Mais ces pronunciamientos peuvent avoir de lourdes conséquences. Le souvenir de 2012 reste dans les esprits. Le putsch qui avait renversé Amadou Toumani Touré avait accéléré l’offensive des terroristes filant vers la capitale. On connaît la suite : en janvier 2013, le président français François Hollande lance l’opération Serval pour protéger Bamako et reconquérir le Nord. Il encourage ensuite la tenue, dès l’été, d’une élection présidentielle. On s’est trop pressé pour apparaitre, comme toujours, comme le pays des avancées démocratiques sans tenir compte des réalités profondes religieuse et tribales du terrain. L’élection triomphale d’Ibrahim Boubacar Keïta, il y a sept ans, avait fait naître l’espoir illusoire d’un redressement de la nation. La situation n’a fait que se dégrader. L’enlisement débouche sur un piège qui se referme sur la France de Macron, héritière de la victoire à la Pyrrhus de Hollande.
Au lendemain du coup d’État qui a renversé le président Keïta, l’état-major français, qui déploie 5100 hommes au Mali pour lutter contre les groupes terroristes au Sahel, assurait que «les opérations ne sont pas interrompues». Les combats se poursuivent, dit-on donc, pour ne pas laisser croire aux djihadistes qu’ils pourraient profiter de l’instabilité régnant à Bamako. C’est pour eux cependant une bonne nouvelle : la légitimité de la présence française, déjà contestée, est encore plus affaiblie.
Engagées depuis sept ans dans la lutte contre le terrorisme islamiste au Sahel, les troupes françaises cherchent à passer le relais aux forces locales, sans trouver les structures de pouvoir politique suffisamment solides pour le faire. L’Elysée rappelle qu’au sommet du G5 Sahel de Nouakchott en juin, Emmanuel Macron était « fortement intervenu » auprès du président malien pour lui demander de régler les problèmes liés à la contestation des élections législatives. Encore une fois, on était dans le virtuel idéologique au mépris de l’Afrique réelle
Le colonel Assimi Goita s’est présenté comme le chef de la junte qui a renversé Keita . Cet officier d’une quarantaine d’années est issu du Prytanée militaire de Kati qui, dans la banlieue de Bamako, forme les meilleurs éléments de l’armée et il est également diplômé de l’Ecole inter-armes de Koulikoro, à une cinquantaine de kilomètres de la capitale. Il était jusqu’ici le patron des Forces spéciales maliennes basées dans le centre du pays, une région en proie depuis 2015 à des violences djihadistes et intercommunautaires. Il parait assez populaire et rassurant pour les Maliens, malgré l’absence de bons résultats. L’armée est régulièrement humiliée par les attaques sanglantes des terroristes. La plus spectaculaire, contre le camp d’Indelimane, le 1er novembre 2019, a fait une cinquantaine de morts dans ses rangs.
Le soutien des forces étrangères ,que ce soit Barkhane ou la MINUSMA, ne semble rien changer à l’affaire. Surtout que cette armée « noire » est traversé par des tensions ethniques et une coopération contre-nature. Une armée dite « reconstituée », composée à ratio égal des forces armées maliennes, des combattants de l’ex-rébellion et des groupes armés pro-gouvernement. Contrainte de partager le territoire avec les Touareg, l’armée rechigne à le faire. Un rapport de l’ONU rendu public récemment, accuse une partie de l’état-major malien d’avoir retardé la mise en place de ce processus de paix dans le nord du pays. Pour certains, le coup d’Etat est une reprise en main des éléments ethniques sédentaires « africains ».
Source : libertepolitique.com