Abdelmalek Droukdel, chef d’Aqmi souhaitait que son mouvement s’infiltre dans les instances dirigeantes pour tromper “l’ennemi”.
e chef d’Aqmi voulait, pendant que ses hommes contrôlaient en 2012 le Nord du Mali, instituer une administration de façade composée de Touaregs afin de tirer discrètement les ficelles, révèle un document exclusif publié dimanche 6 octobre dans la soirée par “Libération” et RFI.
Ce texte, feuille de route pour le Mali signée par Abdelmalek Droukdel, chef d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), a été découvert en février 2013 à Tombouctou par deux journalistes de la radio RFI et du quotidien “Libération”.
Entrisme et dissimulation
Cette lettre en six chapitres, rédigée en juillet 2012 et intitulée “Directives générales relatives au projet islamique djihadiste dans l’Azawad” (Azawad est le terme utilisé par les Touaregs pour désigner le Nord Mali) suggère de ne pas faire apparaître Aqmi dans les instances gouvernant la région, afin de ne pas provoquer une réaction de la communauté internationale.
“L’intervention étrangère sera imminente et rapide si nous avons la main sur le gouvernement et si notre influence s’affirme clairement”, écrit Abdelmalek Droukdel. “L’ennemi aura plus de difficulté à recourir à cette intervention si le gouvernement comprend la majorité de la population de l’Azawad, que dans le cas d’un gouvernement d’Al-Qaïda ou de tendance salafiste djihadiste”.
Gouverner avec “douceur et sagesse”
Il suggère même de renoncer dans un premier temps à appliquer une version stricte de la chariah afin de gagner les coeurs et les esprits des populations et suggère de gouverner “avec douceur et sagesse”.
Ce document démontre à contrario le manque de contrôle de l’émir d’Aqmi sur certains éléments de la mouvance djihadiste au Sahel : pendant les dix mois où ils ont contrôlé la région, les islamistes radicaux se sont aliéné une majorité de la population locale, notamment en détruisant des mausolées et en appliquant une version rigoureuse de la chariah.
Ce document a été trouvé le 16 février 2013 par les journalistes Nicolas Champeaux, de RFI et Jean-Louis Le Touzet, de “Libération”, envoyés spéciaux à Tombouctou juste après la fuite des forces d’Aqmi, mises en déroute par l’armée française dans le cadre de l’opération Serval.
Les journalistes l’ont découvert par terre dans les locaux dévastés de la Radio Télévision Malienne à Tombouctou. Les deux rédactions ont pendant des mois traduit ces textes depuis l’arabe puis les ont authentifiés et fait analyser par des experts.
Nouvel Observateur