« Justice en Afrique, ce grand corps malade : le cas du Mali », c’est le titre d’un livre que vient de publier Mamadou Ismaïla Konaté. L’ancien ministre de la Justice du Mali part du cas particulier de son pays pour parler de la situation générale sur le continent africain et notamment de l’interaction entreprises-justice.
Avec la réforme de leur code des investissements, plusieurs pays africains améliorent le climat des affaires, mais cela ne suffit pas pour attirer les capitaux, l’état de la justice n’étant pas particulièrement rassurant, selon Mamadou Ismaïla Konaté.
« La justice est dans un mauvais état matériel et une très mauvaise psychologie des justiciables en ce qui concerne leur appréhension de la justice. Ce constat est à peu près le même partout en Afrique et doit nous amener aujourd’hui à prendre conscience de la nécessité absolue à offrir une institution de justice aux gens dans leurs rapports sociaux – dans le cadre de la justice civile –, dans leurs rapports d’affaires – dans le cadre de la justice commerciale –, y compris dans leurs rapports avec les institutions au niveau des processus électoraux – nous sommes ici dans le cadre de la justice constitutionnelle –. L’ensemble de cette offre de justice doit permettre aujourd’hui à l’Afrique de participer dans un contexte d’universalité. Il est impensable aujourd’hui pour un investisseur étranger qui intervient à Bamako ou à Ndjamena qu’il puisse rencontrer une justice en décalage avec celle de son point d’origine. »
Youssouf Camara a assisté à la présentation du livre « Justice en Afrique, ce grand corps malade : le cas du Mali ». Il investit depuis une dizaine d’années en Côte d’Ivoire, dans le commerce et l’agriculture.
« Je suis intéressé par le livre de Konaté, pour m’éclairer sur les problèmes de rendu de justice, puisque je suis moi-même confronté à un problème judiciaire, concernant des terres que j’ai acquises dans les années 1990 et dont la propriété a été remise en question, préemptée par des potentats locaux. Nous sommes maintenant au tribunal et ce sont des affaires qui durent longtemps ; il faut donc être patient. »
Pour Mamadou Ismaïla Konaté, sans une sécurité juridique proche des standards internationaux, il sera difficile aux pays africains, comme le Congo-Kinshasa, de tirer le maximum de profits de leurs ressources.
« La désorganisation dans le cadre d’un État est toujours une source de grande confusion. Ceux qui sont présents là, qui dissipent aujourd’hui des richesses nationales dans des conditions inacceptables, en connivence avec des gens qui se disent momentanément représentants de l’État au titre d’un peuple qui n’est pas en cohérence, c’est une difficulté majeure. Et c’est pour ça que les premières forteresses à élever dans nos pays, ce ne sont pas des camps militaires, c’est d’abord des maisons de justice. Tant que les questions de gouvernance n’auront pas d’importance, que la justice n’est pas dans nos pays, il n’y aura point de développement. »
L’ancien ministre malien de la Justice a tout de même l’espoir que la méfiance des investisseurs va progressivement s’atténuer, avec l’existence de l’OHADA, l’Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires, qui regroupe aujourd’hui 17 pays.
RFI