’il veut. Ils se disent qu’il est inutile de participer au Conseil s’ils n’ont pas l’opportunité de défendre leurs dossiers », nous confie une source proche de la présidence de la transition.

Le politologue Bréhima Mamadou Koné appuie cette explication et évoque en plus un problème de leadership par rapport à la gestion même du gouvernement. « Quand des ministres s’absentent du Conseil des ministres, cela veut dire que l’attitude du Premier ministre ne leur permet pas de travailler avec lui. Cela veut aussi dire que ces ministres ne sont pas des hommes de dossiers et ne maîtrisent pas les départements dont ils ont la charge », avance-t-il.

Choguel bientôt remercié ?

Selon cette même source, malgré les rumeurs persistantes de ces derniers jours, le Président de la transition n’est pas pour l’heure en train de consulter dans le cadre d’un éventuel remaniement ministériel ou d’un changement à la tête du gouvernement.

« Il n’y aura pas grand-chose tant que l’on aura pas fini de régler le problème de l’embargo de la Cedeao. Le Président de la transition est plus tourné vers cela en ce moment », nous confie-t-elle.

Quelques partis politiques et organisations de la société civile que nous avons interrogés ont affirmé n’avoir pas été consultés par le colonel Assimi Goita, contrairement aux rumeurs. Dans une intervention récente sur une radio, Adama Ben Diarra, membre du CNT et du Mouvement « Yeworolo Debout sur les remparts », proche du pouvoir en place, a démenti toute discorde entre le Président de la transition et son Premier ministre.

« Si le Chef de la transition veut la démission du gouvernement, il n’a pas besoin de le convoquer. La loi lui permet de prendre un décret pour le notifier. Choguel Kokalla Maïga n’est ni IBK ni Bah N’Daw. Le départ du Premier ministre actuel est tellement le souhait de ses détracteurs qu’ils sont prêts à tout instant à propager des rumeurs pour nous distraire», a-t-il martelé.

Pour les proches du Premier ministre, ce dernier est simplement victime d’une « campagne de dénigrement » dont le but serait de « créer un sentiment de méfiance entre les deux hommes » et d’obtenir la tête du Premier ministre afin d’atteindre le Président lui-même plus tard.

Toutefois, à en croire un observateur qui a requis l’anonymat, les récentes modifications apportées à la Charte de la transition, notamment au niveau de la taille du gouvernement et de l’ajout de nouveaux membres au Conseil national de transition, montrent sans le dire que quelque chose se prépare.

« Quand on écoute les uns et les autres dans l’entourage du Président, on a le sentiment qu’il veut donner un nouveau souffle à son action en rassemblant davantage les Maliens. Aujourd’hui, selon mes informations, il y a deux plans qu’il explore. Le premier est le maintien de son Premier ministre actuel et le second son départ », affirme-t-il.

Ouverture du gouvernement

Si les deux plans semblent être explorés, difficile d’affirmer pour le moment celui qui tient le plus la corde. Le Président de la transition, en quête d’inclusivité et de rassemblement, devra trancher en fonction de ce qu’il estimera être dans l’intérêt supérieur de la Nation.

Le Cadre d’échange des partis et regroupement de partis politiques pour une transition réussie, regroupant une partie importante de la classe politique, a exigé dans un communiqué le 16 février dernier la mise en place d’une nouvelle transition, avec un gouvernement de mission conduit par « un chef de gouvernement non partisan, consensuel, compétent, intègre et ayant une connaissance avérée des dynamiques politiques, économiques et sécuritaires du pays ».

Pour Bréhima Mamadou Koné, une transition ayant besoin de consensus et de légitimité populaire, si l’ensemble des acteurs n’est pas prêt à travailler avec l’actuel Premier ministre, il revient au Président de la transition de travailler à obtenir un consensus autour de ce dernier.

« À la limite, si le Président trouve que lui et le Premier ministre ne peuvent plus cohabiter, que le Premier ministre n’est plus en mesure d’assumer ses responsabilités en tant que chef d’orchestre gouvernemental, qu’il a un problème de leadership et de vision pour travailler avec certains des membres du gouvernement, ce qui risque de constituer un blocage au niveau de l’appareil d’État, il lui revient de le démettre de ses fonctions », estime le politologue.

Selon lui, au regard du contexte actuel, il faut un Premier ministre « neutre, qui ne prend pas certaines positions pour fustiger la classe politique dont il est issu lui-même ». « C’est extrêmement important, au regard de la polarisation des acteurs et de la fragilité de la situation, qu’on ait aujourd’hui un Premier ministre qui fasse consensus, travaille à réconcilier les Maliens et fasse en sorte que le Mali retrouve sa place d’antan dans la communauté internationale », pense M. Koné, selon lequel il faut aller vers un gouvernement d’ouverture, pour plus de représentativité des formations politiques mais aussi des organisations de la société civile. Le nom d’Abdoulaye Diop, actuel ministre des Affaires étrangères, est très souvent évoqué comme candidat idéal à la Primature si un remplacement devait avoir lieu. Consensuel et pouvant recoller les morceaux avec la communauté internationale, son nom avait déjà été évoqué en décembre 2021 lorsque des rumeurs persistantes faisaient état d’un possible départ de Choguel Maiga. Ce sera, il va sans dire, au Président de la transition de trancher. En maintenant Choguel à la tête du gouvernement et en exigeant un changement de cap et de discours ou en décidant de le débarquer et de prendre le risque, selon certains observateurs, de faire face aux critiques l’accusant d’avoir cédé aux sirènes d’une classe politique et d’une communauté internationale en grande partie décriées par les Maliens.

Mohamed Kenouvi

Source : Journal du Mali

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