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Mali : Report du CSA de ce 11 décembre: le coup de Jarnac

Même si les experts relativisent la suspension des travaux du Comité de suivi de l’Accord (CSA), en tant qu’instance d’évaluation et non d’exécution de la mise en œuvre des dispositions de l’Accord pour la paix, le report sine die par l’Algérie de la session initialement prévue ce 11 décembre, paraît pour le moins impromptue.

De sérieuses divergences sont apparues entre la Coordination des mouvements armés (CMA) et le Gouvernement lors que ce dernier, in extrémis, de façon unilatérale, a décidé du report de la 38e session du CSA prévue à Kidal pour laquelle les hôtes auraient mis les petits plats dans les grands. Le jeu en valait la chandelle, puisque depuis la signature de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, en 2015, cela aurait été la première fois qu’une session du CSA était délocalisée. Alors, la violence de la réaction à la décision était à la mesure de la déception. Le 17 septembre, la CMA se fend d’un communiqué où il marque sa désapprobation de la décision du Gouvernement : ‘’l’annulation de la réunion du comité de suivi de l’accord à Kidal à la seule demande du gouvernement est inadmissible’’. Dans le même communiqué, elle demande : ‘’une réunion urgente et avant toute autre étape avec la communauté́ internationale et les autres parties de l’accord dans un lieu neutre pour clarifier l’ensemble des questions pendantes notamment la « raison d’Etat impérative » qui a motivé́ l’annulation de la 38ème session du CSA, afin de procéder à une évaluation transparente de la situation actuelle et de la gouvernance de l’accord’’.
En réponse, le Gouvernement n’arrondit pas ses raideurs : pas de session à Kidal et pas de rencontre ‘’dans un lieu neutre’’. Conséquence des deux radicalités : le grand raout plonge dans l’impasse.

Une mission fructueuse
La MINUSMA, qui a une mission de bons offices dans son mandat, se retrouve en face d’un nouveau challenge. Pour le relever, Mahamat Saleh ANNADIF puise dans le tréfonds de ses ressources diplomatiques. Le lundi 25 novembre 2019, à sa demande, une délégation de la Médiation internationale conduite par le Chef de la MINUSMA, Mahamat Saleh ANNADIF, était reçue par le ministre des Affaires étrangères et de la coopération internationale, Tiébilé DRAME. Objectif : déminage du CSA qui connait une suspension sans précédent de 3 mois, depuis 2015, en vue d’une relance du processus de paix.
Il est apparu, à l’occasion de cette audience, que les apparences sont plutôt trompeuses. En effet, le ministre DRAME a déclaré : «c’est vrai qu’il y a pas eu de CSA à Kidal en septembre. Mais jamais le dialogue inter-malien n’a été aussi intense que pendant cette période. Des canaux de communication ont été établis entre la partie gouvernementale et nos frères de la CMA. Nous avons continué à parler avec nos frères de la Plateforme. Nous essayons d’avancer vers une compréhension commune des problèmes relatifs à la restauration de l’autorité de l’État sur toute l’étendue du territoire national. Il y a aujourd’hui une compréhension commune, les divergences s’amincissent. Je pense que nous allons avancer ensemble pour fermer certaines parenthèses et pour avancer dans la mise en œuvre de l’Accord. Les responsables de la CMA sont à Bamako, ils ont été reçus par le Président de la République. Je crois qu’il faut appuyer sur ces signaux très forts pour avancer». Donc, à ce niveau, il s’agit plutôt de voir “comment faire avancer le processus de paix en cours” que de briser une quelconque réticence à la reprise des travaux du CSA.
Le lendemain, 26 novembre, dans le même cadre et toujours accompagné de la Médiation internationale, le Chef de la MINUSMA a également échangé avec les représentants de la Plateforme et de la CMA. A l’issue de cette série d’entretiens, le Représentant Spécial a noté : «qu’à ce stade, il y a un accord pratiquement de base de la part du gouvernement et des mouvements pour que on puisse relancer le processus». Il a également noté qu’il restait à s’accorder sur une date « mais qu’au moins la période de la première dizaine du mois de décembre fait déjà consensus. »

La galipette
L’incendie est fixé. L’accord entre les parties a été respecté à un jour près, puisque c’est la date du 11 septembre qui a été retenue pour la tenue de la 38e session du CSA jusque-là plongé dans un abîme de polémiques.
Mais, la galipette du Chef de file de la Médiation internationale relativement à un report sine die de cette 38e session décidément au cœur de toutes les infortunes, pantois.
Face à ce retournement de situation, l’on peut se risquer à quelques réflexions.
La première qui s’impose est que la décision du Chef de file de la Médiation vient oblitérer tous les efforts des différentes parties pour remettre sur les rails le cycle des sessions du CSA.
La deuxième réflexion repose sur cette révélation du Chef de la Mission onusienne, lors de l’audience accordée par le Chef de la diplomatie : ‘’ cette rencontre a été sollicitée suite à une réunion des membres de la Médiation internationale’’. Le Chef de file de la Médiation internationale ne peut demeurer en marge d’une telle initiative. C’est pourtant lui qui enraye la belle dynamique de la reprise des travaux du CSA. Le paradoxe est presque mortel.
La troisième réflexion qui a heurté les sensibilités dans certains milieux est le communiqué de l’ancien chef de file de la Médiation, Ahmed BOUTACHE, suite à la décision de report du Gouvernement, laissant soupçonner une certaine connivence avec les factieux de la CMA.
In fine, quelles que puissent être les raisons invoquées, en espérant qu’il ne s’agisse pas d’une « raison d’État impérative », la décision de report (certainement unilatérale également) plonge dans une pétaudière un processus de reprise claudicant. Et cela ne devrait certainement pas contribuer à la sérénité autour du processus de mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali issu du processus d’Alger. Il n’y a-t-il pas alors un coup de Jarnac ?

PAR BERTIN DAKOUO

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