L’année 2019 s’en est allée avec son lot de violences et de morts, laissant les Maliens face à une situation encore plus dramatique qui ne finit pas de se détériorer depuis 2012.

La vie reste marquée par une corruption endémique, l’insécurité généralisée, les crises socio-politiques latentes sur fond d’incivisme et d’impunité. L’exaspération a fini par provoquer le rejet des forces internationales, notamment françaises par une grande partie de la société civile, mettant à nu une rupture de confiance à tous les niveaux. Comment passer ce cap ?

L’ECHEC DES ACTEURS POLITIQUES

Les hommes politiques maliens ne mobilisent plus parce qu’ils ont vidé la politique de sa substance et de son côté attractif, provoquant par la même occasion une rupture de la confiance dans les partis et dans le système lui-même. Les partis se sont multipliés et transformés au fil du temps en fonds de commerce pour leurs leaders, soit pour accéder au financement public, soit pour obtenir un poste, créant des alliances contre nature qui ont contribué à biaiser la perception du citoyen. Naturellement, ceux qui sont sollicités pour ne servir que de marche- pieds ont bien appris la leçon et monnaient leur voix. Désormais, tout s’achète sur le marché politique et aucune valeur morale n’est sacrée ou même consacrée. N’étant plus identifiables par leur ligne ou leur programme, le citoyen a fini par ranger tous les partis dans le même marigot obscur perçu comme un nid de prédateurs et d’opportunistes. Les querelles de clocher, la transhumance politique, les arrangements douteux sont devenus la règle au détriment de la formation des militants abandonnés à eux-mêmes. Dès lors, comment s’étonner que le vote soit influencé par des considérations plutôt subjectives et que l’élu soit accusé dans la foulée d’ingratitude ? L’aggravation de l’insécurité et l’audace affichée par les groupes terroristes ont fini par convaincre que la solution choisie n’est pas adaptée à la menace. C’est pourquoi, il est vain de clamer urbi et orbi que les forces étrangères sont nos alliées, d’autant plus que tous les malheurs frappant actuellement la zone sahélienne sont partis de la déstabilisation de la Libye programmée et exécutée froidement sans égard pour les populations du Sahel. En outre, la position ambigüe de la France relativement à l’enclave de Kidal ne peut-elle pas laisser croire que les actions terroristes ont été transportées vers le centre du pays pour protéger cette ville devenue le repaire et le camp retranché des djihadistes ? Un médecin n’est jugé bon que parce qu’il soulage et soigne ses malades. Est-ce le cas au Mali ?
ON ATTEND UN PEU TROP DU DIALOGUE NATIONAL

Le dialogue politique proposé s’est mué par la suite en dialogue national inclusif car les Maliens avaient besoin de parler et de se parler. Cependant, la forme et les conclusions de ce forum permettront-elles de tirer le pays du désastre ? Les difficultés ont été examinées à différents niveaux et il appert que la crise actuelle est intiment liée à la mauvaise gestion des affaires publiques de 1992 à ce jour. En effet, le clientélisme politique ainsi que les manquements graves acculés ont conduit à une gouvernance de compagnonnage débridée. Toutes les bornes ont été franchies depuis l’avènement de l’ère dite démocratique, même les plus inacceptables : partis politiques pléthoriques dans un contexte de gestion fortement partisane du pouvoir d’Etat, libertinage sous tous les angles, rupture de l’équilibre familiale et sociale, économie extravertie par une atteinte grave à la loi du marché et de la concurrence. Le Mali est un corps malade du non-respect des règles et des codes dans tous les domaines, un corps malade de la politisation et de la corruption de son Administration. Devant la catastrophe, chacun espère secrètement sans trop y croire que le dialogue national aidera à trouver la solution, mais rien ne changera tant que les hommes et les femmes ne changeront pas leur comportement, tant que liberté ne rimera pas avec responsabilité. Aujourd’hui, sur quel corps social suffisamment sain et propre peut-on s’appuyer au Mali pour amorcer un changement qualitatif ? Un Procureur de la République, même avec le soutien du Ministre de la Justice,  peut-il faire la justice à lui tout seul ? Combien de fonctionnaires et d’hommes politiques peuvent justifier leurs biens par des voies avouables ? C’est le sens de toute la difficulté liée à cette mission d’assainissement qui reste un défi majeur au cœur de la problématique. L’essentiel est de commencer et de montrer la voie à suivre, en souhaitant que la connivence des élites ne vienne pas une fois de plus noyer cette noble entreprise.
Au stade actuel, de simples retouches ou des formules incantatoires ne suffiront pas pour sauver le pays. N’aurait-on pas dû permettre que le dialogue national inclusif, après avoir posé le diagnostic, proposât les solutions et même les décisions à prendre dans le cadre d’un plan d’actions détaillé validé par le Président de la République ? On aurait ainsi pu établir une véritable feuille de route pour le Gouvernement et obtenir sans peine l’accalmie sociale tant souhaitée.

Mahamadou Camara
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Source: Canard Déchainé