Au Mali, la situation économique est critique et cela se ressent partout. Mais le lieu qui en sent le plus le poids est le marché. Il n’y a plus que des commerçants, les clients ont tout simplement disparu.
Les moments sont critiques. Au moment où le mois de carême s’annonce, les populations maliennes font de plus en plus face à une « dèche » et cela n’est pas pour faciliter la chose, car ce mois est celui des doubles dépenses. Aujourd’hui, nos marchés se sont vidés de leurs clients. On n’y voit plus que des vendeurs. Il est 11h, l’heure à laquelle, normalement, il y a de l’affluence chez les commerçants et où le marché est plein de monde. Mais Mahamadou Ganamba, dans sa boutique, dort profondément. Perché sur une longue chaise derrière son comptoir, il se réveille quand nous entrons. Selon lui, il dort parce qu’il n’y a pas de clientèle. « Depuis ce matin, vous êtes les premiers à entrer ici. On ne vient même plus nous demander combien coûte tel ou tel article. Donc on est obligé de dormir. Tout cela est l’effet de crise. Le pouvoir est mal parti et partout tout le monde se plaint », s’écrie-t-il. Selon lui, la faute incombe aux autorités. De l’autre côté, Kadia Bolly vend des pagnes, des foulards, des voiles et des tapis de prière. Elle pense que la crise économique est due aux problèmes sécuritaires du pays. « Nous vivons ici au jour le jour, presque. Je n’ai jamais connu une année aussi dure que celle-ci. Et le hic c’est que tout le monde crie, hommes, femmes, fonctionnaires et entrepreneurs. Que dire des manœuvres et de nous qui vendons ? Il n’y a plus d’argent nulle part. Avant, les villageois venaient faire des achats chez nous après leur récolte. Cette année, il n’y a même pas eu de semis dans certaines localités. Nous avons la location de la maison à payer, l’électricité, la Sotrama pour venir au marché, mais il n’y a pas de clients ». Kadia Bolly propose que les autorités trouvent la solution au conflit entre Peulhs et Dogons et entre Songhays et Tamasheks pour mettre fin à la crise économique.
Des recettes malgré tout
Il est vrai que les temps sont durs et que l’argent ne sort plus, mais il y a des secteurs où ça marche encore. Le secteur alimentaire est de ceux-là. Car on ne peut rester vivant si l’on ne mange pas. Batoma a choisi de travailler dans la restauration et elle ne le regrette pas. « Je sais qu’il n’y a pas d’argent dans le pays, ça se ressent même dans les achats des gens. Mais on est obligé de manger si on veut vivre. Je vends à manger depuis bientôt 5 ans et je peux dire que ça va. Il y a toujours une queue devant ma table, parce que je prépare des bons mets que des gens peuvent manger sans beaucoup dépenser (Djouka, fonio, boulettes, salade, concombres, frites…). Autre part, devant les espaces de loisir, des dames tiennent aussi des restaurants qui proposent un peu de tout. Mariam vend devant le bar « Soleil 3 » de l’attiéké, du poisson, des brochettes de filet, du poisson de mer… « Ça va un peu, un peu. Les gens sont obligés de manger. Donc nous on fait notre recette ici ». À côté, un étalagiste qui propose des cigarettes, des bonbons et des chewing gums reçoit des clients par moment.
Les difficultés financières font fuir du marché les clients. Il n’est pas rare de se faire accoster par des jeunes qui essayent de vous vendre leurs articles ou qui sont à la solde de commerçants mais encore faut-il avoir de l’argent pour marchander ou faire des achats. Nous avons vu assez de personnes se dérober en prétextant qu’elles n’avaient pas les moyens. Aujourd’hui, on se limite juste à l’achat de l’essentiel et non à ce que l’on veut.
Youssouf Ag Ibrahim
Nord Sud Journal