La réaction de Bamako ne s’est pas faite attendre. Quelques heures après que la Cedeao a brutalement durci sa position vis-à-vis des autorités de transition, le porte-parole du gouvernement a répliqué à la télévision nationale. Il dénonce l’influence de « puissances extrarégionales ».
Entre la Cedeao et les autorités maliennes, le bras de fer, bel et bien engagé, est de plus en plus tendu. La vivacité de la réponse de Bamako est à la hauteur de la dureté des mesures décidées par l’organisation ouest-africaine, le 9 janvier à Accra. « Le gouvernement du Mali condamne énergiquement ces sanctions illégales et illégitimes », a affirmé le soir-même, à la télévision nationale, le colonel Abdoulaye Maïga, porte-parole du gouvernement.
Sanglé dans son uniforme, il a également annoncé le rappel des ambassadeurs accrédités dans les pays membres de la Cedeao ainsi que la fermeture des frontières terrestres et aériennes avec ces pays. « Le gouvernement du Mali regrette que des organisations sous-régionales ouest-africaines se fassent instrumentaliser par des puissances extrarégionales aux desseins inavoués », a-t-il ajouté, sans nommer ces « puissances ».
Grande sévérité
Le 9 janvier, la Cedeao et l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa) ont adopté toute une série de mesures économiques et diplomatiques à l’encontre du Mali, destinées à sanctionner la junte, qui souhaite se maintenir au pouvoir plusieurs années encore. Alors que le gouvernement de transition s’était, dans un premier temps, engagé à organiser des élections présidentielle et législatives le 27 février 2022, il envisage désormais de ne rendre le pouvoir que dans un délai allant de six mois à cinq ans.
La proposition de la junte malienne d’organiser la présidentielle en décembre 2026 est « totalement inacceptable », estime la Cedeao. Elle « signifie qu’un gouvernement militaire de transition illégitime prendra le peuple malien en otage au cours des cinq prochaines années ».
La Cedeao a aussi décidé de couper son aide financière et de geler les avoirs du Mali à la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), tout en maintenant les échanges commerciaux en ce qui concerne les produits de première nécessité. Les pays membres vont rappeler leurs ambassadeurs au Mali. Ces sanctions prennent effet immédiatement, ont-ils précisé. Elles ne seront levées progressivement que lorsque les autorités maliennes présenteront un calendrier « acceptable » et que des progrès satisfaisants seront observés dans la mise en œuvre de celui-ci.
Ces sanctions sont plus rigoureuses encore que celles qui avaient été adoptées après le putsch d’août 2020 et qui, en pleine pandémie, avaient été durement ressenties. Elles avaient alors forcé la junte à s’engager à rendre le pouvoir aux civils dans un délai de dix-huit mois maximum suivant des élections.
Une « plaisanterie »
Invoquant l’insécurité persistante qui prévaut dans le pays, la junte se dit aujourd’hui dans l’incapacité d’organiser des élections présidentielle et législatives comme prévu à la fin de février 2022. Elle souligne la nécessité de réformes préalables pour que les scrutins ne soient pas contestés, à l’instar des précédents. Pressentant le courroux ouest-africain, la junte avait dépêché le 8 janvier à Accra Abdoulaye Diop, son ministre des Affaires étrangères, ainsi que le colonel Abdoulaye Maïga, les chargeant de soumettre à leurs interlocuteurs un calendrier révisé.
« La contre-proposition malienne est une transition de quatre ans. C’est une plaisanterie », souligne un haut responsable ghanéen, dont le pays assure actuellement la présidence de la Cedeao. Selon les informations de Jeune Afrique, les ministres maliens ont proposé que les cinq années de pouvoir supplémentaires qu’ils demandaient soient ramenées à deux.
Pour l’organisation, dont la crédibilité est en jeu, il s’agit de défendre le principe fondamental de gouvernance, de faire cesser « la contagion du fait accompli » et de contenir l’instabilité régionale. C’était la huitième fois depuis août 2020 (sans compter les sommets ordinaires) que les dirigeants ouest-africains se retrouvaient, en présentiel ou en visioconférence, pour parler spécifiquement du Mali (et de la Guinée, qui, en septembre 2021, a également connu un putsch). La Cedeao avait déjà suspendu le Mali de ses organes de décision. Elle lui avait imposé un gel de ses avoirs financiers et avait édicté une interdiction de voyager à cent cinquante personnalités maliennes, coupables selon elle de faire obstacle aux élections. Ces sanctions restent en vigueur.
Avec AFP
JA