Le nord et le centre du Mali ressemblent à un volcan toujours actif, dont les larves grondent en profondeur, troublant le sommeil national.
La cause ? Une injustice sociale aggravée par la grande corruption et l’impunité. Une gouvernance politique défaillante dans de nombreux compartiments. Une société civile courtisane et divisée, traversée par quelques courants irréductibles. Comment tenir le couvercle de la marmite en ébullition ?
LE PEUPLE MALIEN A L’ÉCART DE LA GESTION DES DOSSIERS
De l’époque du Comité Militaire de Libération Nationale (CMLN) à ce jour, les élites dirigeantes ont toujours su tenir le peuple malien à l’écart des grands dossiers, au point que certains en sont venus à penser que le pouvoir peut tout se permettre. Pendant dix ans, le CMLN n’a- t-il pas muselé le peuple malien ? Après, Moussa Traoré et l’UDPM ne sont-ils pas restés sourds aux appels en faveur du pluralisme démocratique ? Puis, ATT n’a- t-il pas été contraint à un triple saut périlleux dans l’affaire du nouveau code de la famille, pour avoir snobé les associations religieuses en voulant faire plaisir à certaines officines européennes? Aujourd’hui, pour une question aussi sensible et délicate que l’éducation sexuelle à l’école, n’aurait-on pas dû consulter les vrais gardiens du « Temple Mali » avant de parler « d’éducation sexuelle complète » ? Le gouvernement pouvait-il ignorer que la simple évocation de cette question donnerait du grain à moudre aux djihadistes de tous bords ? Il y a des précautions à prendre et des valeurs sociétales à respecter lorsqu’on gouverne. Avec tous les problèmes que le Mali connait en ce moment, quelle urgence y a-t- pour parler d’éducation sexuelle ? Est-ce une solution à la crise sociale ? On se rend compte que le Mali a perdu l’essentiel de ses repères dans des compromissions touchant toutes les couches de la société, et le crédo « plutôt la mort que la honte » n’est qu’un lointain souvenir. En effet, le chef de famille, l’épouse, l’enseignant, le chef coutumier, le guide religieux, le responsable politique, l’administrateur civil ou le juge, ne sont plus les symboles de la respectabilité et de l’honorabilité. Pour des raisons bassement matérielles, nous avons réussi à créer en cinquante ans un univers débridé peuplé de démons qui dévorent chaque jour un peu plus l’âme de notre société et nous condamnent au purgatoire. Et ce sont les plus jeunes qui s’indignent constamment du comportement et des pratiques de leurs pères ! Le monde à l’envers.
CHAQUE PEUPLE MÉRITE SES DIRIGEANTS
Depuis Modibo Kéita, le Mali attend un homme politique qui soit une référence d’intégrité intellectuelle et morale au plan national et dont la voix porte dans le concert des nations ; un homme guidé par sa foi et son idéal pour le pays, loin de la gestion clanique du pouvoir et qui place la jeunesse au cœur de son action politique. Moussa Traoré a dû se résoudre dix ans durant à diriger avec les principes léonins édictés au sein du CMLN, puis à se battre treize ans au sein d’un parti unique contre des réformateurs. On avait pensé qu’avec sa chute en 1991, le pays allait changer de cap. On a déchanté parce que les fruits n’ont pas su tenir la promesse des fleurs. Depuis 1992, la pratique politique est la même parce que la majorité se comporte en maitre absolue et ne laisse que deux options à l’opposition : composer contre quelques prébendes ou se taire pour éviter la foudre. A ce jeu, il n’y a malheureusement personne pour faire la leçon aux autres, le bourreau d’hier se transformant en victime et vice versa. Pauvre Mali ! Pire, comment le dialogue politique peut-il régler la question, lorsque le chef de fil de l’opposition ne reconnait même pas les institutions issues de la dernière élection présidentielle ? A quel titre le Président de la République devrait-il le recevoir et surtout, par qui voudrait-il être reçu ? A ce niveau, la société civile qui est clairement interpelée a du mal parce que la plupart de ses responsables ont un bord politique connu. Si la reconnaissance du résultat de l’élection par l’opposition n’est pas une condition de validité du scrutin, le défaut de reconnaissance peut jouer en faveur du pourrissement du climat politique, au moment où le pays a besoin d’un minimum de consensus pour effectuer les modifications constitutionnelles indispensables à la mise en œuvre de l’Accord pour la paix issue du processus d’Alger. Que vaut en réalité une opposition qui se déclare en résistance contre le président élu, au moment où le pays a besoin de tous ses enfants pour sortir des périls graves qui le guettent ? Est-ce trop demander aux hommes politiques que d’accepter de se placer au-dessus des contingences immédiates pour sauver le pays, à moins de ne vouloir conquérir que des cimetières ?
Le Mali a certes des efforts à faire en matière de bonne gouvernance, mais il n’a rien à attendre d’amis qui cherchent à le diviser à leur seul profit. La Libye n’a été que la première étape du plan. Aux Maliens de le comprendre !
Mahamadou Camara
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Source: Canard Déchaîné